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Adieu les cons

Publié par - 26 octobre 2020

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Après son adaptation du Prix Goncourt Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, Albert Dupontel revient dans les salles avec Adieu les cons qui, comme pour les autres films de l’auteur, sonde certains aspects absurdes de la société sur un fond d’humour presque burlesque. L’intrigue principale est donnée dès les premières minutes du film : les deux personnages principaux arrivent à un tournant dans leur vie. D’une part nous découvrons Suze Trappet (Virginie Efira), coiffeuse de quarante-trois ans, qui apprend qu’elle souffre d’une maladie auto-immune et que son temps est compté. Son objectif est alors de partir à la recherche d’un enfant qu’elle mit au monde « sous X » à l’âge de quinze ans. Et puis, d’autre part, il y a JB (Albert Dupontel), cadre quinquagénaire dans la fonction publique, qui est au bout du rouleau lorsqu’il apprend que le poste pour lequel il avait consacré tout son temps est donné à un autre sous prétexte d'avoir atteint un âge trop avancé. Désabusé par cette institution qui était presque tout pour lui, il songe à mettre fin à ses jours. Cependant, par une rencontre accidentelle dans le ministère, la trajectoire de chaque protagoniste va être liée à celle de l’autre. Tous deux vont alors commencer une sorte de quête qui se déroule dans les méandres de l’administration française avec pour compagnon un archiviste aveugle (Nicolas Marié).

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Dans Adieu les cons on retrouve évidemment quelques points récurrents du cinéma de Dupontel tels que des personnages marginaux dépassés par le fonctionnement d'une société qui semble absurde voire folle : la condition des sans domicile fixe dans Enfermé dehors, le système judiciaire dans 9 mois ferme ou l’absurdité et le chaos de la Première Guerre Mondiale dans Au revoir là-haut. Ici, c’est non-seulement la problématique de la « naissance sous X » (qui fait écho à Bernie) qui est approchée, mais aussi l’atmosphère kafkaïenne qui émane de l’administration à l’ère du numérique. Des millions de dossiers sont éparpillés dans des casiers qui s’étendent à perte de vue, tandis que des algorithmes relient toutes les informations essentielles concernant un individu. Le cinéaste ne cache pas son admiration pour Terry Gilliam et plus particulièrement pour Brazil dont la thématique est similaire : l’individu qui se perd dans une administration sans fin et aux relents totalitaires. À l’instar de Brazil, cette atmosphère oppressante s'exprime par l’environnement dans lequel les personnages se meuvent. L’uniformité des fonctionnaires, les bâtiments titanesques, la surveillance des individus…

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Réputé pour son humour déjanté, le cinéaste s'éloigne cependant quelque peu de certains aspects qui constituaient son style dès ses premiers films (violence outrancière, prises de vues chaotiques, personnages à la limite du cartoon) pour plutôt aller vers une sorte de Chaplin’s Touch : faire à la fois rire et pleurer. L’humour est à la fois un exutoire face à des sujets de société préoccupants mais il devient également un moyen de les souligner. Le cinéaste télescope ce qui est dit avec ce qui est montré. Ainsi dans cette composition, l’environnement urbain, les reflets sur des vitres ou les objets de décoration infirment ou confirment ce qui se déroule dans la trame. Cet humour virtuose n’enlève rien aux scènes plus dramatiques du film qui, par leur simplicité, donnent un caractère authentique aux différentes situations pour mieux toucher la sensibilité du spectateur. On saluera également la prestation des désormais « habitués » de l’univers de Dupontel (Nicolas Marié, Philipe Uchan, Michel Vuillermoz, Jackie Berroyer) dont on constate une véritable complicité tant les personnages sont drôles et paraissent vrais. À l’instar de Sandrine Kiberlain dans 9 mois ferme, c’est désormais Virginie Efira qui s’ajoute à la troupe. Souvent reléguée aux rôles de comédies et petits drames, elle s’est vu offrir dernièrement des rôles de composition (Le Grand Bain, Sybil) qui nous permettent de découvrir cette actrice à sa juste valeur.

On peut noter finalement qu’Adieu les cons arrive à point nommé compte tenu du contexte actuel. Dans une période de crise, bien des questions se posent quant au traçage des individus, de la filiation ou du fonctionnement de l’État. Dédié au regretté Terry Jones (membre des Monty Python mort en janvier 2020), le film nous rappelle également que malgré tous les dysfonctionnements de la société moderne (et de la tangente tragique qu’elle prend), il reste toujours quelques états de grâce : des sentiments simples tel que l’humour ou l’amour.

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Crédit Photographique : Copyright Jérôme Prébois – ADCB Films

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