Le duo de réalisateurs Grolandais nous proposent cette année une nouvelle satire sociale, I Feel Good, avec en tête d’affiche Jean Dujardin et Yolande Moreau. L’histoire est on ne peut plus simple : Jacques Pora, quadragénaire ayant un poil dans la main et plus un sou en poche, décide de retrouver sa sœur, Monique, « directrice » d’un centre Emmaüs près de Pau qu’il n’avait plus vue depuis une dispute familiale. Il aimerait pouvoir être hébergé le temps qu’il puisse créer sa future entreprise dont il cherche encore le concept. Une chose est sûre pour lui, il va devenir riche et facilement. Bien évidement sa sœur pense la vie autrement mais l’amour fraternel fera en sorte qu’elle aidera Jacques dans sa quête. Monique demande en contrepartie à Jacques de travailler dans la communauté Emmaüs afin de légitimer son hébergement. Jacques va alors découvrir des personnes blessées, en marge de la société, vivant humblement. À leur contact, il va imaginer un business plan et essayer de s’enrichir grâce à eux.
Comme à leur habitude, Benoît Delépine et Gustave de Kervern abordent les problématiques liées au monde du travail et en observent les répercussions sur la société. I Feel Good instaure une sorte de dialogue entre le Capitalisme, en ce qu’il a de plus mauvais, et le Communisme. Le personnage de Jean Dujardin est avide d’une richesse rapide sans effort, très égocentré et un brin inconscient. Quant au rôle campé par Yolande Moreau, il est lunaire, tout en légèreté, orienté vers le bien de la collectivité plutôt que sur celui de l’individu. Schématiquement parlant, la communauté Emmaüs voit sa vie perturbée par le Capitalisme incarné par Jacques Pora.
Moins acide et corrosif que Mammuth a pu l'être sur le même sujet, I Feel Good n’en est pas moins intéressant. La confrontation des visions opposées fonctionne, l’humour décalé provoqué par des situations ubuesques est toujours présent et l’interprétation des acteurs est remarquable. Jean Dujardin semble être habité par Albert Dupontel tant son personnage ressemble à ceux des sketches de ce dernier. D'autant qu'il ne s’agit en rien d’un jeu d’imitation mais juste d’un lien qui les unis en rapport au sujet traité.
Ce qui fait de I Feel Good une réussite, c’est la simplicité de sa mise en scène. Dans les films de Benoît Delépine et Gustave de Kervern, les messages passent mieux lorsqu’ils sont filmés simplement. Le credo de ces deux trublions du 7ème art est « On n’a pas de méthode ». Au regard de I Feel Good, soit ils ont un sens inné du langage cinématographique, soit le hasard fait bien les choses. Il faut bien admettre cependant que la qualité de leurs productions est fluctuante. Avec I Feel Good, on est plutôt dans ce qu'ils produisent de mieux (on ne s'en plaindra pas). Il y a même des clins d’œil subtils à la Nouvelle Vague lorsque Jean Dujardin, en certaines occasions, évoque par association d'idées Jean-Paul Belmondo. Un seul bémol, la durée de certaines séquences nuit à la dynamique du film. Même si les plans séquences sont une figure stylistique traditionnelle des films Delépine/Kervern, il aurait été sans doute plus judicieux d'en raccourcir quelques uns ici afin d’obtenir un montage plus harmonieux. Mais ne boudons pas notre plaisir. Pensez d'ailleurs à rester jusqu’au bout du générique de fin, une surprise vous y attend.
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