Splitscreen-review Image de Shampoo de Hal Ashby

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Shampoo - Carlotta Films

Publié par - 10 mai 2019

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Carlotta Films ajoute à ses éditions prestiges limitées Shampoo réalisé par Hal Ashby en 1975. Le film colle parfaitement à la ligne éditoriale de cette collection. Cette dernière semble avoir pour vocation de réaffirmer le talent de certains cinéastes chers à une certaine cinéphilie par l'intermédiaire d’œuvres parfois oubliées ou, au moins, qui n'ont pas toujours rencontré le succès escompté. Avant Shampoo, Hal Ashby avait obtenu un succès d'estime avec Harold et Maude. Suivront d'autres réussites notoires comme En route pour la gloire en 1976 ou Bienvenue Mister Chance en 1979. Tous ces films ont toujours pointé du doigt les travers et paradoxes des sociétés occidentalisées et plus particulièrement ceux de l'Amérique. Son film le plus célèbre, Harold et Maude, fit grand bruit puisque ce dernier relatait l'histoire tumultueuse d'un jeune homme d'une vingtaine d'années fasciné par le suicide et les mises en scène macabres. Un beau jour, Harold rencontre l'amour incarné par une femme de 79 ans, Maude. Le film, sorti en 1971 dans un climat de libéralisation des coutumes amoureuses ou politiques, soulignait l'hypocrisie d'une société gangrenée par ses tabous.

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Shampoo ne déroge pas à cette logique. Le film suit les pérégrinations d'un coiffeur que les dames s'arrachent pour ses talents mais aussi pour ses charmes. Il faut avouer que le coiffeur, George, est interprété par Warren Beatty qui, à l'époque au moins, faisait l'objet de nombreux fantasmes. Notons que, contrairement au personnage qu'il incarne dans le film, Beatty n'était pas dupe de l'image qu'il renvoyait de lui puisqu'il a participé activement à la rédaction d’un scénario qui fait de son personnage de coiffeur un pur objet, sexuel de surcroît, au service des autres. Il semble donc établi que George est corvéable à merci par autrui. L’équilibre de Berverly Hills se maintient parce que chacun sait où se situer par rapport aux autres. Oui mais voilà, George aspire à devenir son propre maître, c’est-à-dire ouvrir son propre salon de coiffure.

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Contextualisons le propos et quelques intentions filmiques. Shampoo se déroule sur 24 heures, en 1968. Nous sommes juste à la veille des élections qui verront Richard Nixon l'emporter et devenir Président des États-Unis. Shampoo a été réalisé en 1975, soit l'année qui a suivi la démission de Nixon en août 1974 suite au scandale du Watergate. Derrière les agissements frauduleux de l'administration Nixon se dissimule la fin définitive de l'innocence et du rêve américain. Après l'assassinat de JF Kennedy en 1963 à Dallas, l'Amérique plonge dans une profonde dépression et le rêve déjà bien écorné tout au long du XXème siècle est à jamais souillé. Avec le Président Kennedy, les utopies meurent et l’histoire se répète. Shampoo s'en fait l'écho. Certes, le film affiche, c'est là l'une des caractéristiques du cinéma d'Ashby, quelques orientations satiriques mais le rire convoqué par le cinéaste n'est jamais franc. Il est toujours mâtiné d'amertume, de rancœur. Les films d'Ashby ressemblent à des "réveils délicats au lendemain d'une fête un peu trop arrosée".

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Shampoo est un film du désenchantement. Beatty incarne un candide version Beverly Hills. Les nouveaux riches s’encanaillent dans des soirées où il est de bon ton de n’afficher aucune préférence (sexuelle, politique, etc.). Mais cela n’est qu’une illusion. Ce monde libertaire en apparence est finalement très policé. Chacun joue un rôle qui place les individus sur un échiquier où le sexe est un outil de domination. On peut se laisser griser par l’illusion d’une liberté sans faille, rien dans Beverly Hills ne laisse penser un seul instant que les personnages sont libres de faire ce que bon leur semble. Ils ne peuvent qu’entrer dans une danse où les corps s’échangent au rythme d’une musicalité qui leur échappe. Les marionnettes s’agitent mais pour espérer pouvoir s’émanciper il faut refuser le rôle attribué à chacun. Il faut lutter contre le syndrome de l’échec qui semble contaminer le paysage humain. La lutte passe par une condition : fuir le système. Mais cela sous-entend d’en comprendre les rouages, de ne pas être dupe. C’est là le fardeau de George qui, dans son aveuglement, devient un homme ridiculisé par un fonctionnement social, par une société, par un rêve qui s’est transformé en cauchemar. Tout le monde le savait sauf George qui s’inscrit dans une trajectoire qui le conduit vers la tragédie. Pas n’importe laquelle puisqu’elle se partage par tous les Américains bercés encore par la futilité d’un rêve qui n’est que mirage. So long George.

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Crédit photographique : © 1975, RENOUVELÉ 2003 COLUMBIA PICTURES INDUSTRIES, INC. Tous droits réservés.

Suppléments :
NOMBREUX MEMORABILIA
. 10 REPRODUCTIONS DU SHOOTING PHOTO AVEC WARREN BEATTY, JULIE CHRISTIE ET GOLDIE HAWN
. 5 CARTES POSTALES
. MAGNET
. AFFICHE

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