Splitscreen-review Image de Trois petits mots de Richard Thorpe

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Journal de la petite lumière 2018 - Huitième jour

Publié par - 22 octobre 2018

Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals

La fin du festival approche. Pourtant, il n’y a aucune tristesse dans l’air. L’événement est à l’image des films qu’il présente, le temps et la finitude ne semblent pas avoir de prise sur lui. Dès que la salle est plongée dans le noir, la parenthèse enchantée démarre et ne se termine qu’à l’instant précis où la dernière seconde du générique est passée. Aujourd’hui, nouvelle immersion dans l’univers de Richard Thorpe (Trois petits mots, 1950) avant de repasser par Alfonso Cuarón (Les fils de l’homme 2006).

En premier lieu, une comédie musicale de Richard Thorpe : Trois petits mots. À l’affiche, le légendaire Fred Astaire dans le rôle de Bert Kalmar ainsi que Red Skelton dans celui de Harry Ruby. Les deux personnages principaux du film incarnent de véritables compositeurs très célèbres en leur temps. Trois petits mots est donc, contrairement à Dans une île avec vous, un récit biographique romancé. Comme toute comédie musicale, le film présente au spectateur nombres de chansons et chorégraphies pleines de vie dans un monde coloré et enjoué qui s’oppose, par contraste, aux mornes réalités quotidiennes.

À l’instar des biopics, Trois petits mots évoque la constitution de ce duo d'artistes, leurs différends artistiques et revient aussi sur la composition de leurs plus grands succès. Chacun aide l’autre dans son travail comme dans sa vie personnelle. Harry soutient Bert pour renouer avec la femme qu’il aime tandis que Bert protège Harry de ses petites amies les moins fréquentables. L’amitié est le sujet central de Trois petits mots. Toutes ces péripéties sont mises en parallèle avec des faits historiquement vérifiables tels un spectacle produit devant le Président Wilson ou une affiche de films des Marx Brothers. Ce principe citationnel a fonction d'ancrer le récit dans une réalité historique et d'éclairer sur les comportements de chacun dans l’intimité. Autrement dit, il est ici question de juxtaposer les rôles publics et privés des personnages tout en contextualisant les événements qui jalonnent leur existence.

Trois petits mots reste cependant fidèle à la logique d'une comédie musicale pour le plaisir du public avec l’incorporation d'éléments humoristiques à des situations dramatiques. Lorsque Bret part en claquant la porte après une dispute avec Harry, il revient aussitôt lorsqu’il se rappelle qu’il était dans sa propre maison. Et lorsque Bret remarque qu’Harry s’est trouvé une amante pas très fidèle, Bret et sa femme envoie Harry systématiquement jouer au baseball. Un comique de situation exorcisant le tragique d’un cœur brisé en devenir.

Changement de style et d'ambiance. Trois petits mots est un feel-good movie. Avec Les fils de l’homme, adaptation d’un roman de P.D James, Alfonso Cuarón nous plonge dans une atmosphère futuriste réaliste et violente. Les fils de l’homme nous dépeint un futur apocalyptique proche où l’humanité est devenue stérile. Les nations semblent s’être effondrées et la Grande-Bretagne, cadre du récit, est devenue une dictature. Le spectateur suit cette fois les mésaventures de Theo Faron (Clive Owen), un ancien activiste qui se voit confier la mission, par son ex-femme, d’amener une femme enceinte, la première en dix-huit ans, jusqu’à un groupe secret afin de sauver l’humanité du désastre.

Alfonso Cuarón cherche par tous les moyens, techniques et narratifs, à donner de la tangibilité à son récit. L’usage fréquent de plans séquences et de la caméra à l’épaule installe et maintient ce sentiment tout au long du film. Les fils de l’homme en lui-même s’inscrit dans le registre de l’anticipation mais traite aussi de sujets d’actualité au moment de la sortie du film tels que l’immigration, le terrorisme et, bien sûr, les différences entre les classes sociales. Alfonso Cuarón filme un monde en ruine où la violence est omniprésente. Que ce soit du côté du gouvernement ou des rebelles, la discorde, le conflit et les manipulations politiciennes règnent. Ce qui met en danger le symbole d’espoir dont tous veulent s’emparer : l’enfant à venir.

Deux films aux deux styles très différents. D’un côté, Thorpe remplit son rôle d’artisan efficace avec un divertissement grand public et pétillant de vie. De l’autre, avec le film d'Alfonso Cuarón, nous sommes en présence d’un auteur aux obsessions clairement identifiables : différence entre classes sociales, les femmes comme pierre angulaire des civilisations. Une bien belle journée. To be continued...

Crédit photographique :

© United International Pictures (UIP)

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