Adieu Poulet - TF1 Studio
Publié par Stéphane Charrière - 30 mai 2018
Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres
C’est dans la collection Passion Cinéma que TF1 Studio édite un des films les plus représentatifs d’une certaine forme de cinéma à la française des années 1970/1980, Adieu Poulet. Le cocktail avait tout pour plaire : deux acteurs formidables (Lino Ventura et Patrick Dewaere) sans parler d’un casting irréprochable, un scénariste habile (Francis Veber) et un cinéaste, Pierre Granier-Deferre, qui, à défaut d’être un avant-gardiste réputé, est un excellent "artisan" qui a déjà fait ses preuves (Le chat, La veuve Couderc). On mélange le tout et on obtient un film de facture classique, discutable sur les quelques scènes d’action qu’il expose, mais qui s’avère très efficace dans sa dramaturgie.
Adieu Poulet s'inscrit dans un climat où le politique, en France et ailleurs, est associé, parfois, à une morale douteuse. Adieu Poulet s'ouvre sur une scène banale. Les hommes de main d'un candidat républicain, Lardette, défenseur de l'ordre et de la morale, attaquent des colleurs d'affiches visiblement affiliés à un candidat de gauche. L'un deux meurt. Le commissaire Verjeat et l'inspecteur Lefèvre mènent l'enquête avec des méthodes singulières et iconoclastes qui, inévitablement, déplaisent fortement à Lardette.
Le parti pris d’Adieu Poulet est simple : l’essentiel du film repose sur la prestation des deux flics interprétés par Ventura et Dewaere. Le duo se compose autour d’une déconstruction des schémas traditionnels puisqu’ils prendront à tour de rôle la fonction « d’actant » ou de « pendant ». Dans un premier temps, Ventura, dans le rôle de Verjeat, s’impose comme le personnage principal. Taciturne, renfermé, il intériorise de manière systématique son jeu. Entre alors en scène Dewaere dans le rôle de Lefèvre qui, dans son agitation et sa logorrhée incessante, explicite et souligne la palette de réflexions ou sentiments parcourue par le personnage de Verjeat.
L’attraction des contraires agit comme un révélateur des subtilités de l’un comme de l’autre. D’autant que les rôles vont s’inverser en certaines situations. La linéarité scénaristique met en évidence un savoir-faire d’acteur français où les générations se rencontrent lors d'une collision a priori improbable et pourtant savamment dosée.
À ce propos, nous noterons combien le film est exemplaire de l’influence du cinéma américain sur la production française avec, comme figure de proue, la présentation d'une hiérarchie policière gangrénée par le monde politique lui-même empreint de comportements illicites. On trouvera dans Adieu Poulet nombre de touches qui évoquent directement et littéralement le cinéma américain : les gangsters circulent en Buick, Ventura et son costume clair à la Will Rogers, l’intégrité du héros solitaire qui s’affirme dans des méthodes parfois douteuses, le gangster du film qui écoute de la musique classique les yeux perdus dans le vide évoque la vision mélancolique du Film Noir, etc.
Adieu Poulet, c’est aussi un marqueur qui permet d'apprécier ce qu’était la France des années 1970. Les voitures, la rue, les vêtements, les comportements... Mais c’est surtout un repère cinématographique qui pointe les débuts d’une dissociation entre public et critique. Nous sommes très éloignés d’un cinéma qui s’appréhende par sa seule mise en scène comme souhaitait l’imposer la Nouvelle Vague. Adieu Poulet, c’est la résurgence d’un cinéma axé sur l’importance du mot prononcé par un acteur qui justifie à lui seul le contenu de la mise en scène. Car Pierre Granier-Deferre n’est pas dupe. Adieu Poulet se construit sur la juxtaposition de deux formes de jeu (Ventura et Dewaere) qui, dans ce qui les sépare, retrouve les principes du théâtre.
Ce sont à la fois les limites d’Adieu Poulet mais, surtout, avec le recul, la réussite du film. Cela lui permet de subsister aux outrages du temps. Ce qui rend aujourd’hui agréable le visionnage d’Adieu Poulet, c’est sa finalité : fabriquer un cinéma à vocation populaire et revendiquer l'inscription du film dans ce qui était justement insupportable à une certaine critique de l’époque : la qualité française. On allait voir un film de Ventura ou un film de Dewaere. Les questions de responsabilité artistique d’une œuvre n’avaient cours que dans la profession. Que l’on prenne le film pour un témoignage sur une époque ou la mise en avant d’une direction d’acteurs sans faille, Adieu Poulet s’emparera inéluctablement des spectateurs contemporains qui se confronteraient pour la première fois au film pour les entraîner dans le sillon de deux acteurs merveilleux.
On notera la remarquable restauration dont le film a bénéficié. La copie est, en tous points, absolument irréprochable.
Pour ce qui est des suppléments, deux modules complètent la bande annonce cinéma (restaurée également).
Tout d’abord, reprise de la précédente édition dvd, une présentation du film par Clélia Ventura qui revient sur les motivations de son père à faire Adieu Poulet mais aussi sur les rapports entre Ventura et Dewaere. Anecdotique, certes, mais parfois la chronique est susceptible de faire l’histoire.
Autre complément, cette fois réalisé pour les besoins de cette édition HD, Francis Veber côté polar. Module présenté sous la forme d’un entretien où Francis Veber, scénariste du film qui allait devenir célèbre pour ses films ultérieurs (La chèvre, les compères, Le dîner de cons, etc.), revient sur la manière dont il a travaillé au scénario du film et comment il a obtenu l’aval de Ventura. Mêmes causes, mêmes effets, les anecdotes s’enchaînent et participent du plaisir de visionnage global.
Crédit photographique : Copyright TF1Studio
Suppléments :
Francis Veber, côté polar (22 min - 1080i)
Présentation du film de Clélia Ventura (9 min - SD - 4/3 upscalé en 1080i)
Bande-annonce originale restaurée (2 min 59 s - 1080p)