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Ma vie avec John F. Donovan

Publié par - 18 mars 2019

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Pour son premier film en langue anglaise avec un casting international, Xavier Dolan ne change pas de formule et affirme ainsi encore un peu plus son statut d'auteur. Ma vie avec John F. Donovan est une nouvelle occasion pour le réalisateur trentenaire de parler de célébrité, du rêve de celle-ci, d'homosexualité, du show-business et, bien entendu, des relations mère/fils qui renvoient à sa propre expérience.

Le récit de Ma vie avec John F. Donovan se construit autour de la correspondance épistolaire entre une star de série télévisée des années 90/2000, John F. Donovan, et Rupert, jeune garçon qui admire cet acteur. Ces deux personnages sont les deux faces opposées d'une même médaille. Très vite, le film se transforme en autobiographie. En effet, les deux personnages sont les reflets de Xavier Dolan enfant, au travers de Rupert, et adulte, par l'intermédiaire du personnage de Donovan. Leurs fascinations, leurs peurs sont celles que le réalisateur québécois a connues lors de sa jeunesse et au début de sa carrière. Dolan partage avec Rupert son admiration pour les séries télévisées et leurs stars tandis que le possible impact de son homosexualité sur sa carrière le lie au personnage de Donovan.

Quant aux figures maternelles présentes dans Ma vie avec John F. Donovan, ce sont des figures "castratrices". Elles étouffent leurs enfants quel que soit leur âge et elles les empêchent de s’épanouir. Paradoxalement, les mères restent des piliers. Leurs enfants se retournent vers elles quand le besoin se fait sentir comme le met en exergue la séquence de la dissertation de Rupert qui a pour sujet sa mère ou encore la scène où Donovan vient se réfugier chez sa mère pour fuir la pression médiatique. Une fois de plus, on l'aura compris, le film s’appuie sur le vécu de son réalisateur tant au niveau professionnel qu'affectif. Les difficultés de l’enfant acteur qu'il fut mais aussi celles qu'il connut au cours de ses premières années en tant que réalisateur.

Ma vie avec John F. Donovan est un film généreux, dense tant au niveau des sujets abordés que dans sa réalisation. Celle-ci est parsemée de fulgurances comme ce contre-champ en contre-plongée sur la mère de Rupert durant la scène dans laquelle le garçon apprend la mort de son idole. Par ce seul plan, la caméra se substitue à Rupert et, dans la subjectivité de l'image, souligne combien la figure maternelle est une sorte de repère et, surtout, une entité protectrice. À l’instar de ses précédents films, le réalisateur utilise des citations musicales qui convoquent certaines idées ou sensations. Les scènes se construisent alors autour et pour les musiques. On passe par les emprunts aux groupes de rock alternatif des années 90's comme Sum 41 et Green Day pour souligner la volonté émancipatrice des deux personnages confrontés à leurs tourments et leur envie de les outrepasser. Quant à la présence dans la bande originale de Rolling in the deep, célèbre titre d'Adèle, elle est une retranscription, par ses paroles, des états d'âme de Donovan et de l'inéluctable issue qui ponctuera son existence. La variété des citations à travers leur date de création, la musique classique, notamment de Strauss, les nineties pour le rock alternatif et le 21ème siècle pour la chanson d'Adèle rendent le discours du film intergénérationnel.

Ma vie avec John F. Donovan se présente comme une nouvelle réflexion sur les sujets centraux, véritables obsessions, de la filmographie de Xavier Dolan. Cette fois, le cinéaste délaisse les territoires "auteuristes" pour approcher ses problématiques sous un angle plus "grand public", ce que certains lui ont déjà largement reproché. Il ouvre ainsi sa pensée à une audience plus large qui excède les limites du cercle de ses traditionnels admirateurs sans pour autant abandonner ses penchants artistiques perceptibles dans quelques fulgurances de mise en scène qui nous rappellent que Dolan n'est pas n'importe quel cinéaste. Le film réussit alors à offrir une histoire émotionnellement forte et accessible sans laisser de côté le fond et c'est peut-être bien là l'essentiel.

Crédit photographique: © Shayne Laverdière

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