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Coopération et partage par écrans interposés

Publié par - 14 novembre 2018

Catégorie(s): Jeux vidéo

Le jeu vidéo par différents phénomènes et différents supports (arcades, la compétition ou internet) a très vite développé des qualités qui peuvent par certains aspects revêtir une dimension sociale faisant ainsi taire toutes les prédictions catastrophistes sur le sujet. De cette fonction nouvelle ont pu naître, en certaines occasions, différentes formes d’échanges, de partages qui se rapprochaient d’un lien communautaire traditionnel. Parmi ceux-ci, le jeu a pu ainsi tisser entre quelques individus rassemblés autour d’une idée commune le support d’un sentiment amical. Différents modes de jeux se sont donc construits dans ce sens. L'un d'eux est ce que l’on nomme communément la coopération.

Dans un premier temps, celle-ci se limite à simplement jouer ensemble avec les mêmes capacités, les mêmes personnages. Comme dans une rencontre physique, on se rencontre, on se jauge, on s’estime. De ce partage émane une forme de plaisir cognitif : jouer ensemble, avoir cette impression d'appartenir à une mini société. On vit alors une expérience commune avec l'impression de s’intégrer à une histoire commune, à deux, à quatre, voire à plus avec l’avènement d'internet.

Au fil des années, la coopération va évoluer, les interactions entre joueurs se démocratisent. Le spectre des rôles et fonctions est de plus en plus élargi allant de la simple remise sur pied dans un jeu de guerre aux classes différenciées aux caractéristiques et rôles bien définis qu’il faudra accommoder les uns aux autres. Il y aura notamment la convention des trois classes d’actions pour les MMORPG (massively multiplayer online role-playing game) : le DPS (Damage per second) est là pour infliger de forts dégâts, le tank pour recevoir les dégâts les plus conséquents afin de protéger ses coéquipiers et, enfin, le support/ou soigneur qui aura pour fonction de soigner ses coéquipiers (norme qui s'exportera dans d'autres genres de jeux comme dans certains jeux compétitifs en équipe, les MOBA, Multiplayer Online Battle Arena, en premier lieu).

La collaboration, l'organisation et la synchronisation entre tous les membres d'une même équipe sont donc primordiales notamment dans ce qu'on appelle des raids (des quêtes importantes pour lesquelles des dizaines, voire des centaines, de joueurs vont œuvrer simultanément dans un but commun). Tout cela se développe avec l'évolution des moyens de communication : forum, tchat écrit pendant le cours du jeu, communication vocale en jeu, etc.

Certains groupes commenceront alors à s'organiser en guilde. Ils n’hésiteront pas à se rassembler sous des formes hiérarchiques qui s’organisent à partir de modèles préexistant dans le monde « réel » comme dans le monde du travail. Les structures définies sont proches d’organigrammes d’entreprises diverses. Au sein de ses guildes se créent des liens qui, eux aussi, reproduisent des schémas vécus par des groupes sociaux. Les mêmes sentiments s’y développent et les amitiés qui se manifestent se renforcent par le partage d'aventures ou par l’expérience de moments épiques.

Mais la coopération est aussi un terrain d'expérimentations autres que sociales ou mécaniques. On peut trouver des tentatives de jeux coopératifs tournés vers la narration. Splinter Cell : Conviction propose un mode multijoueur qui utilise le vécu des deux joueurs durant leur partie pour augmenter l'impact émotionnel de son climax. En effet, vous incarnez deux agents secrets, l'un Russe l'autre Américain. Leurs supérieurs leur demanderont de retourner les armes contre l'autre. Cela crée alors une tension dramatique intense. Mais cet axe de recherche artistique se voit approfondi davantage avec le jeu No Way Out, le deuxième jeu de Rafael Farias. Ce dernier est issu du milieu cinématographique. Il va se servir de cette expérience ou de cette culture par l'utilisation, dans le développement du jeu, de procédés cinématographiques pour donner une nouvelle définition de l'idée de coopération dans le jeu vidéo.

L'un des principaux outils utilisés est le splitscreen. Celui-ci permet de faire se dérouler l'histoire en deux lieux distincts mais réunis par une temporalité commune qui englobe une même phase de jeu. Ainsi, un lien se crée entre les actions des deux scènes. On a alors une transposition parfaite des conventions syntaxiques du modèle cinéma dans le jeu vidéo. Le procédé utilisé ainsi nourrit le jeu d'une nouvelle dimension sociale. Les deux joueurs embrassent une même histoire, une trajectoire identique et les émotions qui en découlent se partagent de manière à créer une nouvelle forme d’expérience collective.

La coopération est donc dans un premier temps une expérience sociale puis mécanique qui est vouée à évoluer en même temps que les autres modes de jeux dont elle se nourrit. C'est ainsi que l'aspect narratif qui s'est fortement développé ses dernières années dans le jeu vidéo ouvre de nouvelles perspectives pour la coopération et le narrative design.

Crédit images : A way out©Electronic Arts / Splinter Cell : Conviction©Ubisoft

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