Courts-métrages de Jean-Gabriel Périot - Potemkine Films
Publié par Stéphane Charrière - 19 septembre 2018
Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres
Après l’édition de Lumières d’été, second long métrage de Jean-Gabriel Périot, Potemkine Films complète l’exposition des travaux du cinéaste par l’édition d’un double DVD qui regroupe l’intégralité des courts-métrages de l’auteur.
Au-delà du phénomène de complétude qui permet de mieux cerner le style et les obsessions d’un artiste, cette intégralité des films courts de Jean-Gabriel Périot a le grand mérite d’attester qu’il y a bien convergence entre intentions et réalisation et cela dès les premiers essais du réalisateur. Périot est un cinéaste politique au sens littéral du terme. C’est-à-dire qu’il pense l’outil filmique comme un acte public.
Le politique, chez Jean-Gabriel Périot, se vérifie dans les sujets traités comme dans Eût-elle été criminelle…, 200 000 fantômes (Nijuman no borei) ou encore dans L'Art délicat de la matraque. Mais, surtout, ce postulat irrigue la forme. En adepte des théories soviétiques du montage, Périot, au fil de ses courts-métrages, construit son propos autour de l’adjonction ou du télescopage d'images. La dialectique qui se met en place agit. Elle contraint le spectateur à un effort, à une réflexion, à une prise de conscience. Prétendre, comme ses illustres prédécesseurs soviétiques, qu'il y aura un changement d'état du spectateur après le visionnage est peut-être hasardeux. Mais une chose est cependant certaine, il y aura pour le moins un avant et un après. Les images de 200 000 fantômes ont beau ne rien révéler en apparence (nous savons pourtant depuis fort longtemps que nous n'avons rien vu d'Hiroshima), il sera bien difficile, après son visionnage, de ne pas s'interroger sur le destin d'une humanité qui ne cesse d'expérimenter sur elle-même les pires atrocités.
En bon monteur qui se respecte, on notera, dans un registre sensiblement similaire, l'efficacité de Dies Irae. Le film rejoint dans le développement de son argumentaire le propos de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais, lui-même passé (de manière éphémère il est vrai) par le cursus montage de l'Idhec (actuelle Fémis). À ce titre, Dies Irae n’est pas qu’un hommage à peine déguisé au film de Resnais. Dies Irae est la parfaite illustration d’une autre préoccupation de Périot. Celle qui consiste, et cela rejoint les principes de montage énoncés plus haut, à revisiter l’histoire à partir d’un constat qui, lui, repose sur un constat contemporain. Revisiter le passé à partir d’un outil qui s’affirme dans une technologie du présent est, d’une certaine manière, revenir en arrière pour tenter de comprendre ce qui n’a pas fonctionné dans le développement des civilisations. Ou, pour le moins, interroger notre mémoire des événements et notre rapport à celle-ci.
Pour Périot, le cinéma apparaît alors comme le moyen le plus évident pour organiser un débat entre le passé et le présent et, ainsi, conjuguer tous les questionnements politiques, historiques et sociologiques qui préoccupent le cinéaste. Que l'on apprécie ou non, nul doute qu'il serait salutaire à quiconque de voir les films de Périot dans la mesure où certaines questions posées, essentielles pour déterminer ce que l'humanité sera dans le futur, devraient faire l’objet d’un débat collectif dès aujourd'hui, avant qu'il ne soit trop tard.
Compte tenu de la diversité des supports utilisés pour les films proposés ici, il est difficile d'aborder quelque aspect qualitatif même si globalement l'ensemble optimisé de manière convaincante.
En ce qui concerne les bonus, on appréciera l'entretien accordé par Jean-Gabriel Périot pour les besoins de cette édition. Pendant 53 minutes, le cinéaste nous livre quelques confidences sur son rapport aux images mais également sur sa vision du cinéma. Pour Périot, le cinéma cumule quelques fonctions : expression artistique, politique ou encore reflet de discordances sociales. Complément riche, agréable et qui nous permet de vérifier la parfaite coïncidence entre la pensée de Jean-Gabriel Périot et les images qu'il produit en assumant pleinement ses choix esthétiques ou formels.
Crédit photo : ©pelleas, ©alterego, ©enviedetempete, ©JeanGabrielPeriot
Suppléments :
Disque 1
Entretien avec Jean-Gabriel Périot (50’)
Parades amoureuses (2000 – 1’)
Journal intime (2001 – 3’)
Gay ? (2001 – 2’)
Avant j’étais triste (2002 – 2’)
# 67 (2012 – 4’)