Splitscreen-review Image de Dunkerque de Christopher Nolan

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Dunkirk (Dunkerque)

Publié par - 21 juillet 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Qu’est ce qui peut réunir de grands cinéastes comme Kubrick, Malick, Coppola, Cimino, Annaud ou Spielberg ? Probablement, sans exhaustivité cependant, le fait de posséder au moins un film de guerre dans leur filmographie, qualité qui relève du rite de passage hollywoodien. Manière aussi de poser un regard sur un genre qui deviendra une des pierres angulaires de leur œuvre. Cela n’a pas manqué pour Christopher Nolan avec son dernier film sorti cette semaine : Dunkerque.

On aurait pu s'attendre à un énième opus sur la seconde guerre mondiale avec alliés victorieux et forces de l’axe s’écroulant sous la force de la « liberté ». Il n’en est rien. Comme son titre l’indique, Dunkerque relate l’un des derniers épisodes de la Bataille de France, l’opération dynamo. Qu’en est-il du traitement que Nolan réserve à un pareil passage de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale ?

La singularité de la mise en scène de Nolan tient probablement dans la fragmentation du récit. Plusieurs espaces, "plusieurs théâtres", chacun avec son personnage principal dont on ne connait rien de son intimité. Ils ne sont que des pions sur un énorme échiquier dont les mouvements de l’adversaire restent inconnus. Mais la fragmentation ne s’arrête pas à ce positionnement spatial tridimensionnel des personnages (le môle, la mer, l’air), elle est aussi temporelle puisque indexée sur la perception subjective des personnages plutôt que sur le déroulement objectif de l’opération en elle-même. Cette lecture de l'Histoire qui passe par la petite, celle de l'individu, pour nous dire la grande, celle des manuels d'Histoire, permet convergence de toutes les constituantes du Réel dans le dénouement de cette grandiose opération.

La mise en scène émancipe le film du traitement manichéen que l’on pouvait connaître tantôt, des vaillants soldats insubmersibles d’un The Longest Day, aux  seules vingt premières minutes mémorables de Saving Private Ryan. Ici, le film cherche à crédibiliser les faits, les réactions et les attitudes. Par cette caméra portée très intimiste, proche des personnages, à hauteur d’homme, parfois semi immergée, qui en deviendrait presque claustrophobique, Nolan fait du spectateur un acteur : nous sommes parmi eux et partageons la détresse d'une fourmilière encerclée et vivant avec l’espoir de rentrer chez soi (« home »).

Quels que soient ses films précédents, Christopher Nolan, en dépit d’être qualifié de réaliste, cherche à retranscrire une vraisemblance. Cela passe par le contenu (ex : l'accent mis sur la vulnérabilité de Batman qui, ainsi, raconte l’histoire d’un homme extraordinaire qui vit dans un monde ordinaire ; ou encore la relativité dans Interstellar) mais aussi par la forme comme dans Memento (montage inversé pour comprendre la perception du personnage). Dans Dunkerque, la plausibilité se retrouve dans le montage sonore et le mixage. Leur traitement est d’un réalisme incroyable (exemple la vitesse du son vs la vitesse de la lumière). Tous ces éléments, bercés dans la musique angoissante et ambivalente de Hans Zimmer, sont réunis par un montage et un mixage dynamiques. A l’instar du dernier Mad Max en date de George Miller, le spectateur n’a pas le temps de souffler, il est tenu en haleine du début à la fin, et les deux heures s’écoulent trop vite.

On notera par ailleurs que Nolan a publiquement admis s’être inspiré de Hitchcock pour certains principes de mise-en scène. On l’aura effectivement remarqué non seulement par ces deux heures de suspens intensif, mais aussi par cette dernière brillante idée : l’ennemi n'est pas montré mais suggéré. Dans Dunkerque, les forces de l’axe ne sont pas présentées sous le visage de blonds soldats de la Wehrmacht ou d’officiers à l’allure de Gert Fröbe, elles sont évoquées par des tirs en provenance du hors-champ ou par des avions de la Luftwaffe sans plan depuis le cockpit. L'ennemi est une instance venant de partout et nulle part, créant l’emphase de cette menace fantôme ressentie par les protagonistes sur cette petite bande de terre encerclée.

Dunkerque est un film grand spectacle, sans spectaculaire. C’est un film d’immersion dans une miraculeuse opération de retraite, dans laquelle ce n’est pas la force d’un individu qui changea le destin des C.E.B, mais la bravoure de chacun qui par un phénomène de convergence à des moments très précis contribua à la réussite de cet épisode. Remercions Christopher Nolan, un réalisateur (quand bien même britannique), qui aura pensé à montrer et mentionner le rôle crucial des troupes françaises qui retenaient l’ennemi dans le Nord tout au long de cette opération. D’autres hommes vaillants très peu évoqués par le cinéma ou les institutions hexagonales et pourtant  importants lorsqu'il s'agit de décrire la réalité historique.

Crédit photographique : Photos prise par Melinda Sue Gordon - © 2016 Warner Bros. Entertainment Inc., Ratpac-Dune Entertainment LLC and Ratpac Entertainment, LLC

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