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Le Musée des Merveilles

Publié par - 26 novembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Des étoiles pleins les yeux

À l'évidence, des éléments, au-delà du temps et de l'espace, réunissent Rose et Ben. Les deux protagonistes sont en réalité en quête de la même chose : l'Amour filial. Rose tente d'éradiquer son incomplétude affective en retrouvant sa mère et Ben, pour mettre fin à ses cauchemars emplis de loups, essaie de retrouver son père dont il ignore tout. Il redoute ce qu'il découvrira mais ne peut s'empêcher de chercher. Retrouver son père est un besoin, une obsession. Celle-ci est figurée par une double symbolique à forte consonance psychanalytique. Son bien le plus précieux est un portefeuille avec une gravure représentant un loup, allégorie d'une image paternelle, alors qu'il le redoute dans ses rêves. Pour affirmer son identité, il faut suivre une logique émancipatrice qui veut qu'une séparation physique et psychique de la cellule familiale permettra à l'individu d'exister pour ce qu'il est et non par l'intermédiaire de ses parents. Mais pour que le cycle se déroule normalement, il faut connaitre l'objet de la rupture avant de pouvoir s'en séparer.

Un lieu finira de réunir les deux personnages. Le fameux Musée des Merveilles du titre qui n'est autre que le Musée d'Histoire Naturelle. Le musée est le lieu de la découverte, le lieu de l'émerveillement ; un sentiment que Rose ressent au cinéma et Ben avec les étoiles. Lorsqu'ils arrivent sur place, le rythme plus lancinant du film et l'usage d'une musique plus calme nous dépeint le musée comme un refuge au milieu d'un monde agressif, un univers à part et intemporel. Plus qu'un lieu de mémoire, où Ben trouvera les indices sur son passé, c'est avant tout l'incarnation d'un champ des possibles, un espace de l'expérimentation.

Ben s'amuse avec un nouvel ami, Jamie, et tous deux se livrent à une course poursuite digne de Keaton ou des Marx Brothers. Tiens, les champs temporels s'interpénètrent. Haynes utilise alors avec une caméra souvent fixe et des entrées et sorties de plan humoristiquement chorégraphiés. L'enfance reprend son cours. Le jeu de dissimulation avec le gardien de nuit marque en soi une première étape de la construction identitaire, il s'agit bien  par ce jeu, symboliquement, d'échapper aux pouvoirs de l'adulte. S'amuser avec le matériel des scientifiques revient également à tourner en dérision et ainsi à ne pas attacher d'importance à ce qui préoccupe l'individu mature. Rose, en revanche, se contente de dessiner et contempler les merveilles d'un cabinet de curiosités, ce qui semble suffire à son bonheur. Elle paraît sourire pour la première fois depuis sa sortie du cinéma dans le New Jersey.

Le Musée des Merveilles est ainsi source de joie. Le comportement enfantin qui s'y déroule est libérateur. Rose retrouve au musée son grand frère, la seule personne prenant soin d'elle. Ben se rapproche de la famille dont il ignorait tout et Jamie se fait enfin un véritable camarade. Lorsque le film s'achève sur un blackout complet de New York, la ville obscure, reste sans doute dangereuse mais les enfants ont appris à gérer leurs inquiétudes, ils sont désormais occupés à contempler les étoiles.

Ben a découvert la vérité, en croisant le destin de Rose, il peut enfin comprendre pourquoi sa mère avait dans son bureau la citation d'Oscar Wilde. Sans nier la douleur et la laideur du monde, l'émerveillement et l'innocence offrent une porte de sortie, un oasis de paix, véritable source d'émotions constructives permettant à chacun de vivre et de trouver place dans l'univers.

Crédit photographique : Copyright Metropolitan FilmExport

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