Splitscreen-review Soldats fouillant les passagers du bus sur l’autoroute Nord, El Salvador, 1980 Susan Meiselas

Accueil > Expositions / Festivals > Exposition Susan Meiselas – Médiations

Exposition Susan Meiselas – Médiations

Publié par - 10 avril 2018

Catégorie(s): Expositions / Festivals, Photo

L’exposition Susan Meiselas – Médiations, ouverte jusqu’au 20 mai 2018 au Jeu de Paume à Paris, est la première grande rétrospective de la photographe américaine Susan Meiselas en France.

Cette exposition présente le travail d’une artiste membre de l’agence Magnum Photos depuis 1976, rendue célèbre à la fin des années 1970 pour son témoignage par l’image de zones de conflits en Amérique centrale.

À travers son questionnement de la photographie documentaire, à mi-chemin entre photojournalisme et œuvre d’art, l’approche de Susan Meiselas souligne l’importance du rapport entre l’image, son environnement d’origine et son contexte de diffusion.

Par cette rétrospective, le Jeu de Paume met en lumière un travail qui ne se limite donc pas au simple support photographique. Le visiteur est invité à découvrir une œuvre créée par la recherche constante de l’implication des personnes et des lieux photographiés.

Cette démarche est à l’origine de réalisations variées depuis les années 1970 jusqu’à nos jours, incluant des installations multimédia, des films, des livres ou des documents d’archives, visibles dans l’exposition.

Le parcours scénographique proposé par les commissaires d’exposition, Pia Viewing du Jeu de Paume et Carles Guerra de la Fondation Antoni Tàpies à Barcelone, s’articule autour de trois œuvres majeures : Nicaragua, El Salvador et Kurdistan. Il est complété d’œuvres du début de la carrière de l’artiste et de son récent travail sur la violence domestique, élaboré de 2015 à 2017 dans le cadre de la préparation de l’exposition du Jeu de Paume.

Premières séries

L’exposition s’ouvre sur une première salle consacrée aux œuvres de jeunesse de Susan Meiselas. Dès ses débuts, sa pratique de la photographie révèle la démarche singulière de construire une relation forte entre l’image et son sujet, sans cesse mise en œuvre par diverses interactions avec ses modèles.

Cette recherche apparaît déjà dans son tout premier projet, 44 Irving Street (1971), baptisé ainsi en référence à l’adresse où elle logeait lorsqu’elle était étudiante. Il rassemble une série de portraits en noir et blanc des habitants de sa résidence, certains étant accompagnés d’un texte rédigé par les personnes photographiées, décrivant ces images.

Dans la série Prince Street Girls (1975-1990), nous pouvons suivre l’évolution des vies de groupes de jeunes femmes et la transformation de leur corps en grandissant. Susan Meiselas les avait rencontrées par hasard dans les rues du quartier de Little Italy à New York, où elle vit encore aujourd’hui.

Splitscreen-review Roseann sur la route pour Manhattan Beach, New York, 1978 Série Prince Street Girls, 1975-1990 Susan Meiselas
Roseann sur la route pour Manhattan Beach, New York, 1978 Série Prince Street Girls, 1975-1990 Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos

Amérique centrale et Kurdistan

Œuvres phares de cette rétrospective, les séries réalisées en Amérique centrale et au Kurdistan traduisent une analyse tant géopolitique que personnelle du rôle de la photographie.

Susan Meiselas se rend au Nicaragua pour la première fois en 1978. Partie de son plein gré, sans aucune commande de presse, elle devient toutefois célèbre pour ses photographies couleurs de la révolution sandiniste. Si bien que certains de ses tirages sont érigés en icônes de ce mouvement, à l’image de L’homme au cocktail Molotov (16 juillet 1979). Durant les trente années qui suivent, Susan Meiselas revient à plusieurs reprises au Nicaragua pour partir à la rencontre des personnes photographiées. De ces témoignages récoltés résultent plusieurs films et installations dont Molotov Man (1979-2009), qui reconstitue le contexte de la prise de vue à partir de diapositives et matériaux variés, en incluant une interview de Pablo Jesús Aráuz, figure principale de la photographie.

Splitscreen-review Sandinistes aux portes du quartier général de la Garde nationale à Esteli : “L’homme au cocktail Molotov”, Nicaragua, 16 juillet 1979 Susan Meiselas
Sandinistes aux portes du quartier général de la Garde nationale à Esteli : “L’homme au cocktail Molotov”, Nicaragua, 16 juillet 1979 Susan Meiselas © Susan Meiselas/ Magnum Photos

L’installation Médiations (1978-1982), qui a donné son nom à l’exposition, questionne le sens de la circulation des images, leur utilisation et leur réception à travers le travail éditorial. L’œuvre se compose de trois bandeaux horizontaux courant le long des murs de la salle. Sur le bandeau du haut sont présentés des exemples de photographies de Susan Meiselas publiées dans la presse internationale, sur celui du centre les tirages originaux, dont certains mis en avant par un encadrement, utilisés par l’artiste pour son livre et sur le bandeau du bas, les « chutes », c’est-à-dire les éléments non retenus. La lecture à la fois horizontale et verticale de l’installation propose la confrontation des choix de l’artiste à ceux des éditeurs de presse, en offrant une vision de ce que chacun décide ou ne décide pas de montrer. Ainsi, selon Carles Guerra, l’œuvre de Susan Meiselas se construit au-delà d’un photojournalisme perçu comme « image arrachée du moment », puisque « le moment historique ne peut pas être capturé par une seule image ».

Splitscreen-review Médiations, 1978-1982, catalogue de l’exposition
Médiations, 1978-1982, catalogue de l’exposition

Susan Meiselas entreprend d’autres projets en Amérique latine, en participant à des travaux collaboratifs avec des photographes régionaux à El Salvador et au Chili où elle documente la guerre civile et la vie sous la dictature militaire.

À la fin des années 1980, la photographe part en Irak photographier le génocide kurde ordonné par Saddam Hussein. Elle témoigne en particulier de l’exhumation des corps dans les fosses communes, comme dans Veuve sur le charnier de Koreme, nord de l’Irak (1992). Avec le projet multimédia Kurdistan (1991-2007), Susan Meiselas part à la recherche de preuves et réunit un ensemble de photographies, films et matériaux d’archives, afin de reconstituer l’identité historique et culturelle d’un peuple dispersé dans le monde : « Avec ce que je photographie au présent, je peux montrer le passé ». Son engagement ne s’arrête pas là puisque l’installation intègre une grande carte du monde agrémentée, encore aujourd’hui, de carnets de témoignages d’exilés kurdes victimes de la diaspora.

Splitscreen-review Blocs de béton signalant la fosse commune de Koreme, nord de l’Irak, 1992 Susan Meiselas
Blocs de béton signalant la fosse commune de Koreme, nord de l’Irak, 1992 Susan Meiselas
© Susan Meiselas/ Magnum Photos

Susan Meiselas sera présente au Jeu de Paume le 14 avril 2018 de 15h à 18h, pour échanger avec le public dans le cadre d’une Masterclass modérée par l’historienne de l’art et journaliste Shelley Rice. Une séance de dédicaces de ses ouvrages sera également proposée à 11h30. Plus d’informations sur le site du Jeu de Paume.

Photo haut de page :
Soldats fouillant les passagers du bus sur l’autoroute Nord, El Salvador, 1980 Susan Meiselas
© Susan Meiselas/ Magnum Photos

Partager