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Get Out

Publié par - 2 juin 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Get Out raconte l'histoire d'un couple mixte, Chris et sa petite amie Rose, qui file le parfait amour. Le moment est donc venu de rencontrer la belle-famille, Missy et Dean lors d’un week-end sur leur domaine dans le nord de l’État. Chris commence par penser que l’atmosphère tendue est liée à leur différence de couleur de peau, mais très vite une série d’incidents de plus en plus inquiétants lui permet de découvrir l’inimaginable.

Jason Blume est décidément le plus fin limier des producteurs américains des années 2010. Un nez qui fait des envieux. Sa réputation s’est construite autour d’une série de gigantesques bénéfices en salle, fruits d’une production de films d’horreur à budget ridicule mais au marketing parfaitement ciselé (Insidious, Paranormal Activity…). Des productions qui suivent pourtant un schéma horrifique tout tracé, confortable, mais qui depuis longtemps ne faisait plus recette. Blume les rend à nouveau populaires, simplement en s’adaptant à son époque et à son public (le voyeurisme internet d’ Unfriended, la paranoïa middleclass sur American Nightmare). Mais fort de ses succès (à noter qu’il est également producteur du Whiplash de Damien Chazelle !), le plus énorme restait encore à venir, en poussant plus loin encore ces connexions à l’atmosphère contemporaine. Là où, dans la « franchise » Blume, le contexte social servait auparavant d’ancrage au récit pour ensuite dérouler une intrigue standard, il donne dans Get Out toute liberté au réalisateur Jordan Peele afin d’en faire le cœur du film. Évoquons quelques chiffres pour clore cette parenthèse sur les succès de Jason Blume, nous parlons ici, à propos de Get Out, d’un investissement de 4,5 millions de dollars pour une recette de 175 millions sur le seul territoire américain (250 millions mondial). À méditer.

Cela traduit évidemment une véritable adhésion de la part des spectateurs américains qui s’identifieront totalement au film sorti « opportunément » juste après l’élection de Donald Trump et l’explosion de Black Lives Matter. La force principale de Get Out est de parvenir à développer une architecture qui s’articule autour de la relation hypocrisie/jalousie qui subsiste en certains états US ou milieux sociaux entre Noirs & Blancs. Trame qui se tisse non seulement à l’aide d’une multiple grille de lecture scénaristique, mais surtout à travers plusieurs styles cinématographiques. Car le metteur en scène n’est autre que l’un des meilleurs représentants de l’humour noir aux US, un roi de la télévision américaine sur Comedy Central et, par extension, dans le monde via Internet. Jordan Peele, également scénariste du film, qui porte donc totalement le projet et relève, pour sa 1ère réalisation, le toujours très délicat défi du mélange des genres naviguant en permanence entre l’humour « KFC » et une tension extrême en passant par l’exécutoire totalement jouissif.

Car au-delà cet humour complètement pertinent et jamais gratuit (à travers notamment l’hilarant personnage joué par Lil Rel Howery, autre figure de l’humour noir US), Get Out est fondamentalement un film de tension où l’horreur guette derrière la porte dérobée d’un décor aux accents de champ de coton ou de la légèreté innocente d’un coup de cuillère issue d’une argenterie du XIXème siècle… Créant également adhésion avec le public, les antagonistes blancs très contemporains ne s’affichent pas comme ouvertement racistes. Ils arborent les traits factices d’une ouverture d’esprit digne des horreurs de Phillipe de Chauveron et veulent simplement profiter sans vergogne du potentiel des noirs, qu’ils jalousent ouvertement, pour mieux les asservir insidieusement. Et comme chez De Chauveron et sa bande, il ne s’agit pas seulement d’asservir mais d’obliger l’individu noir à jouer un rôle humiliant en se conformant à une vision très blanche du sujet… Nous sommes dans une relecture moderne (mais imaginée tout de même puisque cinéma fantastique) sacrément osée, originale et surtout intelligente de l’esclavagisme. Seul regret, qui n’en sera pas peut-être pas un, la décision de couper au montage la présence initialement assez importante du folklore noir dans le mix fantastique de l’univers filmique. Les versions à venir DVD/Blu-Ray nous éclaireront sur la pertinence de ce choix.

Jusqu’à son final tout en vengeance débridée digne de Django Unchained, le film parvient à maintenir tout  du long ce qui est en train de devenir un nouveau standard dans le cinéma de genre pour jumeler réussite artistique et commerciale. Un standard où l’œuvre ne parle plus de créature monstrueuse ou de gore abscons, mais bien des terreurs sociales qui nous entourent. C’était le sexe adolescent dans It Follows, la peur maternelle dans The Babadook, deux autres succès populaires, et ce sera aussi désormais le racisme glaçant de Get Out.

Crédit photographique : Copyright Universal Pictures International France

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