Splitscreen-review Image de L'insoumis de Gilles Perret

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L’insoumis

Publié par - 2 juillet 2018

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

L’insoumis se situe dans une filiation documentaire autour du politique dont les modèles sont des films tels que Primary de Richard Leacock ou, plus près de chez nous, 1974, une partie de campagne de Raymond Depardon. L’intention première est simple : filmer le politique en action et tenter de découvrir quelques aspects de l'humain qui se trouve être aussi cet homme politique. L’insoumis se place donc dans une logique filmique qui traque les interactions entre l’appareil politique, l’homme qui est au cœur de cette logique et l’individu éclipsé par la fonction.

Mais L’insoumis déroge quelque peu à cette veine documentaire qui, elle, suivait un protocole d’effacement de la caméra. Généralement, c'était le cas dans les films de Leacock ou Depardon, tout est mis en place pour que la présence de la caméra s’estompe, gomme l’impact qu’elle induit inévitablement sur le comportement de la personne filmée afin qu’elle oublie d’être en représentation, pour qu’elle cesse d’interpréter le rôle public qui est le sien, pour que l’individu ne joue plus à l’homme politique et qu’il laisse entrevoir une partie de la vérité identitaire qui est en lui.

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Dans L’insoumis, le choix de Perret se situe aux antipodes de cette approche « discrète ». Il y a chez Perret l’envie de capter ce qui se dissimule derrière la personnalité politique, certes, mais sans jamais tenter de dissimuler la présence de la caméra. Au milieu d’un flux d’images, a priori banales tant elles s’apparentent à ce nous pourrions voir dans un reportage ou dans un sujet court du journal TV, Perret arrive à saisir et restituer ce qui définit l’individu qui est aussi un homme politique, en l’occurrence, ici, JL Mélanchon.

L'intention formelle ne se limite pas à cela. Elle permet de comprendre que, souvent, pour ne pas dire tout le temps même, les frontières entre l’intime et la visibilité publique de JL Mélanchon s'abolissent. Le terme homme politique est donc à saisir dans son sens littéral. Mélanchon est cet homme que nous connaissons parce qu’il envisage son rôle politique comme un rôle citoyen. La réciproque est sans doute vraie : on peut aisément supposer que Jean-Luc Mélanchon ne serait pas cet homme politique sans être le citoyen qu’il est.

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La caméra de Perret ne se cache pas, nous l'avons dit. Elle endosse et assume une autre fonction qu’un simple outil d’observation. Dans L’insoumis, la caméra est un témoin, voire une confidente. Mélanchon s’adresse directement à elle, donc à nous. L’invective a pour mission de faire taire les inquiétudes qui assaillent l'homme après un meeting ou une émission de TV. Parfois, il s’adresse à la caméra pour justifier ou expliciter quelque attitude, quelque déclaration, quelque posture politique comme le ferait n'importe quel individu soucieux de ce qu'il fait, dit ou produit.

L’une des qualités du film de Perret est d’être regardable par tous. Nul besoin d’être un convaincu ou un électeur de Mélanchon pour, au moins, être intrigué par ce que nous découvrons au fil des séquences. Même si le personnage peut rebuter, il est intéressant de pouvoir observer pendant la durée du film le citoyen, l’homme, le personnage et le candidat cohabiter en une seule personne. Le parti pris de Perret participe d’une humanisation de l’homme politique puisque les apartés offerts au gré des trajets en TGV, dans les coursives de salles de spectacles ou dans les loges d’une émission de TV, nous confèrent le droit de devenir, le temps de L’insoumis, les confidents de Jean-Luc Mélanchon.

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Encore une fois, ce qui importe dans L’insoumis n’est pas de savoir si le film apportera du crédit au capital sympathie de Jean-Luc Mélanchon (on peut même supposer que tout le monde conservera ses propres opinions sur le candidat Mélanchon) mais de voir et d'observer l’homme qui est occulté par l’image médiatique en général (remarque qui est également valable pour tous les candidats à la dernière élection présidentielle : qui sont-ils ou qui sont-elles réellement ?). Il faut voir dans L’insoumis une étude de cas. Simplement, ici, Perret a choisi Jean-Luc Mélanchon. Par affinités, sans doute (le choix de ne pas aller au-delà de l'annonce des résultats du premier tour des présidentielles), mais aussi et surtout parce que Mélanchon interroge et questionne notre rapport à la politique comme peu le font aujourd'hui.

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Car Jean-Luc Mélanchon joue, et parfois ébranle, les normes de communication contemporaines autour de la parole politique. L’insoumis nous donne donc à voir et comprendre les mécanismes autour desquels s’articule la vie d’un homme qui est entré en politique par conviction. L’insoumis réussit à exposer l'idéologie qui habite l’homme et nourrit le politique et inversement. C’est pour ces raisons, sans doute, que l’entreprise de L’insoumis mérite attention et qu’elle peut revêtir un intérêt qui dépasse les clivages politiques.

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Crédit photographique : Copyright Jour2fête

 

Suppléments :
• Interview de Gilles Perret (21 min)
• Scènes coupées
Jean-Luc Mélenchon et les médias
Jean-Luc Mélenchon et le sport et Hamon
Découverte du clip de campagne
La cellule riposte

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