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Rencontre avec Koya Kamura, réalisateur de Homesick

Publié par - 30 août 2019

Catégorie(s): Cinéma

Des débris, de la cendre. Une horloge figée, la tragédie a fixé l'instant. Ce n'est pas la première fois que nous voyons cela au Japon. Murai, au diapason d'un monde dévasté, porte une tenue anti radiations et est en quête de souvenirs. Pour les exilés de Fukushima, pour les gens qui lui demandent, il est un collecteur, un passeur parfois. Et lui ? Il cherche la balle de baseball de son fils.

Trois ans, c’est le temps qu’il aura fallu au jeune réalisateur français Koya Kamura pour écrire et tourner l’ambitieux court-métrage Homesick. Le tsunami et la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011 sont le point de départ d’un film intelligent, cohérent et émouvant sur la relation père fils, sur le deuil et sur le rapport de l'humain à la nature.

Murai, le personnage principal, vit dans une douce mélancolie chaque fois qu'il retourne dans la zone contaminée. Il fantasme. Il imagine des situations qui lui permettent de faire le deuil de son fils. Mais le processus est long. Il recompose et apaise une mémoire irradiée par l’accident.

Comme chez Kore-Eda, la relation familiale est explorée par le prisme de l’intime. Quand la vie est traversée par une tempête, on se raccroche à ce qu'il y a de plus évident, les liens familiaux. On cherche à les approfondir, à comprendre à quoi ils appartiennent. Souvent, ces liens s'incarnent dans l'instant par le surgissement du souvenir convoqué par des éléments inattendus : un son, une odeur, une situation, un objet... Ici, superbement filmé, un garçon qui joue à faire peur à son père, une tortue sculptée dans le sable.

Homesick traite du deuil avec la vitalité et l'audace des premiers films. Koya Kamura construit la dramaturgie de son film sur la base de trouvailles narratives et créatives. Les personnages prennent part à une fantasmagorie émouvante mise en place par un dispositif habile d’écriture et de mise en scène.

Le gris de la zone sécurisée et les préfabriqués carrés, annotés des exilés. Des ramen instantanés ; faire vite, aller à l'essentiel. Puis la nature verte, douce et luxuriante de la zone contaminée qui renvoie à une richesse intérieure, quelque chose de plus grand que soi. Comme chez Tarkovski.

On voyage à travers Murai et à travers Jun, son fils. Le regard de l’enfant sur les choses face aux troubles de l’adulte nous rappelle un peu Les bêtes du sud sauvage de Benh Zeitlin. Un parallèle intéressant s'effectue entre la dureté d’être un enfant à Fukushima et un enfant du Bayou de Louisiane. On voyage encore.

Et puis le compteur Geiger s’affole, sonne et met fin aux rêves. Des lanternes passent et le film s’achève sur une petite trouvaille de mise en scène poétique. Un plan fixe fusionnant les corps qui regardent flotter l’éphémère.

On attends désormais le prochain film de Koya Kamura avec impatience. Un style et une personnalité originale dans le paysage du cinéma français que nous serions ravis de vite retrouver.

Un grand merci à lui de nous avoir accordé sa première interview à retrouver ci-dessous.

 

Lien de visionnage vers le film : https://www.arte.tv/fr/videos/075708-000-A/homesick/

 

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