Splitscreen-review Vue de l'exposition Bernar Venet

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Bernar Venet, Rétrospective 2019 - 1959

Publié par - 2 novembre 2018

Catégorie(s): Expositions / Festivals

Chez Bernar Venet, c’est le geste qui importe et il le veut radical tout comme l’art qu’il pratique. Un poème intitulé Il n’y a qu’un moyen “ (Poème, 1995), exposé au deuxième étage du musée, le répète à l’envi en reprenant une même formulation dans six strophes pour six disciplines, la poésie, la musique, la danse, la peinture, le cinéma et l’art qui clôt par : “Il n’y a qu’un moyen de faire avancer l’art, C’est de donner tort à l’art déjà constitué, Autant dire changer sa position.”

Un art radical donc. Expression souvent employée dans ses interviews parce que l’homme est un bon causeur, au sens noble du terme : il sait expliquer. Entre 1971 et 1976, Bernar Venet fait le point sur ses pratiques et il théorise, donnant des conférences et enseignant en France ainsi qu’à l’étranger. On ne sera donc pas surpris de la présence de nombreux cartels (près des œuvres) qui reprennent ses propres discours dans la rétrospective que lui consacre le Musée d’Art Contemporain de Lyon.

Son art est un art dit concret, “Un art qui ne parle que de lui-même”, monosémique aussi : une seule interprétation est possible. Et preuve à l’appui, à la question que des passants pourraient se poser sur le sens des œuvres, une journaliste de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes s’en fait l’interprète. Il est d’abord rappelé que les œuvres installées Place Antonin Poncet à Lyon représentent vingt cinq tonnes d’acier. Pour certaines, ce sont des arcs reposant sur un parking souterrain, que le titre est Arcs en désordre : 5 arcs x 5 (2003-2008), et qu’ensuite Bernar Venet répond de cette manière : «Quand on voit une chaise, on voit une chaise, on ne dit pas ce qu’elle représente […]» !

On ne peut faire plus bref et cinglant.

Alors “Basta ! À quoi bon causer ? ”puisqu’une fois produite l’œuvre se suffit à elle-même. Un peu court quand même. Alors posons-nous cette question : “Et avant l’œuvre ? Eh bien c’est la gestuelle et la trace de celle-ci qui nous incitent à causer...” Ouf !

Commençons par le dernier étage de l'exposition.

Nous sommes en 1963, Bernar Venet a 22 ans, et il est à Nice sur la Promenade des Anglais. Il réalise alors des peintures au goudron (présentées elles aussi dans la salle) très fasciné qu’il est par le noir. Un jour, interloqué par un tas de gravier et de goudron aperçu sur le trottoir, il prend une photo. Insatisfait, il décide de présenter les matériaux tels quels. Il en choisit cependant un plus commode à transporter et opte pour des sacs de charbon afin de les ramener au cinquième étage de son atelier. Il les étale.

C’est l’un de ses premiers gestes significatifs. De grandes photos en noir et blanc rappellent l’action. Un film est présenté dans la salle de projection au rez-de-chaussée qui le montre bien plus tard en train de refaire les mêmes mouvements, aidé par des employés qui déversent le charbon au sol, lui modifiant le volume de l’œuvre et son contour par quelques pelletées. Donc Tas de charbon, 1963.

Au même niveau, il reconstitue une allée en gravier sur laquelle repose une brouette en bois qui, elle-même, contient un magnétophone noir. En continu, nous entendons les sons émis par la roue de cette brouette, des crissements. Une vidéo aurait pu rappeler cette action, celle d’un ouvrier, par exemple, travaillant sur une chaussée et poussant cette brouette. C’est la bande sonore qui a été privilégiée. Donc Gravier, brouette, magnétophone daté de 1961.

La photo seule peut être aussi employée comme trace. Ainsi dans Cinq dessins en trois secondes, 1961. Quatre photos au mur montrent le geste de l’artiste, forcément rapide, qui demande à bien aligner les feuilles de dessin l’une derrière l’autre. Au sol, un chiffon, deux encriers et le résultat final, une série de taches noires sur quatre feuilles blanches à dessin. Le processus et sa réalisation. Pour Bernar Venet, le geste est plus important que le résultat, l’artiste se démarquant de l’Expressionnisme Abstrait de Jackson Pollock comme il le spécifie sur un cartel. Décidément, il ne fait rien comme les autres !

Dans ces trois œuvres, Bernar Venet travaille au sol, déplacements et gestes se réalisent sur un plan horizontal. Ce ne sera pas toujours le cas.

Descendons jusqu’au premier étage, dans la partie dédiée aux effondrements. Comme Accident, daté de 1996/2018. L’idée est née d’un hasard et d’un geste maladroit. Dans une interview, Bernar Venet nous apprend qu’il travaille souvent à partir de maquettes pour imaginer ses œuvres futures. Un jour, en plaçant de petites barres en fer à la verticale contre une cloison, il en fait tomber une. Il observe cet amas, et essaie plusieurs combinaisons possibles. Puis il change d’échelle et utilise de grandes barres d’acier laminées posées à la verticale contre un mur, nécessitant même le recours d’un chariot élévateur.

Le 20/09/2018, jour de l’inauguration de l’exposition, Bernar Venet patiente, il fait les cent pas. Il y a du bruit dans la salle, le public a été invité. Il retire sa veste et remonte les manches de son pull. Le geste de l’artiste consiste à pousser une barre pour achever l’œuvre. Quelques secondes plus tard, les applaudissements marquent la fin de la performance. Resteront, grâce à la vidéo, le son des chutes, le geste de l’artiste et la présence du public. Dans la salle, l’amas de ferraille au sol et une seule barre encore debout. Encore visibles, les traces sur le mur blanc et de la poussière de rouille au sol. La vidéo rappelle le geste comme acte créatif essentiel. En fonction de la disposition des barres, de leur nombre et de la force déployée par l’artiste, l’œuvre prend un aspect au sol différent. Un enchevêtrement et un empilement aléatoires. Le même processus mais un résultat jamais identique.

Et à l’étage intermédiaire ? Un espace charnière. C’est le cas de le dire ici, tant sur le plan chronologique, la fin des années 60 et le début des années 80, que sur le plan formel. Une partie de l’étage expose toutes les nouvelles recherches de Bernar Venet et son attrait pour les mathématiques. Ainsi, Position de trois arcs chacun de 258,5 °, (1979) indique avec précision la mesure de l’angle. L’artiste conçoit alors ce qu’il nomme des lignes. Tout d’abord, il fabrique avec du contreplaqué marine des lames épaisses recouvertes de graphite. Ces lignes sont dites déterminées parce qu’elles présentent soit des lignes brisées par un angle, soit des lignes courbes par un arc soit de simples lignes droites. Quand la forme, le nombre, l’angle ne sont pas indiqués, ce sont des lignes indéterminées. Toutes sont collées à un support, un mur. Bernar Venet date de 1983 le passage des lignes indéterminées aux sculptures autonomes et le hasard intervient à nouveau dans ses expérimentations sous la forme de chutes.

Dans un entretien radiophonique, il évoque le décollement inopiné de ces lignes du mur dû aux rajouts successifs de lames. Il observe comme à son habitude et expérimente. Les œuvres peuvent tenir toutes seules. Il suffit de trouver un matériau adéquat. L’utilisation d’un acier spécifique, le Corten, répondra à ses attentes.

Retournons au premier étage pour voir ces réalisations en acier.

Effondrement : cinq lignes indéterminées, 2009. La ligne ne présente donc pas d’angle, d’arc ou de droite. Elle forme une spirale qui est accolée à d’autres. L’artiste choisit de les faire basculer.

Ces œuvres-là, effondrées ou pas, peuvent sortir, aller à l’extérieur comme sur la Place Antonin Poncet : 212,5° Arc x26, 2008. L’environnement importe beaucoup ici, notamment les couleurs. Le marron de la rouille associé au vert de la pelouse et au blanc des façades d’immeubles. La position du regardeur aussi. Un déplacement et la perspective change : L’arbre à fleurs tout bariolé de Jeong Hwa Choi apparaît encadré par des arcs.

Arcs en désordre : 11 arcs de 2014 est une colossale œuvre. Onze arcs qui reposent sur un énorme parallélépipède rectangle installé dans le musée au premier étage pourraient très bien figurer à l’extérieur. Ici, l’œuvre est confinée par le volume de la pièce bien restreint, sans parler du blanc des murs qui valorise la couleur rouille de l’acier. C’est une présence renforcée, rien que de l’épaisseur, et on voit ces tonnes d’acier et rien pour les amoindrir.

Et pourtant, il a bien fallu meuler, découper, souder ou cintrer à un moment ces grandes barres. Quelques pas vers l’entrée suffisent. Dans La ligne à vif, vidéo performance réalisée le jour de l’inauguration, il n’y a plus d’œuvre finale, seulement le processus. Le matériel avec chalumeaux, masses, disqueuses, poste à soudure et le travail des hommes, l’artiste associé à deux autres personnes. L’objet est encore sur la table de travail, inachevé.

Tout près, avant son cintrage par la machine, une grande photo en couleurs montre Bernar Venet avec un chalumeau rougeoyant l’acier.

Photos : Blaise Adilon © Adagp, Paris, 2018.

Vue de l’exposition Bernar Venet, rétrospective 2019-1959 Photo Blaise Adilon © Adagp, Paris, 2020

 

 

Tarif normal : 9 €

Tarif réduit : 6 €
- Jeunes de 18 à 25 ans révolus
- Employés des Offices de Tourisme (carte UDOTSI)
- Pass annuel du Musée des Confluences
- Détenteurs du pass annuel du musée gallo-romain de Fourvière

Gratuité
(sur présentation d’un justificatif)
- Moins de 18 ans
- Personnes en situation de handicap et leur accompagnateur
- Demandeurs d'emploi
- Bénéficiaires du RSA et minimas sociaux
- Personnes non imposables (du fait de leurs revenus)
- Employés et retraités de la Ville de Lyon, du Conservatoire à rayonnement Régional et ENSBAL
- Journalistes
- Carte ICOM ou ICOMOS
- Conservateurs et guides conférenciers
- Adhérents MAPRA ou Maison des Artistes
- Militaires du plan Vigipirate au repos.
- Lyon City Card

Le Pass' Région est accepté pour le règlement des billets d'entrée, des visites commentées individuelles ou en groupe.

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