Splitscreen-review Image de La passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman

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La Passion Van Gogh

Publié par - 12 octobre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

L’éducation dont nous bénéficions nous permet de connaître nombre d'œuvres et d'artistes en tout genre. Si beaucoup de noms peuvent nous venir en tête, bien peu semble s'être autant ancrés dans l'inconscient collectif que celui de Vincent Willem Van Gogh. Un coup d'œil sur une de ses toiles suffit au moindre néophyte pour reconnaître son coup de pinceau si particulier. L'affiche de ce film pourrait même être dépourvue de titre que l'on en comprendrait le sujet. Ce style unique, reconnaissable entre mille, présent sur l'affiche ne laisse planer aucun doute. Dans un univers de mille couleurs peintes à la main, La Passion Van Gogh joue, dès son titre, sur la dimension iconographique du personnage.

Nous sommes en 1891, Van Gogh est mort depuis peu. Le facteur Joseph Roulin demande à son fils, Armand, une faveur saugrenue : remettre une lettre de Vincent Van Gogh à Théodorus, le frère du peintre. Peu motivé, Armand finit par accepter bon gré mal gré. Malheureusement, Théo a lui aussi rendu l'âme, six mois après son frère. C'est le début d'un voyage au cours duquel le jeune Roulin, d'abord méprisant envers l'artiste, va se surprendre à le découvrir sous un nouveau jour.

La quête d'un nouveau destinataire va petit à petit prendre des airs d'enquête policière, genre se prêtant bien, après tout, à l'exploration de la psychologie humaine. Les personnages ayant servi de modèles à Vincent témoignent alors de ce qu'ils ont pu connaitre de la vie du peintre. Chacun le dépeint sous un angle nouveau. Était-il un fou ? Un génie ? Un homme agréable ou, au contraire, dangereux ? Chacun semble avoir rencontré un homme différent, soulignant la complexité du personnage. Difficile de savoir qui a raison, qui a tort, qui est le plus juste ou le plus éloigné de la réelle personnalité de Van Gogh.

La passion Van Gogh est une sorte de biopic en creux : sa vie et ce passé raconté par les témoins, se matérialisent dans un style noir et blanc, aux traits plus réalistes que le présent, typiquement représenté, lui, dans le style de Van Gogh. L’idée parait simpliste mais elle permet de souligner l’importance du peintre. Il est ainsi montré qu'en art, il y a eu un avant et un après Van Gogh. L'idée que la mort de Van Gogh fut un meurtre plutôt qu'un suicide se forme en même temps dans l'esprit d'Armand et du public. La Passion Van Gogh établit ainsi une connexion entre les spectateurs et le personnage d’Armand. De la même manière, cette identification au personnage principal du film permet de mesurer ce qui sépare ce que nous pensons savoir de l’artiste et ce que nous ignorons de l’homme ; paradoxe absolu au regard de ce qui animait son envie de peindre. Malgré la conclusion de cette investigation amateure, la découverte des rapports de Vincent avec sa famille, ses concitoyens et finalement même la peinture se conjuguent pour apporter une vision singulière sur l'origine des tourments sans fin de l'artiste. Le spectateur ressort du film avec une perception modifiée de l'œuvre de Van Gogh. Les certitudes vacillent exactement comme celles du jeune Roulin.

La Passion Van Gogh suggère que la peinture produite par le peintre explore la vision d'un homme qui, bien que piégé dans une société douloureuse, aux yeux de qui il n'est rien, s'évertue à voir le "beau" en chaque chose. La douleur était sa vie, mais il n'en appréciait que plus la beauté du monde.  Son décès, dans le film, marque le début de la transmission de cette vision qui  commence à se diffuser par l’intermédiaire  de ses proches. Nombre de personnages rencontrés dans le film ont été, en effet, peint par Vincent lui-même. Ils sont tous, à un moment ou à un autre, représentés à l'écran tels qu'ils ont été peints. Le générique de fin nous montre d'ailleurs les peintures originales en question, attestant de la qualité du travail technique entrepris pour ce film. Évidemment, nulle ambition de l'égaler, mais, la volonté de ne laisser planer aucun doute sur la sincérité de l'amour de Dorota Kobiela et Hugh Welchmans pour le fameux peintre.

À travers cette prouesse technique, qui a su séduire le jury du festival d'Annecy, le personnage de Van Gogh apparait sous un nouveau jour. Les spécialistes de l'art se révéleront sans doute réfractaires mais, tout comme le facteur Joseph Roulin, on se surprend, malgré tout ce temps à fouiller le passé du peintre, à penser comme lui lorsqu'il compare Vincent à une étoile. Nous sommes chanceux de le contempler d'ici, mais jamais nous ne pourrons le saisir complètement.

Crédit photographique : Copyright 2017 Loving Vincent Sp.z.o.o. & Loving Vincent Ltd.

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