Splitscreen-review Image de Time and Tide de Tsui-hark

Accueil > Cinéma > Time and Tide - Carlotta Films

Time and Tide - Carlotta Films

Publié par - 14 mars 2019

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

En ce début d’année 2019, Carlotta Films a la lumineuse idée d’ajouter à sa collection d’Éditions Prestiges Limitées un film d'un cinéaste particulièrement attrayant, Tsui Hark. Le film, c'est Time and Tide. Tsui Hark, même s’il ne bénéficie qu'en de rares occasions des attentions de la critique occidentale, est un cinéaste fondamental pour tenter de comprendre les subtilités de l’industrie cinématographique hongkongaise. Il est en effet celui qui, le premier sous cette latitude, a intégré à son mode opératoire filmique des conditions narratives et formelles universelles aux tendances esthétiques et thématiques du cinéma de Hong-Kong.
Tsui Hark est aussi le premier cinéaste à réussir l’amalgame du cinéma de genre hongkongais aux attentes d’une population locale plus jeune et de plus en plus habituée à visionner des films venus d’ailleurs. La jeunesse hongkongaise prend goût à de nouvelles formes d’expressions qu'il faut considérer. Il faut donc aussi prêter à Tsui Hark le rôle de trait d’union. Il est le cinéaste hongkongais qui a su associer une forme cinématographique classique et intimement liée à une culture communautaire précise (polar, film de sabre, etc.) avec des préoccupations sociétales, esthétiques et culturelles plus modernes et contemporaines.

Splitscreen-review Image de Time and Tide de Tsui-hark

Tsui Hark est aussi le cinéaste des greffes en tous genres. Passé pendant ses années d’études par l’Occident, il a su développer une stylistique qui est le fruit de l’adjonction d'exigences cinéphiliques empruntées à des modèles occidentaux sans pour autant s'éloigner d’une écriture marquée par une tradition artistique chinoise.

Time and Tide est un film étrange. Il sort à un moment où plus personne ne pense que Tsui Hark se relèvera de l’échec de son expérience américaine. Le film est, d'une certaine manière, à l’image du cinéaste. C’est un film sur les abîmes de la création et ce qui peut toutefois en émerger. Tel un Phénix, Tsui Hark renaît de ses cendres et ouvre son film sur une voix off qui énonce les intentions du cinéaste. Les mots prononcés placent le film sous les auspices d’une expérience du chaos. Un monde semble avoir été réduit à néant. Il ne reste plus rien de ce qui a existé et tout est à recommencer. On peut voir dans cette ouverture étrange, nous ne saurons pas réellement pourquoi nous en sommes arrivés là, une déclinaison des principes du "vide" qui est à l’origine du "tout" dans la pensée chinoise.

Si une matière doit se créer à partir du vide, alors il faudra d’abord définir ce qu'est le néant pour qu’émerge une matérialité et que cette dernière puisse éventuellement se dessiner. Le film sera donc versé dans le pictural et il en résultera, au prix de multiples assemblages et combinaisons, une naissance et/ou une renaissance : un nourrisson dans la dramaturgie de Time and Tide et un cinéaste nouveau, Tsui Hark, imprégné de nouvelles obsessions dans le cinéma chinois.

Splitscreen-review Image de Time and Tide de Tsui-hark

 

Le concept de picturalité, tel que les Chinois le conçoivent, se manifeste à chaque minute de Time and Tide. Le film s’accommode de quelques caractéristiques de la peinture chinoise et notamment du principe de lecture aléatoire. Les différentes séquences du film sont à prendre pour ce qu’elles sont mais ne sont surtout pas à envisager selon une logique narrative qui emprunterait son développement à une forme d’expression proche, disons pour faire simple, d’un schéma inspiré des domaines littéraires.

Il n’empêche, le film est la synthèse de plusieurs expérimentations artistiques et professionnelles qui seraient revisitées par l’assise culturelle de Tsui Hark. Time and Tide se fait ainsi l’écho de l’évolution des préoccupations premières du cinéaste imprégnées par le fonctionnement d’un modèle de production américain.

Au-delà de ces considérations, Time and Tide est un film hybride. Le film est à la fois une déambulation dans plusieurs genres filmiques (film criminel, film d’action, mélodrame, etc.) et il est aussi une manière d’arpenter les évolutions stylistiques de son auteur. Les espaces traversés par les mouvements de caméra sont le reflet d’une réflexion, celle du cinéaste sur son métier.

Splitscreen-review Image de Time and Tide de Tsui-hark

Time and Tide indexe son rythme et son propos sur les interrogations du cinéaste qui cherche visiblement de nouvelles voies. Les scènes, aussi abouties visuellement soient-elles, sont des esquisses. Le film donne la sensation d’être un matériau brut qu’il convient de travailler, de malaxer afin d’en extirper une forme qui demeurera abstraite.
Si le film donne l’illusion de se plier aux codes de certains genres, il n’épouse jamais pleinement les contours que ceux-ci lui dictent. Time and Tide revendique même une certaine perméabilité des diverses logiques propres aux genres exploités. Les principes s’ajoutent les uns aux autres pour constituer une nouvelle forme qui échappe à toute description exhaustive.

Time and Tide est une interrogation sur le cinéma. Bien évidemment, comme toutes les œuvres qui sondent la syntaxe cinématographique, c’est à l’intérieur de celle-ci que le débat se crée. Le film tente de contredire le sens inhérent aux procédés filmiques, aux conventions. La démesure technique et la virtuosité des mouvements de caméra qui se déploient comme une antithèse aux acquis syntaxiques n’en demeurent pas moins assujetties au sens induit par les mouvements de caméra ou les procédés de montage usités. Les travellings, par exemple, restent des traversées physiques des espaces. Ce qui se questionne, ce n’est pas tant le langage utilisé ici, celui du cinéma, que la matière explorée par le langage. Ce que transforme Tsui Hark, c’est la nature de ce qui s’imprime sur la pellicule. La valeur des principes de filmage ne change pas mais elle s’enrichit de la volonté artistique du metteur en scène qui consiste à douter de ses propres certitudes afin d'être en mesure de les transcender.

Splitscreen-review Image de Time and Tide de Tsui-hark

Nous n'avons pas eu accès au Blu-ray de cette édition de Time and Tide mais l'image observée sur le DVD semblait indiquer que le transfert est tout à fait convenable.

Pour ce qui est des suppléments, nous n'avons pas trouvé grand chose à exprimer sur le module qui voit Karim Debbache, célèbre youtubeur, exprimer son admiration pour le film.

Nous lui avons préféré, de très loin, Action vérité, un bonus de 24 minutes où Charles Tesson, critique de son état, contextualise et revient sur l'émergence de l’œuvre de Tsui Hark tout en soulignant les caractéristiques filmiques de ce dernier. Limpide et construite, la réflexion de Tesson échappe aux poncifs énoncés traditionnellement quant au cinéma de Hong-Kong. Tesson dresse le portrait d'un artiste qui ne répond guère aux goûts d'une critique occidentale dite sérieuse. Passionnant.

Crédit photographique : © Columbia Pictures Film Production Asia Limited ©Carlotta Films

Suppléments (en HD uniquement sur le Blu-ray )

Commentaire audio de Tsui Hark
"Time and Tide" Par Karim Debbache (9 mn)
"Action vérité" par Charles Tesson (20 mn)
Le Tout-puissant par Julien Carbon et Laurent Courtiaud (24 mn)
Bande-annonce

MEMORABILIA :

FAC-SIMILÉ DU DOSSIER DE PRESSE FRANÇAIS D'ÉPOQUE
1 LIVRET EXCLUSIF DE 28 PAGES (CONTIENT LE FAC-SIMILÉ DU DOSSIER DÉDIÉ À TSUI HARK PARU DANS LE CINÉPHAGE N°13 + LA RENAISSANCE PAR LE CHAOS, UN ESSAI INÉDIT PAR ARNAUD LANUQUE)
REPRODUCTION DE 16 LOBBY-CARDS
1 AFFICHE

Partager