Splitscreen-review Image de Nostalghia d'Andreï Tarkovski

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Nostalghia

Publié par - 4 octobre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Nostalghia, sixième film d’Andrei Tarkovski présente la particularité d’être à la fois un renouvellement de son œuvre et une continuité de celle-ci. Nostalghia est en réalité une aventure, une remise en question et une adaptation de la zone créatrice de Tarkovski à un nouveau réceptacle topographique, l’Italie. Premier film donc tourné en dehors de l’URSS, Nostalghia nous offre aussi le loisir d’observer comment se prolongent les thématiques et l’esthétique qui gouvernent l’œuvre du cinéaste.

Dès la scène d’ouverture, nul doute, nous savons que nous sommes devant un film de Tarkovski. Peu importe le lieu de l’action, même si de l’importance, ce lieu en a, nous savons que nous sommes dans un monde où les éléments qui le constituent (eau, boue, feu, air, brumes, et autres) sont autant de repères orthonormés qui permettent au spectateur de se situer dans un univers singulier fait de nappes sensitives.

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Mais où sommes-nous justement ? Dans un paysage mental, un paysage où le sensitif en appelle au réflexif pour exister et réciproquement. En réalité, nous ne sommes pas dans un monde mais dans une vision du monde, celle de Tarkovski, où affect et intellect débattent de certains enjeux ou de problématiques existentialistes et/ou métaphysiques. Il se dégage des images de Nostalghia une poétique  du renoncement. Une peinture de l’anéantissement des idéaux quels qu’ils soient : les humains errent sans but, les pensées ou dogmes n’ont aucune prise sur la société qui permet leur affleurement, il n’y a plus aucune finalité, aucune ressource, aucune issue. La parabole devient donc évidente si l’on ausculte le film à partir de ses conditions d’existence et d’émergence : Tarkovski a beau s’être éloigné de ses bases, Nostalghia est une nouvelle fois un regard porté sur son pays, sur l’URSS.

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La ressource principale et pérenne du fonctionnement de l’état soviétique ce sont les hommes. Se pose alors une question à la lecture d’un film de Tarkovski : comment maintenir en activité un pays dont la richesse première est sa population lorsque celle-ci ne croit plus en rien et ne se projette dans aucune forme de futur ? Comment maintenir en état un empire où les perspectives communautaires et encore moins individuelles n’existent plus ? Aussi l’improbabilité d’expliquer et de rationaliser cette situation, absurde en soi, se manifeste par une discontinuité du récit qui est pensé non comme un développement dramaturgique traditionnel qu’il faut suivre mais comme une suite de tableaux qui titillent le ressenti plutôt que la compréhension d’enjeux identifiables et quantifiables. Il est ainsi question, dans ce film, d’éprouver le spectateur et il lui revient de se laisser gagner par une expérimentation : celle qui consiste à accepter les bouleversements de la raison que suscitent les images et abandonner les résistances que nous imposent au quotidien nos désirs de compréhensibilité. Il convient donc d’être perméable à ce que Nostalghia nous propose comme expérience visuelle et sonore. Perméables, nous devons l’être comme le sont les espaces exposés par le film : les toits laissent l’eau de pluie pénétrer les intérieurs, les souvenirs convoquent des images qui superposent des espaces géographiques étrangers, etc.

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Le cinéma de Tarkovski a toujours procédé de cette interpénétration des espaces collectifs et intimes, de l’extérieur dans l’intérieur, de l’ailleurs dans l’ici. Le cinéma de Tarkovski est une proposition ou un refuge pour toutes les formes potentielles de transcendance. Pour Tarkovski, la transcendance n’est pas simple figure stylistique ou élément de rhétorique, c’est l’espace de l’accomplissement de l’être. Le lieu possiblement inventé par le cinéma où se croisent de manière synthétique toutes les formes d’expressions artistiques. Le cinéma, un film, Nostalghia sont des figures permissives où s’exprime ce qui ne peut l’être dans la réalité quotidienne d’un artiste qui place au-dessus de tout la métaphysique, le sentiment, la Foi, l’amour qui incarnent au final les raisons qui poussent l’individu à tenter d’être en ce monde.

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Crédit photo : ©Les Acacias

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