Splitscreen-review Image de Félicité d'Alain Gomis

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Félicité

Publié par - 24 octobre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Félicité, quatrième long métrage d’Alain Gomis sort en DVD/BR par l’intermédiaire de Jour2fête. Le film, sorti en salles en avril dernier, a bénéficié d’un succès d’estime (mérité) et rencontré un public motivé par un bouche à oreille flatteur. C’est que Félicité, par ailleurs auréolé d’un Grand Prix du Jury au Festival de Berlin 2017, est une œuvre rare qui se structure autour du principe d’instabilité. De plus, Félicité a le mérite de s'imposer par une forme de vitalité créative qu’il est difficile de soupçonner sur le continent africain à moins d’en être un spécialiste à part entière. En effet, rares sont les œuvres produites en Afrique qui trouve grâce aux yeux des distributeurs occidentaux, ce qui n’aide foncièrement pas à la reconnaissance de ce cinéma.

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Rare, Félicité l’est aussi dans sa structure filmique. Alain Gomis est allé tourner hors de territoires connus et balisés : géographiquement (le film est tourné à Kinshasa), musicalement (il a composé avec des singularités sonores en parfait accord avec le tissu narratif du film), linguistiquement (tournage en langue étrangère, le lingala) et enfin visuellement (le film arpente des schémas différents voire opposés).

C’est sur ce terrain du formel que Félicité étonne le plus. Dans un premier temps, le film emprunte aux modèles narratifs occidentaux. Une rythmique visuelle d'abord puis séquentielle ensuite s'installent. Il s’agit d’indexer cadrages, mouvements de caméra et passages d’un plan à un autre en fonction des trajectoires adoptées par Félicité. Elle est chanteuse et se produit le soir dans un bar. La voix est étrange, unique et envoutante. Très vite la caméra portée colle à son personnage. Félicité est l’élément par lequel le film nous arrive et pour lequel le film se développe. Elle devient très vite un objet de spéculation sur l’incarnation des contradictions africaines ; Félicité est un symbole féminin assujettie à une réalité, ce que montre la première partie du film. On songe alors à des influences en provenance du Néoréalisme. Le Réel marque de son empreinte la trame puisqu’il constitue une toile de fond aux allures de menace potentielle.

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Si seul ce strict point de vue nous était présenté, Félicité, le film, ne se positionnerait que comme constat. Mais il y a une seconde partie. Dans celle-ci, la mise en scène concentre son propos sur la mise en forme d’une extériorisation de l’incidence des réalités africaines sur la psyché féminine. Assez étrangement donc, le film s’humanise par un réajustement d’échelle qui permet de mesurer la complexité du quotidien et l’impact de celui-ci sur l’individu qu’est devenue Félicité. Son personnage s’est métamorphosé. D’une figure symbolique, Félicité est devenue femme à l’identité meurtrie certes mais reconnaissable. Ce principe de mise en scène presque contradictoire avec ce que le film laissait prévoir dans sa première moitié participe d’une réflexion plus vaste touchant au politique.

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Ce télescopage des formes et des récits traduit un désir de renouvellement qui se matérialise par la mutation du personnage principal et de l’esthétique du film. En explorant les différentes figurations possibles du désarroi individuel, Félicité permet d’ausculter avec rigueur et application un continent africain désorienté physiquement et moralement. Le film parvient ainsi à communiquer le sens d’une évidence, d’une Vérité qui place l’être humain au plus près d’une réalité qu’il est toujours aussi impérieux de changer.

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Pour ce qui est de l'édition, on appréciera la restitution fidèle du travail et du soin apporté à l'image par Céline Bozon, notamment lors des déambulations nocturnes de Félicité dans la forêt. Le travail éditorial est moindre même si ces scènes off captées pendant le tournage donnent un aperçu que l'on aurait souhaité plus prononcé tant les quelques images présentes sont fascinantes. Néanmoins, ce qui importe c'est le film et là, en l'état, Jour2fête rend hommage au magnifique travail de Gomis et ses collaborateurs.

Notons également la présence d'un livret qui a toutes les apparences d'un dossier de presse. Un entretien avec Alain Gomis constitue l'essentiel. Riche, détaillé, minutieux, le réalisateur s'exprime sur son film avec une aisance qui témoigne de sa maitrise. Des conditions de tournages aux choix des acteurs en passant par le rapport entre l'image et le son, Alain Gomis est prolixe et précis. Passionnant. Toujours sur le livret, figurent également quelques travaux d'artistes qui ont constitués une base de réflexion et nourris la réalisation du film. Là encore, passionnant.

 

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Crédit photographique : Copyright Jour2fête

Les suppléments :
• Répétitions
• Vidéos de tournage
• Remix vidéo by Newton I Aduaka, Mati Diop et Kevin Leclercq (MINDERZ)
• Biographies
• "Sur la route de Félicité" (livret de 32 pages) : Entretien avec le réalisateur et galerie artistique

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