Splitscreen-review Image de Invasion de Kiyoshi Kurosawa

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Invasion

Publié par - 10 septembre 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Peut-on faire un film original avec un sujet aussi régulièrement utilisé que l'invasion extraterrestre ? Kiyoshi Kurosawa relève le défi en adaptant une pièce de théâtre nommé Sanpo suru shinryakusha. Il décide même de faire de son film un hommage aux classiques du genre tels que L’invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel dont s’inspire justement le matériau de base. Commence alors une vision toute japonaise de la célèbre Invasion.

Le réalisateur de Avant que nous disparaissions trouve ici une situation de base similaire à celle qu’il avait développée dans ce dernier film. Une jeune femme, Etsuko Yamagiwa, découvre que son mari, Tetsuo, a un comportement des plus étranges. Elle se rend ensuite compte que c’est le cas d’autres personnes dans son entourage. Tout comme le protagoniste du film de Don Siegel, elle découvre que des êtres venus d’ailleurs se cachent parmi nous. Une Invasion se prépare pour prendre possession de la Terre. Mais cette fois-ci, plutôt qu’une exploitation métaphorique de la peur d’une guerre, Kiyoshi Kurosawa envisage une plongée dans la psychologie humaine et sa condition. Celle-ci s’incarne à travers différentes figures dont le duo formé par l’extraterrestre et son “guide”, Tetsuo Yamagiwa.

Ici, l’extraterrestre qui a pris corps dans le Docteur Makabe ne se contente pas de se cacher pour tuer. Il est une entité étrangère, extérieur à l’humanité, cherchant à comprendre comment raisonne l'humain en lui volant des “concepts” tels que les relations familiales ou la peur. L’extraterrestre semble se rapprocher de l’humain un peu plus après chaque emprunt ou chaque révélation. Tel un enfant qui découvre le monde, sa curiosité est insatiable. Voler un concept est dangereux pour un humain, mais l’alien ne se gêne pas pour s'en approprier plusieurs dans l’euphorie de l’apprentissage. Avide d’expérience, il s’amuse de la peur de mourir en marchant au bord du vide. L’extra-terrestre est ainsi l’élément qui catalyse les réflexions du récit sur la psyché humaine. Sa trajectoire s’apparente à un trajet initiatique balisé par son lot de comportements infantiles.

Mais pour savoir où trouver ses fameux concepts, Makabe a besoin d’un guide, une figure paternelle. Il jette son dévolu sur Tetsuo, le mari d’Etsuko. Celui-ci choisit les cibles de l’extraterrestre et ce qu’il peut apprendre d’eux. Mais plutôt que d’agir comme le guide qu’il est censé être, comme un éducateur, celui-ci se sert de Makabe comme instrument de sa vengeance contre ceux qui l'ont floué : une femme d’affaire manipulatrice, un professeur qui lui a compliqué sa scolarité… Mais comme tout enfant, l’extra-terrestre échappe un jour au contrôle de son tuteur et devient la somme de ses acquis. Ainsi, il devient un monstre froid et calculateur. D’où la mise en scène de certaines séquences qui évoquent des films d’horreur.

Au final, la fameuse Invasion est moins un élément de divertissement cathartique qui entraîne destructions et morts à la pelle qu’un prétexte pour nous parler des troubles d’un couple en froid dans sa psychologie la plus profonde. Etsuko et Tetsuo sont rarement dans le même cadre ensemble. Et lorsque c’est le cas, un élément du décor ou un échange de paroles froides indiquent que tout est réuni pour conduire à une séparation. Les époux ont du mal à communiquer. Et cette situation, à travers la métaphore de l’enfant extraterrestre, entraîne l’absence de figure maternelle chez Makabe.

Etsuko permet alors au spectateur d'observer le dysfonctionnement d'un couple brisé et les perturbations occasionnées sur leur progéniture. Ce qui conduit à installer une réflexion sur le rôle de chaque parent et la question en sous-texte de ce récit : L’homme est-il la somme de ses constructions mentales ou plus que cela ?

Crédit photographique : ©Arthouse Films

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