Splitscreen-review Image de l'exposition Walker Evans au Centre Pompidou

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Walker Evans

Publié par - 29 juin 2017

Catégorie(s): Expositions / Festivals, Photo

Le centre George Pompidou propose une exposition colossale du photographe américain jusqu’au 14 août. L’occasion d’admirer plus de 300 tirages représentant le travail riche et complet de Walker Evans et, à travers celui-ci, de parcourir un pan entier de l’histoire des Etats-Unis.

Le vernaculaire comme sujet

Sitôt arrivé au dernier étage du centre Pompidou, le visiteur est vite accueilli par l’idée maitresse de cette exposition, le vernaculaire. Dès lors, le parcours photographique de cette visite se transforme en une plongée dans la mémoire collective américaine du XXè siècle passée par le prisme de la prolifique carrière de Walker Evans.

Preuve du passage de l’homme sur cette planète, Evans va se passionner dès le début de sa carrière pour  une singulière approche de la photographie. C’est en 1929 qu’il découvre le travail photographique dit vernaculaire du parisien Eugène Atget. Son style s’en verra alors changé. Il s’éloignera du modernisme de ses débuts pour devenir le photographe que l’on célèbre aujourd’hui. Celui de la culture populaire et utilitaire.

A l’intérieur de son cadre, un panneau publicitaire ou un vieux déchet sont la matière qu‘Evans nous donne pour faire le lien entre le monde et l’impact de l’homme sur celui-ci. Il n’y a aucun jugement derrière le regard d’Evans. Le photographe est témoin, rapporteur de la transformation de son pays.

Les choses sont là, nous les avons créés, façonnées, sculptées, écrites puis déchirées, arrachées, laissées se déliter. C’est la modification du paysage par l’homme qui intéresse Evans. Jusqu’à atteindre une nouvelle forme de beauté.

Plus que témoin, il se pose même en collectionneur. En effet, l’exposition nous donne l’occasion d’admirer une quantité folle d’objets en tout genre qu’Evans lui-même dérobait après les avoir photographiés. Loin d’être anecdotique, cette démarche est suffisamment révélatrice pour que l’exposition y consacre deux murs. Comme si collectionner les objets photographiés était le dépassement même de la photo. Une façon de faire vivre encore son sujet au-delà du cadre, arraché à son quotidien utilitaire. On peut aller jusqu’à dire qu’Evans se positionne en précurseur d’une certaine idée revendiquée dans le pop art.

« Ces gens-là parlent avec les yeux »

Walker Evans s’est converti en photographe agricole, en photographe d’architecture, en photographe de catalogue… C’est sa méthode pour être en confrontation directe avec les sujets qui le passionne et les capturer avec son appareil. Son but n’est pas de faire de l’art, Evans est en quête de vérité. Pourtant les frontières s’estompent.

Walker Evans part l’été 1936 photographier trois familles en Alabama, il réalise ses clichés les plus poignants, les plus connus. Parmi ces portraits, mis en valeur dans une pièce centrale de l’exposition, il y a celui d’Allie Mae Burroughs. Sa voix résonne dans la pièce ; retranscription d’un entretien. La pauvreté à l’époque de cette photo « c’était la vérité » nous dit-elle.

Ce qui ressort de l’appareil de Walker Evans l’est tout autant. C’est le visage de la Grande Dépression que nous regardons ici. Et c’est également son traumatisme historique qui nous transperce de son regard droit, franc, honnête.

Walker Evans a cette capacité précieuse de nous faire travailler par le regard. La poésie moderne qui s’incarne dans ses clichés, s’impose à nous avec force. Il faut chercher l’empreinte de cette poésie collée sur un mur, le long d’une route déserte, dans une vitrine de bric-à-brac… Mais avant tout dans ses portraits d’hommes et de femmes qu’il photographie tout au long de sa carrière.

L’exposition se clôt par un entretien filmé de l’artiste qui, ne se définissant pas comme tel, nous dit que l’Homme a toujours été au centre de son travail, présent ou suggéré. C’est en cela que les œuvres de Walker Evans témoignent de son temps et nous aident, encore aujourd’hui, à percevoir et à comprendre en quoi l’Amérique est américaine.

Crédit photographique : haut de page : Walker Evans/Metropolitan Museum of Art/MoMA/Scala, Florence

Vignette : Truck and Sign, 1928-1930, Collection particulière, San Francisco. © Walker Evans Archive, The Metropolitan Museum of Art. Photo : © Fernando Maquieira, Cromotex.

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