Splitscreen-review IMage de Downsizing d'Alexander Payne

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Downsizing

Publié par - 17 janvier 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Proposition pour sauver la planète : réduire la taille des humains de 1m80 à 12 cm. Tel est le pari que tente Alexander Payne dans Downsizing. Une manière radicale et innovante qui a pour but de diminuer drastiquement les déchets, la consommation et qui serait ainsi un grand pas en avant pour la lutte environnementale. Downsizing débute sur une courte introduction qui fait la part belle au temps de la découverte scientifique. Pendant celle-ci, Paul Safranek (Matt Damon) regarde cette lueur d’espoir avec fascination à la télévision, avant de rentrer pour s’occuper de sa mère souffrant d’une maladie handicapante.

10 ans plus tard, nous retrouvons Paul avec sa femme Audrey, dans un monde où le Downsizing s’est démocratisé, au point d’en être devenu une structure, un business. Quand Paul prend conscience des avantages et de la position sociale qui serait sienne s’il optait pour le Downsizing, il se penche sérieusement sur le sujet. Il compare les privilèges occasionnés par cette éventualité aux difficultés auxquelles il doit faire face ne serait-ce que pour acquérir un habitat. La question ne se pose pas longtemps.

On passe alors d’un univers morne, surpeuplé, grisâtre où les individus semblent vivre les uns sur les autres et doivent subir le poids du quotidien, à un univers idyllique fait d’insouciance et de loisirs (Leisureland). Dans ses derniers films (Descendant, Nebraska) l’un des aspects que Payne se plaît à aborder est celui de l’artifice, de l’illusion, des croyances fomentées sur les choses sans en connaitre la réalité intrinsèque. Ce sera encore le cas dans Downsizing avec par exemple ce qui relève de problèmes familiaux qui sont tout aussi présents dans un lieu paradisiaque comme Hawaï que dans une ville du Midwest.

Ici, Payne ne déroge pas à la règle. Il nous offre dans un premier temps une vision idyllique de ce nouveau monde, et du rêve qui l’accompagne, avec cette nature titanesque, si différente vue d’en bas, une société utopique où chacun peut avoir sa propre maison de poupée. Fantasme d'une Amérique conquérante et insouciante des années 50 avec une "éco-touch" version pays nordiques.

Mais, très vite, le réel prend le dessus avec les enjeux climatiques, les immeubles dans lesquels il faut savoir cohabiter avec son voisin, etc. Et puis demeure un sentiment de solitude bien plus présent finalement dans une mini-société qui favorise l’égoïsme sous couvert de bons sentiments («la planète vous remercie »).  A partir du moment où notre regard se porte au-delà de l’onirisme apparent qui se déploie sous nos yeux, on repère aisément l'existence d'un réel cauchemardesque. Downsizing devient ainsi à un raccourci de l’Histoire de l’Amérique. Le film dresse le portrait de personnages/figures allégoriques qui incarnent les réalités nord-américaines. On passe du rêve américain au cauchemar américain.

Payne dépeint finalement une forme de mimétisme entre cette mini-société et le monde « normal ». Fidèle à la réalité de notre temps, le film dessine un portrait dialectique croisé entre le monde consumériste/hédoniste de Leisureland où le matérialisme a l’ascendant sur l’environnementalisme et l'univers distant de quelques mètres de mini-bidonvilles dans lesquels vivent ceux qui entretiennent le paradis terrestre de ces nouveaux nantis.  Et puis, pour maintenir vivace une certaine forme de vie utopique, il y a un extrême inverse : la première colonie située en Norvège à l’allure du village des Schtroumpfs à tendance hippie, dont les idées alarmistes sur le climat leur donne une vision messianique, à la limite de la secte.

Et au milieu de cela, Paul cherche son rôle, sa place…

Avant d’être un film d’anticipation, Downsizing est une satire sociale poussée à l’extrême grâce au prisme de la caricature inhérente à cet univers si particulier. Ce que Payne aime ajouter dans ses critiques relève de la nuance : il n’y a pas de mauvais camp ou de bon camp, même un opulent opportuniste comme le personnage de Dušhan (sous la maîtrise de Christoph Waltz) peut se montrer plus raisonnable qu’un grand scientifique.

Dans Downsizing, Alexander Payne explore une fois de plus, et avec ses petites touches humoristiques, ses problématiques récurrentes et nous pousse à faire la part des choses dans une société où l’émotion l’emporte sur le raisonnable, où le rêve est avant tout une manière d’échapper (temporairement) au Réel.

Crédit photographique : Copyright 2017 Paramount Pictures. All Rights Reserved.

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