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A Way Out - Ensemble jusqu’au bout

Publié par - 14 novembre 2018

Catégorie(s): Jeux vidéo

Le jeu vidéo a souvent été vu comme une activité solitaire. L’image du Gamer enfermé dans sa chambre est toujours aussi tenace. Cependant, il peut en être tout autrement dans les faits. L’un des tout premiers jeux vidéos, déjà, Tennis for Two en 1958, était une simulation sportive, le tennis donc, pour deux joueurs. N'oublions pas, non plus, que les salles d’arcades se sont remplies grâce à des jeux où des groupes d'amis pouvaient participer ensemble à une quête commune. Surtout, depuis l’arrivée d’Internet, de plus en plus de jeux proposent de jouer en ligne avec des joueurs du monde entier. Seul bémol au principe, la plupart des jeux qui offrent une expérience coopérative (Borderlands, les Massively Multiplayer Online, etc.) ne permettent, souvent, qu’une collaboration temporaire en vue d’accomplir un objectif ponctuel (Finir un donjon, gagner un match…). Les groupes dont les liens se maintiennent dans la durée de résolution du jeu ne constituent pas la majorité des expériences proposées. Hazelight Studios, aidé par le réalisateur Josef Fares, a pourtant essayé de créer un jeu où la coopération était nécessaire du début à la fin. Après avoir créé Brothers : a tale of two sons, une aventure où le joueur devait apprendre à contrôler deux personnages en même temps, le studio s'est investi dans une autre proposition de jeu coopératif : A Way Out.

À la différence de Brothers : a tale of two sons, le gameplay de A Way Out nécessite la présence de deux joueurs chargés d’incarner chacun un personnage différent et de s’entraider dès le début du jeu. Sur l'écran, la présence des deux joueurs est constante. Ils sont alignés ou se situent côte à côte. Les deux avatars, Léo et Vincent, ont exactement les mêmes aptitudes mais se retrouvent dans des situations complexes où chacun aura besoin de l’autre pour progresser. Le jeu ne permet pas de jouer en solitaire. Aucune IA ne prend les commande d’un avatar en cas d’absence d’un joueur et il n’y a pas moyen d’influencer les actions de son partenaire avec ses commandes.

Chaque joueur est obligé de s'en remettre à la réussite de l’autre pour pouvoir avancer. Si l'un des participants souhaite s’évader de prison, les deux joueurs sont obligés de synchroniser leur mouvement pour atteindre un grillage trop élevé. S’ils veulent capturer un homme qui détient des informations importantes, il faut qu’ils s’entraident pour l’empêcher de fuir, etc. L’intégralité de A Way Out repose sur le lien qui se crée entre les deux partenaires. Comme chacun a besoin de l’autre et qu’il n’y a pas moyen de contrôler l’avatar de son partenaire, le joueur est contraint de composer avec son allié de circonstance. Par exemple, certains obstacles ne sont franchissables que lorsque les deux joueurs conjuguent des manipulations qui ordonnent les actes des personnages. Les joueurs se doivent d'être complémentaires et totalement en harmonie.

La confiance s'installe au fil du temps et chaque épreuve de A Way Out la renforce. Lorsqu’une décision doit être prise quant à l’approche d’une situation, il faut l’accord des deux joueurs. Faut-il ruser pour éloigner les habitants d’un ranch afin de leur voler leur voiture ? Ou faut-il directement les ligoter ? Si les deux joueurs ne parviennent pas à s'accorder, le jeu n’avance pas. Il n’y a pas moyen de faire cavalier seul. D'ailleurs, les différentes scènes qui exposent le passé des protagonistes participent à la création d'un lien qui ne cesse de s'affirmer. Une empathie réciproque se matérialise avec l'envie de renouer avec sa femme enceinte pour l'un et le désir d’offrir à son fils une vie décente pour l'autre.

Afin de renforcer ce lien, les connaissances cinématographiques de Josef Fares sont largement exploitées. Le cinéma influence grandement ce récit criminel où deux hommes en quête de vengeance s’entraident. Ne serait-ce qu’avec la scène de l’hôpital qui est un immense plan séquence. C'est d'ailleurs l’une des rares scènes où les joueurs ne contrôlent pas leur personnage simultanément. Mais, surtout, la quasi totalité du jeu se développe sous la forme d'un splitscreen qui permet d'exposer parallèlement le parcours de chaque personnage. En plus de se calquer sur le principe des jeux multijoueurs classiques où chaque joueur avait une partie de l’écran qui lui est dédiée, A Way Out évoque l'usage récurrent du procédé utilisé dans des films tels que The Boston Strangler (Richard Fleischer, 1968). Lorsque le jeu démarre, en prison, nous découvrons dans un sur-cadrage que Léo est déjà incarcéré depuis un moment. Vincent qui arrive tout juste, lui, passe par toutes les étapes de l’accueil d’un prisonnier. L’idée est clairement de montrer combien le destin des deux protagonistes est lié dès le début.

Le paysage vidéoludique est actuellement surtout dominé par la compétition. Le E-sport prend de plus en plus d’ampleur avec des jeux comme Overwatch ou FIFA. Les salles d’arcades étaient remplies de jeux à High-Score et initiaient des comparaisons à distance qui invitaient le joueur à tenter de battre le score réalisé par un précédent joueur. Les jeux de type MMO proposent aux groupes de joueurs d’en affronter d’autres dans des guerres de Guildes ou des arènes de combat. C’est une idée et un principe que l’on retrouve dès les premiers jeux vidéos : se dépasser et dépasser l'autre. Tennis for two permettait déjà de défier un partenaire dans une simulation d'une pratique sportive. Mais A Way Out propose de réfléchir sur la création d'un rapport entre les joueurs qui se noue autour d'un objectif commun à long terme. Le jeu invite des sentiments (empathie) et, surtout, une co-dépendance inévitable. Il faut donc s'accommoder de l'autre et accepter ses différences. Ce qui diffère de l’association spontanée avec un inconnu (oubliable) pour gagner ponctuellement un "match". A Way Out offre ainsi une expérience coopérative où l’autre devient plus qu’un énième joueur. Il devient un véritable partenaire.

Crédit images : A way out©Electronic Arts

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