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Le Château des étoiles

Publié par - 5 février 2019

Catégorie(s): Bande dessinée

La Belle Époque est une période d’inventions et de progrès technologiques qui focalise énormément de fantasmes pour bon nombre de créateurs en différents domaines d'expression. Ce n’est sans doute pas un hasard si énormément de récits steampunks ou uchroniques prennent corps durant cette période. C’est aussi, bien sûr, cette Belle Époque qui a vu naître Jules Verne, un des pères de la science-fiction. Un siècle plus tard, nombre d’œuvres s’inspirent de ses écrits et des inévitables thématiques que soulève ce temps. C’est notamment le cas du Château des étoiles.

Scénarisé et dessiné par Alex Alice, Le Château des étoiles est une bande dessinée d’aventure uchronique prévue en 8 tomes dont 4 sont sortis à ce jour. On suit Séraphin, jeune enfant dont la mère étudiait l'Éther, ainsi que son père. Tous deux vont se lancer dans la conquête spatiale...en 1869.

Pour définir son univers, Alex Alice s'appuie d’abord sur un contexte historique crédible. À partir de là, il va puiser dans l’imaginaire scientifique de l'époque pour construire son récit. Il est nécessaire d’oublier toutes les découvertes du 20ème siècle pour jouir pleinement de l'ouvrage. Ainsi des événements et des faits scientifiques avérés sont contredits par l’univers du Château des étoiles. Ce choix pourra déconcerter mais il s’inscrit dans une démarche pertinente et concordante avec les intentions de l’auteur. Au fur et à mesure des tomes, c’est un véritable monde parallèle qui s’étend et se développe sous nos yeux. Par le choix de l’uchronie, Alex Alice fabrique un univers qui répond à ses souhaits et il le fait évoluer comme il l’entend tout en conservant une certaine familiarité avec l'histoire que nous connaissons de cette période.

De plus, à la manière des récits de Jules Verne, la science et son évolution sont au centre de l’histoire : les personnages rêvent d’espace, de voyages et ils aiment profondément la science. Séraphin et son père s'opposent au dirigeant de la Prusse qui ne voit en l’Ether que le moyen d’asseoir sa domination. Cette antinomie autour de la considération des sciences introduit ainsi des problématiques propres à l’invention de nouvelles technologies.

Il y a une confrontation entre l’utilisation froide et militaire de la science et celle qu'en font ceux qui rêvent de découverte. Cette dialectique se matérialise par la présence de Louis II de Bavière. Le monarque, rendu célèbre par Ludwig de Luchino Visconti, est un individu maltraité par ses pairs et se présente comme un amoureux d’histoires et de légendes qu’il envisage d’ailleurs comme des réalités tangibles. Son personnage insuffle le goût de l’aventure aux protagonistes. C’est un rêveur, un fou pour le commun des mortels, mais il pourrait peut-être trouver grâce dans les yeux de Séraphin.

 

Ainsi, Le château des étoiles assume sa filiation possible avec les romans de Jules Verne. Les voyages, l'appel de l’aventure, la promesse vers des ailleurs invraisemblables, la science comme source de fantasmes et des hypothèses folles qui ne demandent qu’à être vérifiées sont autant d'éléments qui rejoignent la structure des récits de Verne en choisissant le monde de l'illusion que fait naître la réalité d'une époque dans des esprits fertiles.

Une autre influence sur l’œuvre globale pourrait être celle de Miyazaki. Que ce soient l’esthétique steampunks, le soin apporté aux différentes inventions ou même certaines thématiques dans lesquelles des enfants se confrontent au monde des adultes, nombreux sont les éléments qui incitent à voir des passerelles avec l’univers du père de Ghibli.

Dans ce monde aux contours steampunks, c'est avec minutie que se déploie l’univers d’Alex Alice. On notera à cet effet le soin particulier apporté aussi bien dans la conceptualisation des diverses inventions que dans l'élaboration des architectures. On retrouve d'ailleurs dans le récit plusieurs schémas détaillés de certaines machines qui ont nécessité la participation de maquettistes pour rendre le tout crédible.

 

Les planches fourmillent de détails et peuvent être chargées en textes et en informations, ce qui rend la lecture très dense sans pour autant la rendre indigeste. En cela, la prépublication sous forme de journaux est une bonne alternative aux tomes reliés. De plus, ces "journaux" disposent de nombreux articles qui évoquent différentes actualités qui concernent l’univers du Château des étoiles. Ceci contribue à enrichir d'autant plus l'univers de la BD en montrant que le monde réagit aux divers événements et avancées technologiques. Cela permet au Château des étoiles d'exister au-delà du format BD, intention qu'Alex Alice alimente via différentes expositions consacrées à son univers.

Le Château des étoiles est un appel à l’aventure qui convoque avec brio un imaginaire et un type de récits qui ont marqué le monde et les univers fictionnels. De part son succès, son univers évocateur et la volonté d'Alex Alice de faire exister son œuvre en dehors des cases, Le Château des étoiles risque fort de laisser une empreinte indélébile parmi les BDs d'aventures qui peuplent nos librairies et nos bibliothèques.

Crédit image : © Rue de Sèvres

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