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Lumière 2018 - Rétrospective Henri Decoin

Publié par - 24 octobre 2018

Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals

Chaque année, le Festival Lumière nous propose de replonger dans l'histoire du cinématographe et de rendre hommage à un réalisateur français majeur quelque peu oublié de nos jours. L'objectif de l'entreprise est évident : réhabiliter des cinéastes négligés, à tort, par le grand public, mais toujours présents dans l'esprit du cinéphile. Ainsi furent célébrés par le passé Pierre Etaix, Marcel Carné ou encore Max Ophuls. L'intérêt premier de ces rétrospectives est de (re)découvrir un chapitre de l'histoire du cinéma. De plus, la plupart des films proposés bénéficient généralement d'une restauration numérique qui permet de conserver l'œuvre, mais aussi d'admirer le film tel qu'il fût diffusé lors de sa sortie. Cette année, pour l'édition 2018, c'est au tour d'Henri Decoin d'être sur le devant de la scène. Avec quinze œuvres projetées, la rétrospective Decoin rivalisait en quantité avec l'hommage rendu à Jane Fonda, Prix Lumière 2018, qui en comptait seize. Mais que reste t-il donc de Decoin aujourd'hui ?

Henri Decoin naît en 1890 et meurt en 1969. Avant d'être cinéaste, Decoin était un sportif. Il fit parti de l'équipe de France de natation et remporta un titre de champion de France en 1911 (500 mètres nage libre). Pendant la Première Guerre Mondiale, il fut officier dans différents corps d'armes. En 1919, il s'essaye à l'écriture et devient journaliste sportif pour plusieurs revues, notamment Paris-Soir. En 1926, la nouvelle Quinze Round est publiée. Sur cette lancée, il va écrire pour le théâtre et, de fil en aiguille, pour le cinéma. Trois ans plus tard il est assistant réalisateur mais continue d'écrire. En 1933, il réalise enfin son premier film, Toboggan. Sur le tournage de L'Or dans la Rue, il rencontre Danielle Darrieux qu'il épouse en 1935. La carrière de l'actrice est étincelante et elle est appelée à Hollywood. Henri Decoin met alors sa carrière de côté et décide de l'accompagner. Henri Decoin découvre à cette occasion de nouvelles méthodes de travail. De retour en France, il réalise deux films (Retour à l'aube et Battement de cœur) avant de voir une troisième production interrompue en raison de l'arrêt de l'industrie cinématographique suite à l'offensive allemande du printemps 1940. Il recommence à tourner des films en 1941 pour la Continentale (société de production française financée par des fonds allemands créée en octobre 1940). Il se sépare de Danielle Darrieux en 1941 puis épouse Juliette Charpenay.

 

En 1942, Decoin tourne Les inconnus dans la maison. C'est un tournant. Le film est l'un des plus importants de la cinématographie d'Henri Decoin. Les inconnus dans la maison est basé sur le roman de Georges Simenon et adapté par Henri-Georges Clouzot. Avant même la première minute du film, le générique promet beaucoup. Le premier plan, un traveling vers la droite sur une maquette représentant une ville de banlieue de nuit, sous la pluie, est de toute beauté. L'atmosphère est assez novatrice pour un film français de l'époque. L'inspiration vient du voyage Hollywoodien effectué quelques années plus tôt par le réalisateur. Aux États-Unis, Henri Decoin assiste aux prémices du film noir : il y aura un avant et un après. L'influence est manifeste sur le film par l'usage du cadre et le choix des éclairages et Raimu, en interprète principal, livre une prestation remarquable.

 

Non coupable (1947) est une œuvre beaucoup moins connue d'Henri Decoin et bénéficie également du talent de son interprète principal, Michel Simon. Un médecin de campagne raté et ivrogne devient, par hasard, meurtrier. Heureux de pas être soupçonné par la police, il continue du tuer. Ses crimes reposent sur des schémas dignes d'un génie du crime qui, par ses actes, finalement, se venge de la population locale qui le prend pour un médecin simplet. Non coupable s'inscrit dans un esthétisme de "film noir à la française" teinté de suspense hitchcockien. À noter qu'au moment de la restauration du film, une fin alternative fût trouvée ( ce fut le cas également pour Les amoureux sont seuls au monde). Cette fin alternative a été diffusée à la suite de la fin officielle.

 

Entre onze heures et minuit (1949) est un film encore moins connu d'Henri Decoin. D'après le roman de Claude Luxel, adapté par Marcel Rivet et Henri Decoin, Entre onze heures et minuit est typiquement un film noir revu et corrigé par les caractéristiques culturelles françaises. Un inspecteur enquête sur un meurtre sordide commis dans un tunnel parisien. La victime est, de manière incroyable, le sosie parfait de l'inspecteur. Afin de trouver le coupable, l'inspecteur Carrel (Louis Jouvet) décide de se faire passer pour la victime jusqu'à vivre la vie de voyou du défunt, quitte, peut-être, à franchir la ligne jaune. Le film est remarquable. Les dialogues écrits par Henri Jeanson (Hôtel du Nord…) sont vifs et bourrés d'humour et la prestation de Louis Jouvet est sans faille. Les amateurs du genre seront comblés.

 

La vérité sur Bébé Donge (1952) est réalisé alors que Decoin est séparé de Danielle Darrieux. Henri Decoin, cependant, en profite pour déclarer en filigrane son amour pour la comédienne. Decoin adapte une nouvelle fois un roman de Georges Simenon. La vérité sur Bébé Donge est un mélange de plusieurs styles. Le film tend vers la romance dans un premier temps. L'amour et les sentiments ont une place prédominante dans les dialogues. C'est d'ailleurs l'unique ressort dramatique qui définit le personnage principal féminin. L'intrigue progresse de flashbacks en flashbacks. Jean Gabin est utilisé ici à contre-emploi, il endosse le rôle du "salaud". L'histoire est celle des deux frères Donge, jeunes hommes qui sont les dirigeants d'une tannerie. L'âge est venu pour eux de se marier, ils font confiance à une entremetteuse pour trouver UNE femme. Vite rencontrées, vite épousées, les deux frères Donge épousent le même jour deux sœurs. Parmi elles, Elisabeth, dite bébé, croit au mariage d'amour. Elle va déchanter lorsqu'elle découvre que François Donge (Jean Gabin) est volage, ne croit pas en l'amour et ne l'aime pas tant que ça.

 

Razzia sur la chnouf (1955) est un film de gangster ouvertement anti-drogue, un message explicite débute le film en ce sens. C'était la deuxième rencontre d'un duo de stars Gabin-Ventura. Bien que très classique, hormis dans son dénouement, Razzia sur la Chnouf est un excellent divertissement. Un ponte de la drogue (Jean Gabin) est de retour en France après une escapade new-yorkaise. Il a la responsabilité d'accentuer la vente de cocaïne sur Paris. L'année précédente, Touchez pas au Grisbi (Jacques Becker) réunissait déjà Jean Gabin et Lino VenturaPaul Frankeur et Michel Jourdan font également partie des deux productions. Autre similitude, les deux films sont des adaptations de la collection littéraire Série Noire. La mise en scène est totalement maitrisée, un film majeur dans la carrière d'Henri Decoin.

Indéniablement, cette rétrospective Henri Decoin a contribué au succès de cette dixième édition du Festival Lumière. Bien que la carrière de Decoin ne soit pas parfaite de A à Z, il y a assez à voir dans cette sélection pour faire le constat d'une maîtrise des conventions cinématographiques. Pour ceux qui seraient passés à côté de ces films, l'Institut Lumière et les Cinémas Lumière diffusent jusqu'à fin novembre quelques œuvres de cette rétrospective.

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