Splitscreen-review Image de Lumières d'été de Jean-Gabriel Périot

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Lumières d’été

Publié par - 5 janvier 2018

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Lumières d’été s’ouvre sur l’installation technique d’une scène de film. Un documentaire pour être plus précis. Nous sommes au Japon et un metteur en scène d’origine nippone vivant désormais à Paris, Akihiro, s’apprête à interviewer une hibakusha (survivante des bombardements atomiques). Se pose d’emblée la question de la mémoire. La femme, inévitablement âgée, est rassurée par le réalisateur. Des pauses peuvent interrompre le tournage. Mais celle-ci semble confiante et sûre de son fait. Tout devrait bien se passer. Elle se souvient, parle et n’hésitera pas une seconde dans son témoignage.

Le récit débute. Bouleversant, stupéfiant et sidérant de lucidité sur ce qui s’est déroulé en août 1945 à Hiroshima avant, pendant et après le largage de la bombe. Les mots sont pesés mais ils coulent, limpides. Elle bouge peu cette dame, ses gestes sont d’autant plus importants qu’ils sont minimalistes comme le veut une certaine tradition théâtrale japonaise. Mais les frontières premières s’estompent, elles se brouillent. Qu’est-ce donc que ce Lumières d’été ? Fiction ou réalité ? On pense à 24 City de Jia Zhangke. Puis comme un rappel à l’ordre, nous sommes au Japon et pas n’importe où. Alors revient la célèbre question : qu’avons-nous donc vu d’Hiroshima ? Le cinéphile le sait bien. Rien, nous n’avons rien vu d’Hiroshima. Serait-ce alors un film qui s’interroge sur la nature même du film ? Oui et non.

Splitscreen-review Image de Lumières d'été de Jean-Gabriel Périot

Oui puisque le cheminement formel de Lumières d’été initié dès les premières images est significatif du parcours de Jean Gabriel Périot ; passage du documentaire à la fiction qui se matérialise par la présence à l’écran, pense t-on, d’un double du metteur en scène. Non parce que la finalité de Lumières d’été diffère totalement dans sa deuxième partie. Mais revenons au témoignage pour voir comment s’articule ce passage d’un réel faux à la fiction pure.

La description des évènements est forte, précise, chronologique, l’affect est présent mais sans extériorisation outrancière du ressenti, elle est d’une pudeur toute japonaise. L’impact de la somme des souvenirs sur le spectateur est conséquent, imparable. Sonné, Akihiro, le réalisateur japonais, sort prendre l’air. Il déambule dans le parc du Mémorial de la Paix, cerné par les rivières Ota et Moyatsu, il est au cœur de l’apocalypse.

Le principe rappelle ici Resnais et Hiroshima mon amour : de l’impossibilité de constituer une réflexion documentée et imagée sur l’irreprésentable, la bombe et ses effets, Jean Gabriel Périot, remarqué pour Une jeunesse allemande, adopte la même méthode que son illustre aîné. Il s’agit de vaincre l’indicible de la situation en procédant à un réajustement d’échelle où l’horreur du collectif s’exprimera par le malheur du singulier.Le témoignage initial, vrai/faux élément documentaire, ouvre les portes de l’esprit du vrai/faux cinéaste comme la main de l’amant assoupi libérait la mémoire trop longtemps contenue d’Emmanuelle Riva chez Resnais. Dans le parc du Mémorial de la Paix, Akihiro rencontre une étrange jeune femme, Michiko, dont l’apparition est une sorte de réponse à ses questionnements intérieurs. Les fantômes, ses fantômes viennent à sa rencontre. Lumières d’été prend alors une autre tournure. Le cinéaste du film n’est pas un double de Jean Gabriel Périot mais une projection du spectateur dans la matière du film.

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Le film bifurque définitivement vers la fiction. Sans doute sont-ce là ses limites. Car l’instabilité suggérée par la forme première avait pour mérite de ne pas nous ménager, de nous contraindre à habiter les images qui défilaient pour mieux en cerner la portée. A partir de là, nous serons spectateurs distants. Nous assisterons à un parcours aux allures de quête existentielle où Akihiro n’aura de cesse de rétablir un contact physique et psychique avec une culture et une histoire qui, même inconsciemment, l’habitaient.

Comme chez Resnais, la mesure du Tragique se matérialise en éprouvant le Drame. Par l’acceptation de ce qui donne à l’être toute sa substance (qui nous sommes et d’où nous venons), une connexion intime avec une logique et une pensée culturelle s’établit pour que l’homme cesse d’être un somnambule. Ce n’est déjà pas rien.

Splitscreen-review Image de Lumières d'été de Jean-Gabriel Périot

Par ailleurs, d'un point de vue strictement technique, l’image de ce Blu-ray Potemkine est superbe.

Côté compléments, deux figurent au menu. Un court métrage intitulé 200 000 fantômes daté de 2007 remarquablement construit à partir de l’enchainement de photos du Genbaku Monument pris avant et après l’explosion atomique. Aidées par une musique vaporeuse, les images se succèdent dans une logique singulière qui vise à contrecarrer les outrages du temps selon une succession de clichés qui interroge notre propre mémoire. Remarquable.

Autre bonus, le vrai témoignage d’une survivante de l’explosion. Celui-ci, plus direct bien sûr que celui joué pour les besoins du film, est tout aussi glaçant et effroyable. Pertinent dans la mesure où il faut écho à ce que nous voyons au début du film mais également indispensable pour ce qu'il est : le récit précieux d'une personne qui a vécu les effets de la bombe.

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Crédit photographique : Copyright Potemkine Films

Suppléments :
Témoignage d'une survivante de la bombe atomique à Hiroshima
Court-métrage de Jean-Gabriel Périot : "200 000 fantômes"

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