Déambulation Lumière : J1
Publié par François Vieux - 16 octobre 2017
Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals
Revoilà la mi-octobre et l'occasion d'une déambulation filmique à travers 10 jours hors du temps, qu’une certaine cinéphilie lyonnaise a coché depuis un bout de temps sur son calendrier. Le Festival Lumière, événement international d’une ville en permanente recherche des feux de projecteurs, reprend possession de la quasi-totalité des salles de cinéma du Grand Lyon du 14 au 22 Octobre 2017. Créé par Thierry Frémeaux et organisé par une bonne partie du système cannois, voilà un événement qui a su taper très fort dès sa 1ère édition en 2010 consacrée à Clint Eastwood, pour ne pas cesser de croître jusqu’à atteindre plus de 160 000 spectateurs lors de l’édition précédente qui rendit hommage à Catherine Deneuve.
Le Festival Lumière, c’est la volonté de redécouvrir et partager le patrimoine cinématographique avec le plus grand nombre, mais c’est aussi un intéressant mélange de culture lyonnaise mâtinée d’ouverture au monde : c’est L’Horloger de Saint-Paul réalisé par Wong Kar-Wai. Chauvinisme à la bonne franquette et mâchon du dimanche matin côtoient voyage autour du globe à travers une sélection de films et d’invités d’une qualité irréprochable. C’est le lot des festivals de cinéma réussis : donner une identité propre à une programmation de films en mélangeant culture locale et culture internationale.
Cette année, consacrée donc à Wong Kar-Wai, verra ainsi se succéder en masterclass ou présentation de projection William Friedkin, Michael Mann, Guillermo Del Toro, Tilda Swinton, Alfonso Cuaron ou encore le fidèle des fidèles Nicolas Winding Refn. Et c’est après une ouverture de festival en grande pompe à la Halle Tony Garnier, où le fantôme de Jean Rochefort s’est amusé à s’inviter sur toutes les lèvres, que les festivités peuvent réellement démarrer.
Pour ma part, je plonge dans cette 7ème édition à travers les barreaux d’un des premiers hôpitaux psychiatriques du cinéma français. Présent sur la carte blanche du cinéphile passionné qu’est Guillermo Del Toro, La Tête Contre les Murs de Georges Franju a médusé une bonne partie de la salle principale de l’Institut Lumière qui, déjà, affichait comble dix minutes avant le début de la séance. C’est Del Toro lui-même, guilleret et visiblement ravi de pouvoir découvrir la charcuterie lyonnaise, qui viendra présenter chaque film de sa carte blanche. Après un accueil des plus chaleureux, il nous confirme sa fascination pour Franju, qu’il présente comme un anarchiste documentariste qui proposa des images d’une noirceur et violence inédite à l’époque (Le Sang des Bêtes…). Les Yeux Sans Visages, son chef d’œuvre, reste à ses yeux l’un de ses films favoris, mais il préféra mettre la lumière sur son 1er long métrage, œuvre moins connue mais parfaitement représentative du personnage.
Salle médusée car c’est bien la 1ère œuvre d’un anarchiste social et cinématographique qui nous a été présentée dans une copie d’époque 35mm directement issu des archives de Pierre Brasseur, le comédien principal du film. Rompant avec une direction d’acteur et un sens du montage traditionnel, le film peut perdre le spectateur contemporain (comme entendu de-ci de-là en sortie de salle) mais propose un regard acerbe intemporel sur le milieu hospitalier psychiatrique. Franju extrapole avec La Tête Contre les Murs sa mission de documentariste en plaçant ses revendications dans un milieu fictionnel, pour prendre le temps de mieux cadrer et raconter par l’image ce qui lui tient à cœur. Un brouillon technique avant le cultissime Les Yeux sans Visage, avec lequel il partage beaucoup d’éléments symboliques et thématiques.
Une ouverture toujours en accord avec le principe du Festival donc: découverte pour quelques centaines de spectateurs de la vision d’un artiste d’un autre temps, présenté par un passionné qui aime transmettre sa soif de connaissance à une nouvelle génération.
Crédit photographique : © Photo courtesy of Rialto Pictures/Janus Films.