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Hostiles

Publié par - 21 mars 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Hostiles est le nouveau film de Scott Cooper, acteur passé à la réalisation avec un film qui a éveillé l’attention, Strictly Criminal. Hostiles est un western qui reprend à son compte un des codes du genre, celui d’un itinéraire à travers l’espace qui se chargera de significations initiatiques pour en explorer les possibilités narratives en lien avec le contemporain américain.

Le film se déroule à l’époque de l’expansion américaine, un temps où il fallait coûte que coûte repousser les limites de ce que l’on nomme the Frontier. Hostiles se place sous les auspices de l’épopée. Cette dernière prend la forme d’une mission guidée à contrecœur par le capitaine Joseph J. Blocker (Christian Bale), vétéran de l’armée américaine. Il sera chargé, avec ses hommes, d’escorter du Nouveau Mexique au Montana un chef de guerre Cheyenne mourant, Yellow Hawk (Wes Studi) accompagné de sa famille.  En chemin, ils croiseront la route d’une veuve dont la famille a été assassinée par des Comanches.

Hostiles s’inscrit d’abord dans un aspect inhérent du western, et de l’histoire américaine dans une certaine mesure, la violence. Une violence qui, dès la première séquence, écorche le mythe de l’Amérique providentielle, celle « d’une petite maison dans la prairie ». La violence éclabousse Hostiles du sang d’une famille de pionniers. Elle laisse cependant un témoin, la mère, Rosalie Quaid (Rosamund Pike).

Cette violence ponctue et rythme l’épopée du convoi hétéroclite et augure de la fatalité qui les réunira tous : la mort. Car, au-delà de cette hostilité permanente qui apparaît sous différentes formes, le film présente avant tout la réaction du vivant face à la mort. D’abord par la présence des sépultures de ceux qui meurent, amérindiennes comme chrétiennes, mais aussi dans le deuil qui accable ceux qui restent et qui doivent apprendre à vivre avec.

Dans Hostiles, les plans d’ensemble qui montrent les personnages face à l’étendue de l’espace révèlent ce rapport à la mort qui les pousse à s’interroger sur leur condition de mortels. Des mortels qui semblent astreints à parcourir l’horizontalité de l’Ouest américain, environnement hanté désormais par la haine et le désespoir. Dans le paysage, on note l’absence de toute verticalité. Le lien avec le domaine des Dieux semble être rompu. Comme le souligne Blocker lorsqu’il répond à Quaid qui l’interroge sur sa foi : « Oui en effet. Mais Il (Dieu) ferme les yeux sur ce qui se passe ici depuis fort longtemps ». D’ailleurs, la cause de ce qui interrompit le lien entre l’humain et le Divin est pointée. Dans une scène, Blocker est agenouillé devant l’immensité du désert, entre lui et l’infini, entre lui et ce champ des possibles, il y a un revolver posé devant lui.

Ainsi, la conquête de l’Ouest (vue comme le mythe de la Terre Promise) est devenue une errance dans un purgatoire inhospitalier. Un chemin rédempteur jonché d’obstacles divers.L’espace n’est plus édénique, il est devenu purgatoire. Le jugement dernier n’a pas eu lieu : tous les personnages portraiturés sont ambivalents, les « élus » n’ont pas encore été choisis. Dans Hostiles, il n’y a pas de bons cow-boys et de méchants indiens, ou inversement, de martyrs indiens face aux envahisseurs sanguinaires : il n’y a que des individus dont le passé n’aura aucune incidence sur cet arbitraire qu’est la mort. La mort touche indifféremment les justes comme les pécheurs. Elle se dispense de la même manière pour tous, par les mains d’hommes qui colportent la violence.

Le thème de la Rédemption est aussi très présent dans Hostiles. Il se traduit notamment par le passé commun des « chefs » des deux camps, Blocker et Yellow Hawk. Chacun se trouve à la fin de sa vie de guerrier (l’un mourant, l’autre partant en retraite), chacun a tué des hommes de l’autre camp et c’est pourtant ensemble qu’ils doivent parcourir cet ultime périple. De la même manière que Ethan Edwards était le double inversé de Scar dans The Searchers( La prisonnière du désert de John Ford), Blocker et Yellow Hawk sont ennemis héréditaires certes, mais ils participent de la même Histoire et sont, eux aussi, condamnés à errer sur des territoires sans fin. Tandis que Mrs Quaid personnifie l’ampleur du traumatisme perpétré par les différents massacres et guerres de cette fin du XIXe siècle, Blocker et Yellow Hawk, acteurs du désastre, doivent livrer un dernier combat commun : endeuillés, divisés, fatigués, ils sont contraints de faire cause commune pour rechercher une paix intérieure qui ne pourra advenir pleinement sans un rapprochement de l'un vers l’autre.Hostiles s’inscrit comme une épitaphe de la conquête de l’Ouest américain. Le film marque la fin d’une ère de croyances et d’utopies qui laisse entrevoir que le monde sauvage a laissé la place à une ère urbanisée et matérialiste sans toutefois suturer les blessures du passé.

Crédit photographique : Copyright Metropolitan FilmExport

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