Splitscreen-review Image de Le grand méchant renard de Benjamin Renner et Patrick Imbert

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Le Grand Méchant Renard et autres contes

Publié par - 26 juin 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Cinq ans après l’adaptation de l’œuvre poétique de Gabrielle Vincent, Ernest et Célestine, Benjamin Renner remet le couvert en transposant cette fois-ci son propre travail d’auteur de bandes-dessinées au grand écran avec Le Grand Méchant Renard. Pour l’épauler dans ce crucial passage de l’image fixe à l’image animée, il retrouvera son précédent comparse Patrick Imbert en qualité de Chef animateur et coréalisateur au sein du tout jeune studio d’animation parisien Folivari. L’expérience précédente menée par les deux amis et la proximité physique de toute l’équipe artistique a permis un travail collaboratif de très haute qualité. Benjamin Renner lui-même soumettant les poses de départ et de fin de chaque scène aux animateurs assurant ainsi une continuité remarquable entre le modèle papier et l’adaptation cinématographique.

Le film s’ouvre sur une scène de théâtre artisanale, rideau fermé. Après la bande-dessinée et avant le cinéma, nous voilà donc positionnés comme spectateurs languissants de découvrir ce que va nous réserver ce spectacle "vivant". Les personnages du film, devenus soudainement acteurs, sont devancés par le fameux Renard, qui n’a rien de méchant. En bon maitre de cérémonie il exposera la structure du spectacle qui va se dérouler en trois actes composés par trois courts-métrages tirés des ouvrages du même nom, Un bébé à livrer, Le Grand Méchant Renard, et Le Noël parfait qui apparaissent respectivement dans cet ordre. Une fois ce petit interlude terminé, nous voilà totalement affranchis de la condition animale des personnages acceptant tout naturellement leur aspect anthropomorphe. A la manière des Fables de La Fontaine ces animaux acteurs, dotés d’attitudes et de caractères singuliers, permettront d’aborder des problématiques humaines de manières directes et accessibles par tous, tout au long du film, avec comme point de départ l’organisation sociale de la ferme, véritable miroir du monde des humains.

Incarnés à la perfection par l’ensemble des acteurs/doubleurs du casting mené par Céline Ronté, son expérience théâtrale comme atout majeur, les personnages de Benjamin Renner prennent vie. Leur authenticité est née de la générosité d’un enfant. Tout jeune déjà il réalisait des bandes dessinées personnalisées qu’il offrait en cadeau à ses proches lors des différents évènements festifs qui jalonnent l’année, anniversaires, Noël… C’est certainement pendant ces réunions de famille que le jeune auteur, se mettant à table, nourrissait son art naissant, en observant tour à tour les caractères et personnalités de chacun des membres en présence comme un spectacle vivant qui se déroulerait sous ses yeux.

Les dessins de Benjamin Renner vont à l’essentiel. Visuellement épurés, ils expriment en quelques coups de crayons les caractéristiques fondamentales de chacun de ses personnages. Son style propose un langage simple, clair et direct qui privilégie la spontanéité du trait à la surenchère du détail, occasionnant, pour le plus grand plaisir du spectateur, une savoureuse immédiateté du sentiment. Le dessin comme langage universel permet de traverser les frontières, et ce travail de l’épure semble trouver un écho au Japon dans celui d'Isao Takahata et sa comédie familiale Mes voisins les Yamada. A l'origine du manga on trouve les premières caricatures anthropomorphes, les Chōjū-giga, véritables ancêtres de la bande-dessiné japonaise. Benjamin Renner lui fait quelques emprunts logiques dans la création de ses personnages, la proéminence des yeux, le regard comme point de départ de leur ossature générale ou même dans la structure générale des corps, et certainement aussi dans l'évolution de son principe de narration comme volonté d’affranchissement d’une forme de littérature traditionnelle pour tendre vers du divertissement pur.

Le comique de situation omniprésent nous transporte lui outre-atlantique, dans l’univers des cartoons américains. Il y a dans la construction des gags du duo Renner-Imbert, pour notre plus grand plaisir, un souci du timing qui n’est pas sans rappeler l’âge d’or des productions Warner Bros. et des meilleurs opus de Bip Bip et Vil Coyote réalisés sous l’ère Chuck Jones. Les nombreux éclats de rires qui résulteront de ces connexions transgénérationnelles régaleront autant les parents que les enfants. Et, intrinsèquement universelles, elles contribueront à faciliter le message fondateur de lutte contre les préjugés que porte l’œuvre de Benjamin Renner.

Crédit images : Copyright FOLIVARI / PANIQUE!/ STUDIOCANAL / RTBF (Télévision belge) - OUFtivi / VOO / Be tv

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