Ce film, pour emprunter à Barthes le titre de l’un de ses célèbres ouvrages, aurait pu se nommer Fragments d’un discours amoureux. Pour de multiples raisons. Mais avant tout, sans doute, parce que Jean Douchet, l’enfant agité est une somme de passions convergentes : le cinéma, le mouvement, la vie, l’autre, sans oublier, bien sûr, les plaisirs de la table.

Douchet fait partie de cette génération d’individus qui fut contrainte d’envisager le monde sous un angle nouveau au lendemain de la seconde guerre mondiale. Lui, quelques-uns de ses amis et de jeunes intellectuels, sous différentes latitudes, vont s’appliquer à voir/trouver dans le cinéma un mode d’expression universel qui pourra retranscrire toute la complexité du monde. Il fait donc partie de ceux qui ont contribué à l’acceptation du cinéma comme art majeur. Pour que cela devienne évidence pour tous, Jean Douchet, d’abord critique, s’est mué au fil du temps, et il continue d’endosser ce rôle aujourd’hui, en théoricien pédagogue ou en panégyriste insatiable. Ainsi, il arpente les routes qui le conduisent de salles en salles pour diffuser une pensée de cinéma.

Jean Douchet, l’enfant agité est un film à trois. Un film qui traduit une passion commune pour le cinéma et pour la révélation que fut la rencontre des trois auteurs avec Douchet. Le film fait la part belle à l’homme qu’est Douchet. Il ne s’agit pas ici de revenir chronologiquement sur le parcours du critique mais de capter de manière éparse ce qui, dans sa parole, traduit l'homme qu’il est et surtout ce qu’il est en mesure d’apporter à qui peut le côtoyer d’assez près.

Jean Douchet ne vit qu’à travers le mouvement (travelling mon beau travelling). D’ailleurs, sa vie est un travelling qui s’accommode de la réflexion. Sa vie, au sens physique du terme, est une pensée en mouvement. Son esprit ne s'arrête jamais, tout juste s'il ralentit lors de pauses dinatoires où la discussion se partage entre films, vins et regards sur le monde. Partage. Là est le maître mot de l’aventure filmique qui nous est proposée ici. Car Jean Douchet, l’enfant agité s’indexe sur une logique qui est le moteur de ce qui anime l'homme qu'est Douchet.

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Ce qui compte, ce n’est pas tant l’admirable analyste filmique qu’il est. Parfois, et Douchet le sait très bien, l’analyse est poussée jusqu’au délire sur-interprétatif mais peu importe car le plus important n’est pas là. L’essentiel des paroles de Jean Douchet réside dans ce qu'elles transmettent et autorisent : la prise de conscience collective qu’une pensée peut naître dans une réflexion sur le film et que, par réciprocité, cette pensée peut nourrir les spectateurs, bien sûr, mais également le film qui a fait l’objet de spéculations plus ou moins vérifiables (plutôt plus, d’ailleurs).

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Jean Douchet, l’enfant agité est une mosaïque filmique où les témoignages se succèdent : Douchet lui-même mais aussi des admirateurs (Lvovski, Desplechin, Beauvois, Frémeaux, Saïd Ben Saïd, etc.) qui permettent, à travers leur propos, d’envisager le portrait multiple et attachant du personnage Jean Douchet. Homme aussi incontournable qu’indispensable. Au-delà de certaines qualités qui se vérifient dans la captation de moments qui témoignent du charisme et de la pertinence de Douchet, le film possède une qualité qui écrase toutes les autres : donner à ceux qui n’en ont jamais eu l’occasion la possibilité de faire une rencontre capitale avec un homme aussi généreux que brillant. Si vous ne l’avez pas encore compris, il s’appelle Jean Douchet.

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