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Danganronpa : je connais le coupable

Publié par - 25 avril 2019

Catégorie(s): Jeux vidéo

L’adolescence, tout le monde en conviendra, n’est pas une étape identitaire facile. On sort du cocon protecteur de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte. C’est la période où l’on se découvre, où l’on se sociabilise. L’espace où se jouent, en général, ces profonds bouleversements structurels est le lycée. En théorie, les jeunes y sont encore encadrés par des adultes chargés de les protéger et de les préparer au monde extérieur. Ainsi, les adolescents peuvent se concentrer sur leur éducation et les liens qui les unissent au collectif avec un innocent enthousiasme (pas toujours), ce qui a donné naissance à un genre de récits focalisés sur la vie lycéenne parfois nommé Slice of Life (Tranche de vie). Mais une licence de jeu venue du Japon, représentée par un ours mi-blanc mi-noir, a choisi de travailler les codes de ce genre en le croisant avec l’enquête policière et le jeu de massacre incarné par le célèbre Battle Royale de Kōshun Takami, adapté au cinéma par Kinji Fukasaku. Son nom : Danganronpa ou Trigger Happy Havoc en anglais.

Tout commence avec un jeune homme nommé Makoto Naegi. Suite à un tirage au sort, ce dernier remporte une place dans la prestigieuse Hope’s Peak Academy. Un établissement réservé à de jeunes prodiges. Tous ceux qui y entrent ont la garantie de trouver un travail à leur sortie. Makoto rejoint donc l’école avec des rêves plein la tête. Comme tout adolescent à la sortie du collège, il espère faire des rencontres amicales et trouver sa voie grâce à ses professeurs. À peine arriver, Makoto perd connaissance et se réveille prisonnier de l’école avec quatorze autres élèves, sans aucun moyen de sortir. Ils sont alors accueillis par une espèce d’ours parlant qui se présente comme le directeur de cette école : Monokuma. Il n’y a aucun autre adulte dans l’école. Il est le seul à établir et faire respecter les règles de l’établissement. Et celles-ci sont simples : accepter de rester à jamais enfermer ou s’entretuer. Les rêves font place à un cauchemar surréaliste.

Aucun des étudiants ne semble vouloir faire de mal à un autre et aucun ne semble avoir le profil d’un meurtrier (mais qu’est-ce que le profil d’un meurtrier ?). Ils songent, bien sûr, à combattre l'ours qui les a accueillis. Mais le maître de ce jeu macabre dispose de pièges mortels dissimulés dans chaque mur de l’école. Le danger est partout. L’école devient ainsi un huis-clos, un univers à part, un espace séparé du monde où la seule issue apparente consiste à tuer sans être découvert. Car si un meurtre se produit au sein de l’établissement, une enquête et un procès auront lieu. L’ours possède également un réseau de caméras proprement orwellien qui lui permet de connaître le coupable à l’avance. Si les lycéens ne votent pas en fin de procès pour le bon coupable, tous seront exécutés à l’exception du tueur. Aucun des adolescents ne prend cette histoire au sérieux au départ. Il leur est inconcevable que l’un d’entre eux puisse tuer. Monokuma est là pour leur donner tort.

Très vite, un meurtre a lieu. Les survivants deviennent alors enquêteurs et jurés au sein d’un système dont Monokuma est le juge et le bourreau. Les adolescents doivent donc affronter une réalité nouvelle : un des leurs est mort et le tueur est parmi eux. La situation est psychologiquement plus complexe qu'il n'y paraît car des liens ont commencé à se tisser, les adolescents s’apprécient et se respectent. Le meurtrier ne peut pas être l’un d’entre eux et pourtant, le constat est impitoyable : en chacun se cache un tueur en puissance.

Le procès, comme le veut la tradition dans la fiction policière, révèle les motivations, les secrets et le côté obscur de chacun. Avec Danganronpa, le studio Spike Chunsoft détourne l’image paradoxalement bon enfant de l’adolescence que suscite le genre du Slice of Life. En intégrant une ambiance sombre à une esthétique colorée et satirique, le jeu se teinte d’une sensation étrange où les contraires se nourrissent l’un l’autre.

Chaque personnage espère, au départ, nouer des liens avec les autres. Mais chacun est également un criminel en puissance que les circonstances, souvent produites par la société elle-même, peuvent révéler. L’ours, par sa présence et ses actes, contraint les adolescents à se confronter sans transition à l'égoïsme, aux responsabilités et ils doivent s’en remettre à l'instinct de survie de chacun. Pour sortir de cet espace clos, il faut tuer. Pour survivre au procès, il faut condamner le criminel à mort. Le tout sous le regard d’un gouvernant qui exécute le coupable sans état d’âme car c’est, selon ses dires, ce que la société réclame. Pourtant la condamnation est brutale puisque le criminel n’est pas une entité inconnue, un démon venu briser une béatitude naturelle. Il est chacun d’entre nous. Un ami, une connaissance ou soi-même, prêt à défendre sa peau au détriment des autres.

Crédit image : ©Spike Chunsoft Co. Ltd.

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