Splitscreen-review Image de La Belle époque de Nicolas Bedos

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La Belle Époque

Publié par - 12 novembre 2019

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Après un premier film réussi, Monsieur et Madame Adelman, nous attendions de voir comment Nicolas Bedos allait échapper au syndrome du second film qui est souvent plus délicat à aborder que le premier. Surprise, à défaut d'y voir un gage de qualité, La Belle Époque fit partie de la sélection officielle du dernier Festival de Cannes (Hors Compétition). Il n'en fallait guère plus pour attiser notre curiosité. La Belle Époque nous raconte une histoire en apparence banale, celle de Victor (Daniel Auteuil), un sexagénaire désabusé, autrefois auteur de BD à succès, et qui semble en décalage total avec le monde. Victor trompe son ennui comme il le peut mais rien ne semble raviver en lui l'envie d'aller de l'avant. Tout change lorsque Victor croise Antoine (Guillaume Canet), un brillant entrepreneur, qui lui propose une attraction d'un genre nouveau. Antoine rend possible, grâce à un mélange de théâtre et de cinéma, de replonger dans le passé pour y vivre pendant une journée. Victor choisit de revivre une soirée, 40 ans plus tôt, où il a rencontré l’amour de sa vie. Wellcome back to the 70's !

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On pouvait craindre le pire avec un tel synopsis. La Belle Époque aurait pu faire l'apologie rance d'une époque révolue. Le film aurait pu devenir le terme d'un argumentaire nostalgique faisant l'éloge d'un passé que l'on béatifie sous prétexte que c'était bien mieux avant. Mais avant quoi au fait ? Bref, passons. Nicolas Bedos réussit à éviter ce piège-là. Ce n'est pas une surprise tant nous le pensons intelligent. Là où Nicolas Bedos déroutera ses détracteurs, c'est que c'est par une mise en scène imaginative, étonnante et grâce à une ossature scénaristique d’une efficacité redoutable qu'il valide de manière probante cette deuxième réalisation.

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Le film procède, pardon pour le lieu commun mais cela reste explicite, à une mise en abyme cinématographique d’un film dans le film jusqu'à confondre les temporalités. Le film ne fait donc pas l'éloge du passé mais plutôt du cinéma. La dramaturgie oscille entre passé et présent. Ainsi La Belle Époque qui correspond à la subjectivité de Victor, puisqu'elle n'est qu'illusion, appartient bel et bien au présent. Ce n'était pas mieux avant donc mais le passé peut et doit nous servir pour sublimer le présent. Plusieurs couches de narration se superposent entre réalité et illusion dans une fluidité d’enchaînements parfois déroutante. La Belle Époque explore les différentes façons adoptées par l'homme pour se construire un imaginaire qui pourrait supplanter la réalité et se substituer au monde objectif tout en étant une déclaration d’amour au cinéma/théâtre (medium qui peut aisément permettre à l'imaginaire de se satisfaire par procuration et donc améliorer l'ordinaire).

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Avec La Belle Époque, Nicolas Bedos poursuit quelques réflexions ou obsessions entamées dans Monsieur et Madame Adelman (Victor est le même prénom donné à ses personnages principaux dans les deux films) : inquiétude face à la vieillesse et le temps qui passe, naissance et mort d'un sentiment amoureux, l’ombre du père omniprésente, etc. Le film joue avec la notion de Belle Époque (cela désigne une période historique précise qui ne fut pas forcément belle pour tout le monde) pour la transformer en élucubration singulière qui dissimule l’espoir de repenser l'avenir de manière plus positive et de relativiser le présent. Victor est un égaré dans notre temps qui cherche finalement à revisiter le passé pour tenter de comprendre ce qu'il a raté, ce qu'il n'a pas vu, ce qu'il n'a pas su faire afin de corriger le présent et d'envisager de mieux vivre le futur.

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La mise en lumière et les décors de La Belle Époque collent parfaitement aux intentions du réalisateur. Ambiance carton-pâte, figurants plus ou moins bon, situations plus ou moins improbables, on se prend, comme le personnage de Victor, à croire que tout redevient possible ! Plus surprenant, le spectateur a aussi envie de revivre cette période. Peu importe, c'est même tant mieux si des techniciens allument les projecteurs ou activent une machine à pluie en coulisses, le monde, si terne, se mue en show qui ne demande qu'à continuer.

Guillaume Canet, Doria Tillier, Fanny Ardant, Pierre Arditi et, bien sûr, Daniel Auteuil, tous épatants, interprètent les personnages principaux sous l’œil malicieux de Nicolas Bedos qui prend, semble-t-il, un malin plaisir à les diriger. Oui un film d'amis, sans doute, qui renoue avec les tournages entre potes qui ont jalonné le cinéma français parfois pour notre plus grand plaisir. C'est le cas ici. Une réussite donc pour Nicolas Bedos qui est semble être entré dans une « Belle époque » cinématographique. En espérant que celle-ci se prolonge encore en  février 2021 du côté de l’Afrique noire avec son ami Jean Dujardin pour le 3ème opus d’OSS 117. N'en déplaise aux plus chagrins, c'est confirmé, le cinéma français s'est trouvé en la personne de Nicolas Bedos un nouveau cinéaste.

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Crédit photographique : © 2019 - LES FILMS DU KIOSQUE - PATHÉ FILMS - ORANGE STUDIO et Copyright 2019 Constantin Film Verleih GmbH

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