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Entre 2 Rives

Publié par - 12 décembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Sur les eaux d'un lac marquant la frontière entre les deux Corées, l'hélice du bateau d’un modeste pêcheur nord-coréen se retrouve coincé dans un filet. Il n’a pas d’autre choix que de se laisser dériver vers les eaux sud-coréennes, où la police aux frontières l’arrête pour espionnage. Il va devoir lutter pour retrouver sa famille...

Un filet dont on ne sort pas vivant

Sorti chez nous sous le titre Entre 2 Rives, le nouveau film de Kim Ki-duk se nomme originellement Geumul, qui se traduit par « le filet ». Un intitulé qui lui sied à merveille, tant le long-métrage tourne autour d’un individu piégé par un malheureux coup du sort, duquel il sera prisonnier et ne pourra jamais totalement se sortir.

Ce filet, au sens littéral, c’est celui du pêcheur nord-coréen Nam Chul-woo (Ryoo Seung-bum, habitant complètement son personnage) qui se prend dans les pâles de son bateau de travail. Hors d’usage, l’embarcation portée par le courant du fleuve dérive jusqu’en Corée du Sud, où il sera immédiatement arrêté et soupçonné d’espionnage. Au sens figuré, c’est cette machine étatique paranoïaque nourrie par une haine instrumentalisée qui va coincer le héros dans ses griffes inamovibles. « Quand un poisson est pris dans le filet, il n’en ressort pas vivant… »

Séquestré, torturé, ce dernier va devoir faire face à l’acharnement aveugle d’un enquêteur souhaitant absolument capturer un espion nord-coréen. A l’image d’un personnage kafkaïen, le pêcheur tente par la raison et la logique de clamer son innocence, mais ne peut s'extraire d’un système aveugle qui ne voit que ce qu’il cherche à voir. Le scénario, écrit par le metteur en scène lui-même comme la quasi totalité de sa filmographie, laisse exploser un sentiment de haine où la persécution mutuelle anime les services d’État des deux Corées. Pas un souci de réalisme évident, Kim Ki-duk n'omet nullement de documenter son propos pour le contextualiser avec cohérence au regard de la situation actuelle.

Un film, et encore moins une fiction, ne peut se revendiquer de représenter la réalité (qui est de toute manière subjective). Néanmoins, Kim Ki-duk insistera bien, lors de sa tournée promotionnelle, sur le fait que la grande majorité des éléments du script d'Entre 2 Rives soit tirée de faits et témoignages réels. Cette volonté de véracité ira jusqu’à pousser l’équipe à filmer des paysages nord-coréen pour les extérieurs, dans des conditions de tournage laissées volontairement floues. Le sujet impacte profondément son auteur, comme il le dit lui-même lors de l’interview présente dans le DVD. Chose qui peut surprendre lorsque l’on retrace la filmographie du cinéaste.

Surtout connu pour sa poésie brute et son rapport frontal avec la nature (Printemps, Été, Automne, Hiver… et Printemps, Locataires…), le réalisateur coréen sort quelque peu de son registre habituel. Avec Entre 2 Rives, il se frotte cette fois au militantisme politique, déjà abordé plus indirectement avec son précédent long-métrage Stop, tournant autour de Fukushima. Un militantisme intelligent, tant les deux Corées sont constamment comparées sur le territoire réciproque de l’autorité implacable/inhumaine, où chacune clame que son ennemi se fourvoie en raison d'un "lavage de cerveau" (terme utilisé en miroir des deux côtés de la frontière). Mais cette proposition, plus passionnante dans ce qu'elle nous démontre que dans la manière dont elle le fait, n'est peut-être pas la plus intéressante du film. Son point fort réside dans ses représentations sociétales, qui jouissent d’une vision et d'un traitement plus fin, à partir desquels chacun pourra trouver matière à réflexion.

Kim Ki-duk parvient dans Entre 2 Rives à filmer les excès du capitalisme libéral sud-coréen sous le même prisme ambigu que le dénuement communiste nord-coréen. Et le film de prendre de l'épaisseur dans les passages de déambulation urbaines ou les scènes intimes et, au contraire, de se perdre dans ses phases d’interrogation.

Un souci qui peut venir de la démultiplication des points de vue dans les séquences de séquestration, avec des aller-retours entre les salles à la limite du comique et de multiple personnages peu intéressants incarnant la froideur administrative. Mais dès que la caméra se focalise sur un élément moteur, à savoir le personnage de Ryoo Seung-bum, Entre 2 Rives s’ouvre à ce que son auteur sait faire le mieux, nous parler en profondeur d’un être humain, de ses désirs et de ses peurs.

Crédit photographique : Copyright ASC Distribution

Le DVD:

Format : PAL
Audio : Coréen (Dolby Digital 2.0), Coréen (Dolby Digital 5.1)
Sous-titres : Français
Région : Région 2
Rapport de forme : 2.35:1
Nombre de disques : 1
Studio : Blaq Out
Date de sortie DVD : 1er décembre 2017

Bonus:
Interview de Kim Ki-duk

Qualité du transfert vidéo très correcte pour un DVD, seul format vidéo physique existant pour le film.

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