Phil Tippett : des rêves et des monstres - Carlotta Films
Publié par Stéphane Charrière - 4 juin 2020
Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres
Le nouveau film de Gilles Penso et d’Alexandre Poncet, Phil Tippett : des rêves et des monstres, reprend les schémas narratifs et formels qui avaient assuré la réussite d’œuvres précédentes telles que Ray Harryhausen : le titan des effets spéciaux ou encore Le complexe de Frankenstein. Le processus choisi par les deux cinéastes n’a rien de novateur en soi mais il privilégie une essentialisation du discours et laisse émerger avec clarté ce qui caractérise l’intentionnalité première de leur film. Celle-ci peut d’ailleurs se résumer en peu de mots. Il s’agit de considérer, simplement, ce qui ne signifie certainement pas que l’entreprise est simpliste, l’apport essentiel d’une parfaite maîtrise technique à un propos filmique. En l’occurrence, il est question de souligner, avec Phil Tippett : des rêves et des monstres, le rôle prépondérant tenu par Phil Tippett dans la réussite d’œuvres comme Star Wars, Jurassic Park, Robocop ou Starship Troopers et de rappeler ce que le cinéma lui doit.
Après l’intention, la forme. Phil Tippett : des rêves et des monstres se présente comme une compilation de divers entretiens accordés par Phil Tippett, bien sûr, mais également par nombre de sommités du monde cinématographique qui ont pu travailler à différents niveaux avec Tippett (Joe Dante, Paul Verhoeven, Jon Berg, Dennis Muren, etc.) ou encore par des collaborateurs et des proches de l'artiste. On notera d'emblée que le travail de Gilles Penso et d’Alexandre Poncet évite l’écueil de la production d’admirateurs aveuglés par l’objet de leur idolâtrie, le maître Tippett. L'obstacle est contourné pour deux raisons au moins.
Si Phil Tippett : des rêves et des monstres échappe aux territoires restrictifs d'une forme de "tribalité" (le film uniquement destiné aux inconditionnels des effets spéciaux), c’est avant tout parce que les deux cinéastes, malgré quantité de connaissances encyclopédiques sur le domaine abordé ici, témoignent avant tout d’un savoir qui excède la simple collecte d’informations et la restitution de celles-ci. Cette connaissance approfondie du domaine d’excellence de Tippett est mise au service d’un propos qui vise à renseigner le spectateur sur ce qui singularise l’art de Phil Tippett.
Le brio technique n’est bien évidemment pas, on s'en doute, la seule qualité du travail de Tippett. Il y a chez lui cette aptitude, cette évidence même, à gratifier d'une âme ce qui relève de l’inerte et qu'il manipule à des fins filmiques. Tippett visualise et imagine des gestuelles qui confèrent aux objets qu’il anime une logique vériste. Autrement dit, nous ne savons pas comment agissaient les dinosaures mais lorsque Tippett en anime un, en stop-motion (image par image), tout est réuni pour que le spectateur pense que la créature se dote d’un comportement et presque d’une psychologie qui paraissent, à l’instant du visionnage du film, vraisemblables. L’art de Tippett consiste donc à métamorphoser l’inanimé en entité vivante par la diffusion d’un souffle qui invite l’objet à interagir physiquement et psychiquement avec son environnement.
L’une des grandes qualités du film de Gilles Penso et d’Alexandre Poncet est justement de rendre compte de cette approche professionnelle. Mieux, les deux auteurs rendent mesurable par le spectateur, qui n’est pas forcément aguerri en la matière, le brio de Tippett. Pour que le film fonctionne, il a fallu aux deux réalisateurs décider de l’incorporation des bons ingrédients aux bons moments. Phil Tippett : des rêves et des monstres réussit en ce point bien précis car la joie, le bonheur et l’enthousiasme qui s’emparent de Penso et Poncet sont communicatifs.
À les voir arpenter les coursives et les plateaux de Tippett Studio, il est difficile de ne pas comparer l’attitude de Penso et de Poncet à celle d’enfants émerveillés qui s’égarent volontairement dans les rayons d’un magasin de jouets à l’occasion des fêtes de Noël. Chaque plan de ce documentaire est habité de ce plaisir de partager l’instant présent ou un bonheur, une découverte et même, parfois, une révélation. Pour paraphraser Orson Welles, nous pourrions avancer que Phil Tippett : des rêves et des monstres est un bel ouvrage d’amateurs éclairés en insistant sur le terme « d’amateurs » puisque celui-ci s’accompagne de la notion d’amour. Un amour pour le cinéma qui se diffuse à chaque instant, à chaque image.
Pour ce qui est des suppléments, outre un commentaire audio des deux cinéastes, une galerie de photos, quelques scènes coupées, la piste musicale du film et une bande-annonce, un morceau de choix attend les possesseurs de cette belle édition Carlotta Films : Meeting the monsters : les coulisses du documentaire qui s’étale sur une durée de 100 min qui est supérieure à celle du film lui-même.
Ce bonus fait la part belle aux différentes phases de la production du film. Quelques discussions hors entretiens conservés pour Phil Tippett : des rêves et des monstres constituent des moments forts réjouissants. Au-delà, tout y est exposé : construction des cadrages avant les entretiens, choix des tailles de plans, éclairages, choix de montage, mixage, étalonnage, conception du titrage, de l’affiche, etc. Bref, de quoi prolonger copieusement le plaisir initial du documentaire.
Crédit photographique : © Frenetic Arts
SUPPLÉMENTS :
. COMMENTAIRE AUDIO DES RÉALISATEURS GILLES PENSO ET ALEXANDRE PONCET
. PISTE MUSICALE ISOLÉE
. MEETING THE MONSTERS : LES COULISSES DU DOCUMENTAIRE (100 mn)
. 8 SCÈNES COUPÉES ET ALTERNATIVES (12 mn) - Exclusivité Blu-ray
Avec ou sans commentaire audio d’Alexandre Poncet.
. GALERIE PHOTOS (9 mn) - Exclusivité Blu-ray
. BANDE-ANNONCE