Splitscreen-review Image de Les bonnes manières de Juliana Rojas et Marco Dutra

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Les bonnes manières-Jour2Fête

Publié par - 4 septembre 2018

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Les bonnes manières, sorti en mars dernier, fait partie de ces films que l’on n’attend pas mais qui attisent la curiosité du spectateur avide de découverte et d’étrange. D’abord parce que les auteurs, Juliana Rojas & Marco Dutra, se sont forgés petit-à-petit une réputation qui n’est pas circonscrite au cinéma de genre même s'ils affichent une prédilection pour le fantastique et le thriller. Mais également parce que dans des films tels que Un rameau et surtout Travailler fatigue, ils témoignaient d’un savoir-faire évident. Ne restait plus qu’à patienter jusqu’à ce qu’un film retranscrive pour le plus grand nombre de spectateurs possible leurs obsessions.

C’est chose faite avec Les bonnes manières qui, sous couvert d’une dimension fantastique présente à tous les étages du film (techniques, dramaturgiques et formels), adopte un schéma narratif et métaphorique qui lorgne du côté du conte ou de la fable. Si le conte n’est pas obligatoirement moral, le film assume tout de même ses embardées métaphoriques pour nous parler de la société brésilienne et des maux qui l’habitent. Le conte est, généralement, un récit qui permet de vaincre des peurs enfouies qui ont une portée universelle. Ici, les auteurs respectent ce principe : ils empruntent au quotidien brésilien et le métamorphosent pour créer un sens ou un regard qui se veut critique.

Les bonnes manières nous raconte comment Clara, une infirmière solitaire de la banlieue de São Paulo, est engagée par la riche et mystérieuse Ana pour être la nounou de son futur enfant. Alors que les deux femmes tissent une relation affective et abolissent les frontières sociales qui les séparent, Ana, la future mère, est prise de crises de somnambulisme.

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Nous l’avons dit, Les bonnes manières file la parfaite métaphore et le film entre en résonance, par l’arrivée de l’invraisemblable, avec le climat politique brésilien contemporain instable et gangrené par des affaires de corruption. Les conséquences, et c’est sans doute là que le politique s’immisce dans le récit, ont un impact direct sur le quotidien des couches les plus friables (pas pour les mêmes raisons) : la classe moyenne et la classe ouvrière.

Les bonnes manières fait naître un monstre qui est finalement le fruit d’un mal insidieux qui se répand sans crier gare. Le monstre a toujours été là. Il ne demandait qu’à émerger, à surgir des entrailles de la représentante d’une classe sociale en souffrance. Lorsque le monstre apparaît, son irruption résume un phénomène politique connu depuis le début de nos civilisations. Si le monstre est engendré par une classe dominante, il incombera aux classes laborieuses d’en assumer l’existence. Ainsi, ce n’est pas Ana qui sera la figure maternelle de référence mais bien Clara. Le film pose alors une question double, celle de la filiation et celle de la responsabilité.

Les bonnes manières, et ce n’est pas lui faire injure, par un mélange d’effets spéciaux (animatronique et numérique) assume son côté bricolage. Du contraste entre l’actualité des effets et leurs origines naît une poétique qui évoque certains maîtres du cinéma fantastique. On pense ainsi à Tourneur et à son aptitude à s’extirper du genre pour créer une œuvre presque abstraite (La Féline, Vaudou) qui permet au film de constituer une rêverie sans égale.

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L’usage du matte-painting ne se dissimule pas. Bien au contraire, il s’exhibe pour exploiter le merveilleux que toute fable ou tout conte suggère. Ce choix esthétique entraîne l’image et le film sur un territoire filmique hybride. En usant des ressources de l’animation (trahison assumée des règles physiques qui régissent notre monde) dans un champ réaliste (dimension politique du film) les cinéastes composent un univers artificiel qui déploie avec plus de vigueur encore un regard critique sur la société brésilienne. Les bonnes manières est, à n’en point douter, un portrait déformé de la société brésilienne dont le modèle est parfaitement identifiable sous le maquillage des effets. Nous savons depuis un célèbre dessin animé que les miroirs ne savent pas mentir et qu’ils reflètent toujours la vérité. C’est encore le cas ici avec Les bonnes manières.

Jour2Fête nous propose Les bonnes manières dans une copie blu-ray exemplaire. Les différences d'atmosphères sont parfaitement rendues par le transfert qui exploite parfaitement les possibilités techniques du support.

Pour ce qui est des compléments, le module le plus intéressant est un entretien de 23 minutes avec les réalisateurs pendant lequel ils s'expriment autant sur leurs intentions que sur ce qui constitue l'essence de leur cinéma. Riche et passionnant.

Deux autres modules, très courts, sont consacrés à l’usage et l'influence des matte-paintings sur l'imaginaire exploité par le film selon un procédé avant/après. Puis, le second met en avant l'utilisation de la motion capture.

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Crédit photographique : copyright

Suppléments :
Entretien avec Juliana Rojas & Marco Dutra (23')
Motion Capture (2')
Matte-painting (2')

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