Les Animaux Fantastiques, Les Crimes de Grindelwald
Publié par Pierre Raphaël - 20 novembre 2018
Après la sortie du dernier Harry Potter (Les reliques de la mort, 2011), la mère de la sorcellerie "moderne", J.K Rowling, décide d'étendre son univers vers de nouveaux horizons. Une nouvelle histoire voit le jour, un préquel des aventures de Potter avec d’autres personnages et d’autres enjeux. En 2016 sort donc le premier volet d'une nouvelle franchise : Les Animaux Fantastiques. Le nouveau récit est pensé pour devenir une saga en 5 épisodes qui promet de nous raconter les aventures de Newt Scamander (Norbert Dragonneau dans l’horrible traduction française), individu versé dans l'étude et la compréhension de la faune de ce monde enchanté.
Le premier volet était un divertissement réussi, tenant les promesses de ses intentions, à savoir la découverte d’un autre monde fait d’animaux aux identités plus attachantes que la plupart des êtres humains. Newt Scamander les découvrait, il nous guidait, il nous invitait à explorer les caractéristiques de ce bestiaire féérique. Il était plaisant, voire instructif, pour les fans de l’univers d’Harry Potter (les Potterheads) d’apprendre de quelle contrée venait tel animal, ses goûts alimentaires, ses aptitudes et ses peurs… Les Animaux Fantastiques épisode 1 misait sur l’intelligence du spectateur et réussissait à diffuser un message écologique plus finement ciselé que ce que les bulldozers d'Avatar (James Cameron), par exemple, nous avaient proposé ou assené avec un discours simpliste faisant peu cas de l'intelligence du spectateur : la biodiversité est nécessaire à la survie de l’humanité et sans l’étude de son fonctionnement et de sa préservation, nous ne méritons pas d’en faire partie.
C’est donc plein d’espoir que nous avons approché Les Animaux Fantastiques, Les Crimes de Grindelwald. Malheureusement celui-ci est un ratage complet. On oublie ici tout ce qui faisait le charme du premier épisode. Plus d’animaux fantastiques (ou très peu) donc aucune nouvelle émotion transmise par de curieux animaux aux allures de chimères et plus de Newt Scamander. Scamander devient, dans ce film, le simple spectateur d’une histoire délirante qui le (et qui nous) dépasse complètement. Le montage hasardeux, voire effectué de manière aléatoire, nous propulse de personnages en personnages, tantôt à Londres, tantôt à Paris, tantôt à New York, tantôt en Autriche, dans des séquences qui ne durent jamais plus de 3 ou 4 minutes. C’est coupé, hâché, mouliné, mélangé dans un shaker et servi à peine tiède. On reste ahuri pendant un échange de bébés lors du naufrage du Titanic (probablement le pire moment du film), nous sommes abasourdis par des retournements de situations plus ridicules les uns que les autres (Queenie qui épouse le côté obscur, le frère caché de Dumbledore) et nous sommes lassés par l'émergence d'une multitude de personnages inutiles (Yusuf Kama, Tina Goldstein, Nagini…). Quel dommage !
Un mot également sur les acteurs du films car ils sont nombreux à faire du visionnage une épreuve. Certains s’en sortent par l'usage de la sorcellerie, sûrement. Jude Law campe un très crédible Albus Dumbledore quarantenaire toujours aussi fourbe et séduisant. Eddie Redmayne a, quant à lui, le mérite d’avoir inventé, via des tics et des postures chers à la méthode Stanislavski, un personnage attachant et physiquement émouvant. Difficile de taire néanmoins les prestations laborieuses de Katherine Waterston (Tina Goldstein) ou encore d'Ezra Miller (Croyance) qui rendent, par leur simple présence à l’écran, Les Animaux Fantastiques, Les Crimes de Grindelwald difficile à regarder. Johnny Depp quant à lui n’est jamais foncièrement mauvais. Lui qui fut un des meilleurs acteurs de sa génération, malgré la présence de son personnage à des moments clés du film, semble absent du plateau.
On pourrait parler également de l’absence de réalisation, d'une technicité bâclée (cadrages souvent approximatifs, certains effets visuels étonnamment laids, etc.), mais ce serait tirer sur l’ambulance.
Les Animaux Fantastiques, Les Crimes de Grindelwald aurait pu devenir un divertissement intelligent avec pour prétexte un discours sur l’importance de la biodiversité et de l’équilibre entre l’homme et la nature. Point de cela. Le modèle d'Harry Potter, vaste fresque sur les difficiles périodes de l’enfance et de l’adolescence, a été abandonné. Hélas donc, J.K Rowling et la production ont créé un monstre, un énième univers étendu à l’image de Marvel ou de Star Wars dont on se serait bien volontiers passé.
Crédit photo : ©WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC.