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La valise du confiné et son matériel de survie - épisode 3 : les frissons constructifs
Publié par Stéphane Charrière - 8 mai 2020
Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals, Jeux vidéo, Séries TV / V.O.D.
La peur. Enfin, c'est souvent au pluriel ça. Donc, les peurs. Tout le monde vit avec. Mais certains redoutent de les exposer : les peurs renseignent souvent bien plus que tout autre sentiment sur les individus. Aussi, dans la rédaction, des réticences ont été perceptibles. Certains furent discrets voire absents des débats. Nous ne les blâmerons pas. D'autres ont joué le jeu. Ils n'ont pas hésité à faire le tour de ce qui les animait sur ce point bien précis. Quitte à nous en livrer toujours un peu plus sur leur personnalité. Car il s'agissait pour nous d'identifier quelques inquiétudes vécues de manière délicate sur l'instant puis, avec le temps, qui se sont révélées constructives. Preuve en est, en cas improbable d'isolement, nous emporterions avec nous quelques une de ces œuvres qui furent source d'angoisses. Bon voyage au pays de toutes les peurs !
Amandine Brouillard
Little Nightmares, un jeu vidéo de plates-formes et de réflexion développé par Tarsier Studios et édité par Bandai Namco Entertainment
Get Out, film réalisé par Jordan Peele
Split, film réalisé par M. Night Shyamalan
Le Cercle, film réalisé par Gore Verbinski
Shining, film réalisé par Stanley Kubrick
Doctor Sleep, film réalisé par Mike Flanagan
Parasites, film réalisé par Bong Joon-ho
Snowpiercer, le Transperceneige, film réalisé par Bong Joon-ho
Les Dents de la mer, film réalisé par Steven Spielberg
Alien, le huitième passager, film réalisé par Ridley Scott
Esteban Soria
-Berserk : Kentaro Miura (manga)
-Spirale : Junji Ito (manga)
-The Evil Within : Capcom (jeu)
-Dead Space : Viscerale Game (jeu)
-Bloodborne : From Software (jeu)
-Scream : Wes Craven (cinéma)
-Alien : Ridley Scott (cinéma)
-Event Horizon : Paul W. S. Anderson (cinéma)
-Get out : Jordan Peele (cinéma)
-Labyrinthe de Pan : Guillermo Del Torro (cinéma)
Gilbert Babolat
Les frissons, la peur génératrice de forces constructives.
D’abord des affiches en tête. De la propagande. Forcément des idéologies qui se combattent pendant des périodes troubles d’avant guerre ou de guerre.
Les années 1930 et le thème de L’homme au couteau entre les dents traité en France par Henri Petit et par Raoul Cabrol. Un dictateur au centre de l’affiche serrant un couteau, mâchoire crispée pour susciter la peur dans le camp adverse et s’opposer à une idéologie : communisme ou nazisme. Pour le premier, Staline est représenté, pour le second Hitler.
Cela peut être aussi des objets comme des maisons. Elles sont deux, côte à côte, l’une délabrée et l’autre pimpante représentées par René Vachet, illustrateur pour un comité de soutien au régime de Vichy dans La révolution nationale. Il s’agit de discréditer le Font Populaire pour glorifier le maréchal Pétain pendant l’Occupation. Un même personnage peut aussi réapparaître, un super-héros comme Captain America créé par Jack Kirby, né pendant la seconde Guerre mondiale, de retour sous la Guerre froide luttant contre Electro, l’ennemi soviétique.
Ensuite des tableaux iconiques. Des tableaux avec une base d’où sourd cette peur et un élan, une ascension vers un mieux-disant, la défense d’un idéal. Une composition pyramidale.
La peur suscitée par la mort, celle présente aux pieds des barricades ou celle au bas d’un radeau pour La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix et Le radeau de la Méduse de Théodore Géricault. Le sommet quant à lui porteur d’espoirs avec cette femme, allégorie de la quête de futures libertés pour tout un peuple mettant fin au régime politique de Charles X en France. Un morceau de tissu brandi par un homme noir et le navire tout au loin sauveteur inespéré pour une poignée de survivants, quinze dit-on sur cent cinquante.
Un mouvement moins ascensionnel, latéral pour deux autres œuvres majeures avec un point central de lecture. À droite, les pleurs et larmes de femmes pour Le serment des Horaces de Jacques-Louis David et notre regard sur ce trio d’épées levé par le père aux Horaces qui doivent défendre les valeurs de Rome. À gauche chez Fransisco Goya, le sang des rebelles du Tres de Mayo, face à la brutalité des troupes napoléoniennes, et au centre cette figure christique défendant aussi des valeurs, celles d’un peuple épris de liberté.
Enfin de face, en pleine face. Cela tient sur des pans de murs entiers au musée national d’histoire de Mexico. Des femmes inquiètent qui soutiennent des hommes, paysans armés, chez le muraliste David Alfaro Siqueiros. Du Porfiriat à la Révolution ou la célébration de la révolution mexicaine du début du XXème siècle.
Irénée Rostan
Golem de Marie Aude Murail : Gros souvenir d'enfance.
Jules Peyres
Films :
Shokuzai (Kiyoshi Kurosawa)
Rosemary’s Baby (Roman Polanski)
Halloween : La Nuit des masques (John Carpenter)
Suspiria (Dario Argento)
Shining (Stanley Kubrick)
Lost Highway (David Lynch)
Beyond The Black Rainbow (Panos Cosmatos)
L’Échelle de Jacob (Adrian Lyne)
Jeux Vidéo :
System Shock 2 (Looking Glass Studios et Irrational Games)
BD/Manga:
Uzumaki (Junji Ito)
Lise Dumont
Lucas Brun
-The Void, par Icy-Pick Lodge (jeu)
-Bioshock, par 2K Games (jeu)
-Dishonored, par Arkane Studios (jeu)
-Dark Souls, par FromSoftware (jeu)
-Undertale, par tobyfox (jeu)
-The Evil Within, Tango Gameworks (jeu)
-Étude d'après le portrait du pape Innocent X par Velázquez, par Francis Bacon
-Verity, par Damien Hirst (film)
-Vertigo d'Alfred Hitchcock (film)
-Shining de Stanley Kubrick (film)
Pierre Rochigneux
Un train peut foncer sur moi, un grand singe peut me regarder avec ses dents, non, ce n'est pas suffisant, c'est vieux, je peux comprendre que certains spectateurs se jetaient au sol ou fuyaient quand il suffit de fermer les yeux, c'est du muet. Les zombies de plus en plus rapides de Romero, j'en souris, c'est convenu, comme est convenu le frisson des films effrayants si on en croit l'affiche. Je ne ris pas non plus aux films déclarés hilarants.
La peur est ailleurs, cachée dans un passage calme de La nuit du chasseur de Charles Lauhgton, ce moment presque documentaire de la rivière et des animaux, on oublie le méchant, on oublie les enfants, là, je ne suis pas rassuré du tout. À l'école, on nous prévient, c'est dur, c'est au programme, c'est Nuit et brouillard d'Alain Resnais. Je n'en mène pas large, le débat ensuite parle de l'histoire, pas de l'écriture cinématographique que je saurai lire bien plus tard.
J'ai dix ans, l'écran est immense, j'en ai déjà parlé dans des articles ici, les regards sont immenses, les coups de feu inhabituels, Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone. C'est une joie et c'est une peur. Peur entière et diffuse, sombre, dans Sombre de Philippe Grandrieux, je suis pris, les mouvements sont les miens, la musique est en moi et comme un idiot, je suis fatalement amoureux d'Elina Löwensohn, ce qui n'aide pas au discernement.
La passion de Jeanne d'Arc, de Dreyer, mais c'est autre chose, c'est dans une salle à Paris, une vraie pellicule qui bloque et s'enflamme, on rit, dans la salle, pensez, Jeanne. Et ce rire est aussi une inquiétude. Depuis, je sais que ce ne sont que quelques images qui brûlent, j'en ai parlé ici aussi. À côté, l'incendie dans Autant en emporte le vent est une rigolade douce, un décor prévisible.
La fin de Johnny s'en va en guerre, de Dalton Trumbo. Il est seul, il tente de communiquer en morse, il n'a ni bras ni bouche, rien et je ne peux rien faire, je suis lui en cet instant. Peur curieuse dans The Wall d'Alan Parker, vu en 79 dans une grande salle d'Avignon, le son partout, devant, au fond de la salle, tout vibre, la musique des Pink Floyd en 3D.
Voyage au centre de la Terre de Henri Levin, le premier film que je vois en couleur à la télévision, des monstres, un spectacle inouï, j'y suis et ça m'attaque, faut pas laisser les enfants devant la télé. La musique de L'armée des ombres de Jean-Pierre Melville était le générique d'une émission, oui, je suis môme aussi, je sais qu'il y a un film pour adultes et un débat, il est tard, je regarde le début en cachette. Les dossiers de l'écran. Plus tard, le film me sert le ventre. Chair de poule encore.
Elles ne me font plus peur, je les connais par cœur, les rhapsodies pour violon et orchestre de Béla Bartók, vues un jour à la télé, interprétées par Isaac Stern, puis trouvées en vinyle. Une plongée dans l'inconnu, dans le monde nouveau, soudain, les écarts, les heurts, un cheval sauvage à qui désormais je donne un brin de blé mais qui pouvait à la première écoute mordre mes mains, je me méfie encore. J'arrête ici, ce choix est remplaçable, aujourd'hui il est instinctif.
Sacha Debard
Séries :
Black Mirror : plusieurs épisodes ont provoqué une peur constructive. Chaque épisode étant indépendant, chacun a stimulé une peur similaire mais différente. La plupart des épisodes questionnent le rapport de l’humain à « l’avancée » technologique. La peur fondamentale que cette série inspire, c’est le consentement des masses à s’y soumettre.
1/ « Blanc comme neige » (Christmas Special) : La possibilité (par choix ou contrainte) de calibrer notre vision afin que certains individus deviennent pixelisés/floutés.
2/« Chute libre » (S3E1) : Une société régie par un système de notation entre citoyens. Utopie qui favorise les êtres « bien notés » et alignés sur une hypocrisie générale ; tandis que les autres sont marginalisés. On ne peut qu’attendre l’effondrement d’une société aussi nauséabonde.
Livres
3/ Philosophie dans le boudoir, Marquis de Sade : Sous couvert d’une application radicale de la philosophie des Lumières, le récit présente l’éducation sexuelle et philosophique d’une ingénue par un groupe de libertins. Plus on avance, plus la lecture devient difficile. La capacité de certains « sans-limites » à trouver de la volupté dans autant de cruauté fait frémir.
4/ Au-delà du Mal, Shane Stevens : Bien que fictionnel, cet ouvrage suit les péripéties d’un serial-killer à partir de sa naissance. À l’instar des soupirantes de Bundy ou Manson, on s’effraie de la fascination que l’on peut avoir envers le brio de certains tueurs.
5/ Le Meilleur des Mondes, Aldous Huxley : Une société fondée sur l’eugénisme et le taylorisme, l’enfance détruite au profit de la performance, système de castes…
Comment supporter cela ? Par une drogue distribuée par les autorités pardi !
6/ 1984, George Orwell : À quel point la distorsion de l’information peut-elle assommer les masses ?
Films
7/ Princes et Princesses, Michel Ocelot : Ce film m’a fait prendre conscience de la force suggestive des ombres. L’inconnu (soit l’ombre) pousse le spectateur à terminer le travail avec son imagination : les émotions, les événements…
8/ Antichrist, Lars Von Trier : La preuve qu’il n’est pas besoin de beaucoup d’effets spéciaux pour susciter la peur. Des images d’animaux qui se mutilent à la morbidité des actes sexuels, on ne sait si on doit reconnaître le talent de l’artiste à mettre mal à l’aise ou s’effrayer à l’idée que ces pensées lui traversent l’esprit.
9/ Looper, Rian Johnson : Une scène particulière dans laquelle un homme du futur revenu dans le passé voit différentes parties disparaître (scarifications, doigts, jambes, etc). Il comprend alors que son homologue du temps présent se fait amputer par les autorités.
La peur produite par ce film est avant tout empathique. Comment imaginer l’horreur que produit cette dégradation de l’être dans une impuissance totale.
Jeux Vidéo :
10/ Deus Ex : Human Revolution, Square Enix
Bien que fondé sur de bonnes intentions, le progrès se heurte toujours à la perversion de certains. Ce jeux vidéo est une exploration des dérives terrifiantes auxquelles le transhumanisme pourrait mener.
Stéphane Charrière
Frousses constructives ? Bon d'accord mais avant tout il est bon de savoir que, curieusement, les écrivains n'ont jamais, en moi, soulevé de réelles inquiétudes, de sentiments inconnus ou à facteur de stress. Mon rapport à la littérature est plus attaché à la volonté de comprendre et d'observer que de vivre ou ressentir. Et puis cela résulte aussi, sans doute, d'une considération particulière du texte : l'imaginaire convoqué par quelques écrits m'appartient (certains auraient d'ailleurs pu figurer dans cette liste ; citons Poe, Shelley, Maupassant, etc.). C'est moi qui fabrique des images à partir des idées qui me parviennent. Ces images ont toujours été le reflet de ce que mon esprit était capable de discerner ou de visualiser à partir de mes connaissances. Donc, ce qui est suggéré dans un livre s'accorde avec ce que je peux matérialiser à partir de ce que je sais ou crois savoir du monde. Il en va de même avec la peinture, la sculpture ou la photo (il y a bien O'Sullivan tout de même qui... mais passons). Par contre, au niveau de l'image animée, il en va tout autrement car nous entrons dans un imaginaire composé par un artiste qui nous impose des images. Et là, parfois... Mais voyons ces peurs en fonction des différentes époques où ces images m'ont surpris, perturbé et, dans certains cas, aidé à comprendre quelques bricoles sur le monde qui bruissait autour de moi.
Découvertes entre 5 et 10 ans (je ne me souviens pas de ce qui précède) :
Le corbeau d'Henri-Georges Clouzot
Les oiseaux d'Alfred Hitchcock (depuis je fais la différence entre bonnes bêtes et sales bêtes)
Faust de FW Murnau (la rencontre entre Faust et Méphistophélès me hantera toujours)
Psychose d'Alfred Hitchcock
Découvertes entre 10 et 15 ans :
Les dents de la mer de Steven Spielberg : l'expérience de la découverte du film fait suite à une autre expérience vécue physiquement celle-là. La redoutable initiation à la natation telle que pratiquée en piscine municipale par l'intermédiaire de l'école (les puristes apprécieront). Il en a découlé deux résolutions imparables :
1/ éviter tout contact superflu avec l'eau. Donc proscrire toute forme de baignade en milieu hostile (plage, piscine, rivière, lac, étang, fontaines publiques, flaques d'eau et autres)
2/ limiter ses contacts avec l'eau à sa propre survie (soif, hydratation du corps) et à la survie des autres (passages par la sdb par exemple). Ces principes qui m'ont toujours maintenu en vie jusqu'à présent sont toujours appliqués de nos jours et je ne m'en porte que mieux.
Duel de Steven Spielberg (Les camions, déjà. Bien avant Coluche donc...)
Alien de Ridley Scott
The thing de John Carpenter
Shining de Stanley Kubrick
Découverte plus tardive mais néanmoins déstabilisante ou perturbante :
En 1996, Lost Highway de David Lynch
Il y en a sans aucun doute bien d'autres mais ce sont les premiers souvenirs à me venir à l'esprit.
Thibaud Latil-Nicolas
Cinéma :
Alien de Ridley Scott;
Les Dents de la Mer de Steven Spielberg
Musique :
Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski
Jeu :
Dead Space édité par Electronic Arts, Ak tronic software & Services GMBH
C'est tout ce qui me vient là, tout de suite, maintenant...
Tom Laurans
- "Little Nightmares" de Tarsier Studios ; Jeu