Splitscreen-review Image de Bohemian Rhapsody de Bryan Singer

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Bohemian Rhapsody

Publié par - 6 novembre 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

La réalisation d'un biopic est un processus particulier car elle soulève une question fondamentale qui, en fonction de la réponse apportée, définira ce que sera le film. L’œuvre doit-elle être fidèle aux réels événements vécus par la personne choisie ou doit-elle faire l'objet d'une pensée singulière, celle du réalisateur ? C'est une question épineuse et d'autant plus avec un personnage comme Freddy Mercury. Bohemian Rhapsody opte pour la subjectivité de son auteur, Bryan Singer. Peu importe, donc, que le film ne porte pas un regard exhaustif sur la vie du chanteur du groupe Queen, ce qui compte, pour Bryan Singer, c'est le point de vue sur un temps et un individu qui éprouve nombre de difficultés pour épouser son époque. Singer laissera donc de côté l'aspect sulfureux du personnage sans pour autant le nier.

Bohemian Rhapsody concentre son propos sur l'animal social qu'était Farrokh Bulsara. Le film explore certaines souffrances du chanteur, notamment celles liées à son incapacité de communiquer avec sa famille. Ce qui fait obstacle à un partage quelconque, ce sont les visions du monde antinomiques de chacun : les valeurs et les mœurs de Mercury ne sont ni partagées, ni acceptées par ses proches qui sont totalement aux antipodes des envies et des passions du chanteur. C'est peut-être ce point commun entre le chanteur et l'acteur qui le campe qui fait que la performance de Rami Malek est d'une telle justesse.

Ce manque poussera Mercury à se réfugier dans la musique. D'abord dans l'écriture puis, dans un second temps, dans ces instants de suspension que sont les concerts qui apparaissent comme des moments d'élection. Ainsi, il se découvre une nouvelle famille avec laquelle échanger et communier à travers son art : une communauté, un public. La réalisation met l'accent sur des scènes qui exploitent ce processus d'échange au cours de séquences intenses. Bohemian Rhapsody fait la part belle aux interactions entre le singulier et le collectif : la dimension très intime et feutrée de l'écriture des chansons se transforme en fureur lorsque Mercury les interprète sur scène. L'énergie qui se dégage de ce rapport entre la scène et le public témoigne de la puissance des paroles et de leur portée sur une foule qui écoute et regarde la bête de scène. Le montage répond alors à une logique de champ/contre-champ pour instaurer un dialogue entre le public et les artistes sur scène. Ces séquences sont aussi réussies, notons-le, grâce à la performance de Rami Malek qui incarne Freddy Mercury avec sincérité sans tomber dans la caricature ou l'imitation.

Ces concerts sont aussi l'occasion de visualiser comment Freddy Mercury affirmait sa personnalité par l'intermédiaire de ses vêtements. Ainsi son style évolue en même temps que sa personnalité et varie de la grandiloquence d'un costume en accord avec une personnalité qui s'assume à la simple paire de lunettes derrière laquelle se dissimule une âme tourmentée.

Le dialogue, comme outil littéraire, est aussi une pratique périlleuse pour un cinéaste. Force est de constater que ceux de Bohemian Rhapsody sont réussis. Certains sont plus travaillés que d'autres, notamment celui de la rupture du chanteur avec son compagnon, Paul. Nous sommes dans cette scène proches du théâtre. La caméra est alors placée face aux deux protagonistes, Freddy Mercury au premier plan, dans une posture dramatique soutenue par la présence de la pluie et Paul qui demeure, lui, sous le proche de sa maison. Le dialogue a beau paraître artificiel, ce qui se décline alors dans Bohemian Rhapsody n'est ni plus ni moins qu'une sorte de renaissance de Freddy Mercury. La scène marque une rupture et situe le point de départ de nouveaux comportements. Freddy Mercury ne va plus cesser, par la suite, de s'ouvrir à ses proches : membres du groupe, ex-petite amie, famille. Bohemian Rhapsody n'essaye pas de devenir l'égal de l’œuvre du groupe et évite de tenter des effets de mise en scène spectaculaires. Le film préfère souligner l'art musical par une réalisation maîtrisée et se contente d'utiliser la grammaire cinématographique dans son sens premier sans se risquer à la réinventer pour s'effacer devant son sujet.

Crédit photographique : ©Concorde Filmverleih GmbH et ©Twentieth Century Fox

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