Splitscreen-review Image de Parasite de Bong Joon-ho

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Parasite

Publié par - 10 juin 2019

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Depuis le début de sa carrière, Bong Joon-ho se concentre sur les dichotomies du monde, qu’elles soient sociétales ou environnementales. Après deux films plutôt anecdotiques (Snowpiercer en 2013 et Okja réalisé pour Netflix en 2017), Bong Joon-ho est revenu à Cannes cette année avec Parasite et a rapporté la Palme d’Or en Corée du Sud.

Parasite n’est pas un tournant dans la filmographie de Bong Joon-ho. C’est plutôt l’affirmation et la consécration d’un cinéma pertinent qui repose sur la maîtrise de différents niveaux de lecture dont le résultat est toujours vertigineux pour le spectateur. Que ce soit par le biais de l’humour ou du thriller, les films de Bong Joon-ho décrivent et analysent la société coréenne moderne dans ce qu’elle a de plus vicieux et de plus perverti.

La famille Ki-taek est une famille pauvre. Ses membres sont constamment à la recherche de petits boulots pour survivre. Ils vivent dans un sous sol, dans l’inframonde. Là où la misère et le mal se trouvent. La famille Ki-taek adopte un mode de vie qui les apparente à des insectes. Ils ne disposent, depuis leur habitation, que d'une seule fenêtre, un véritable écran, qui leur permet d'observer le monde de la surface. Par cette ouverture, ils se projettent dans une société qu’ils imaginent et idéalisent. Cette projection ne les quittera jamais et installe les procédés formels et narratifs sur deux niveaux de lecture, le monde tel qu’on le connaît et ce qui se cache « en dessous ».

Le dispositif filmique à deux étages de Parasite crée une sorte de puzzle à plusieurs dimensions dans lequel la caméra déambule souvent en travelling et en usant de grands angulaires. Le grand angle permet de lire sur le visage du personnage comment celui-ci assimile le vaste décor dans lequel il se trouve.

En cela la mise en scène de Bong Joon-ho est admirable car, sans être maniérée, elle est figurative. La réalité extérieure nous donne accès à la réalité intérieure. Comme par exemple les différents escaliers que tous les personnages empruntent au long du film qui ne sont, finalement, que la représentation de navigations entre différentes conditions sociales acquises ou perdues.

Curieusement, Parasite possède de nombreux points communs avec la Palme d’Or du Festival de Cannes 2018, Une affaire de famille de Kore-eda Hirokazu. Tout d’abord par son sujet puisqu'il s’agit, ici encore, de décrire les différents niveaux de fonctionnement de l'individu au sein d'une organisation familiale. Les structures familiales présentes dans Parasite témoignent d'un déséquilibre qui va, au fur et à mesure, révéler des secrets larvés. Parasite est l’histoire d’une famille devenue une association de malfaiteurs et dont la coalition va se transformer en force pour lutter contre un contexte social précaire. La famille Ki-taek se fixe pour objectif de changer, par tous les moyens, d’environnement. Cette ambition première se transforme presque en revendication. La posture devient une forme de résistance pour ne pas accepter le destin tracé par d'autres, les Ki-taek décident de ne pas être victimes du monde.

Ce qui est commun entre Bong Joon-ho, en Corée, et Kore-eda, au Japon, relève du politique. Le problème est bel et bien mondial et il rattache ces films à un sujet sans frontière, celui d'une lutte des classes.

Avec Parasite, Bong Joon-ho, comme dans tous ses films, s’amuse à transcender la ligne de démarcation des genres cinématographiques : de la comédie à l’horreur, la frontière est ténue. On rit beaucoup devant Parasite. L'humour qui est à l’œuvre tend vers le burlesque. Mais derrière le rire se cachent toujours l'étrange et l’inquiétant. Le rire convoqué dissimule la bête tapie dans l’ombre. Le rire permet de tenir la monstruosité éloignée le plus longtemps possible et lorsque le rire s’arrête, la violence explose.

Depuis ses premiers films, Bong Joon-ho tente de faire cohabiter les deux Corées. Son cinéma offre des pistes, propose des solutions. Avec Parasite, il nous prouve en tout cas qu’un certain cinéma, celui primé dans le plus grand festival du monde, est capable de réconcilier tous les publics. Du grand art.

Crédit photographique : © The Jokers / Les Bookmakers

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