Splitscreen-review Image de Typhoon de Pan Lei

Accueil > Cinéma > Typhoon

Typhoon

Publié par - 15 mars 2022

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Nous le savons, l’histoire du cinéma est majoritairement constituée de films que nous n’avons pas vus. De temps à autres et de différentes manières, il est possible de combler quelques manques par l’intermédiaire de rétrospectives, de festivals ou d’éditions vidéo. Encore faut-il que les distributeurs et les éditeurs jouent le jeu et prennent parfois quelques risques. C’est très exactement le cas avec cette édition de Typhoon réalisé par le Taïwanais Pan Lei chez Carlotta Films.

Pan Lei est un cinéaste méconnu et oublié des histoires du cinéma qui, pour l’essentiel, sont constituées par des historiens occidentaux. À décharge des rédacteurs, la distribution de films a souvent, au gré des modes, fait l’impasse sur des filmographies dès lors que l’on soupçonne qu’elles ne correspondent pas à un air du temps qui dicte ses lois. C’est sans aucun doute le regain d’intérêt pour le cinéma taïwanais motivé par la considération des œuvres de Hou Hsiao-hsien ou d’Edward Yang qui a incité quelques curieux à se pencher sur cette cinématographie singulière pour y découvrir des cinéastes comme Pan Lei.

Pan Lei est aussi méconnu parce que ses scénarios ou ses films antérieurs à Typhoon, film qui lui ouvrira la porte de la Shaw Brothers, s’inscrivent dans une logique représentative qui répond parfaitement aux impératifs fixés par le gouvernement chinois. Le cahier des charges prévaut et le cinéaste n’entre pas dans une logique qui permettrait à un auteur de se distinguer par un style particulier ou par la reconnaissance d’obsessions auscultées à travers un genre ou une catégorie de films.

Splitscreen-review Image de Typhoon de Pan Lei

Typhoon est un tournant. Typhoon est une œuvre au style structuré autour du principe de liberté. Principe qui agit d’ailleurs à plusieurs niveaux. D’abord la trame tourne autour de personnages qui ne ressemblent pas aux stéréotypes imposés par le cinéma officiel et, dans un second temps, Typhoon procède à une caractérisation des individus qui tente d’échapper au poids du cinéma officiel remis en question par les aspirations de la jeunesse taïwanaise de ce début des années 1960. Pour apprécier Typhoon, il est important d’imaginer combien le film prend de libertés avec les impératifs étatiques fixés pour contrôler la production cinématographique taïwanaise.

Typhoon affiche donc une liberté de ton qui contraste avec la production majoritaire qui, elle, répondait à la volonté de correspondre à l’idéal chinois de l’époque. Pour se singulariser de la production d’ensemble, Pan Lei n’hésite pas emprunter des voies qui appartiennent à un cinéma taïwanais qui était méprisé à l’époque :  tournage en noir et blanc, tournage en extérieurs, expression d’une certaine psychologie et, surtout, évocation ouvertement sensuelle du désir.

Splitscreen-review Image de Typhoon de Pan Lei

Le film repose donc sur des contrastes qui jouent autant sur l’esthétique du film (noir et blanc utilisé pour traduire la crudité des rues de Taipei ou pour vanter la beauté mythique d’Alishan) que sur la caractérisation des personnages. Les paysages d’Alishan traversés par le typhon sont une modélisation et une incarnation des questionnements qui dévorent les personnages. La nature dans laquelle se déroule la plus grande partie du film est, elle aussi, traversée d’idées contraires. Elle est à la fois un refuge, un espace de découverte de soi, une figuration des maux de chacun mais elle est aussi une figure de l’emprisonnement. Une fois réfugiés dans la station météorologique perdue dans les monts Alishan, l’espace qui se présente aux personnages devient protéiforme dans la mesure où la topographie des lieux miroite les interrogations et les doutes de chacun.

Le surgissement du typhon est, quant à lui, plus une matérialisation des sentiments et des pulsions qui gagnent les personnages qu’un élément climatique qui s’intègre aux péripéties. On notera que le typhon touche la région de l’action lorsque les protagonistes auront constaté qu’il faudra affronter les tourments qui les hantent. De plus, la pluie, dans sa soudaineté et sa violence, enferme les individus dans un processus introspectif qui nécessite la résolution de plusieurs équations pour définir quel sera le chemin que devra emprunter chacun pour évoluer.

Au-delà de ces aspects factuels, il faut surtout voir dans ces contrastes esthétiques ou narratifs la volonté d’affirmer l’importance d’une culture taïwanaise qui pourrait, Typhoon en témoigne, s’affranchir des standards imposés par le gouvernement chinois. Par ses digressions, Typhoon est un acte de rébellion ou une forme de résistance qui prouve que des principes, même assénés avec force, ne peuvent assujettir des individus à une idéologie ou à des principes qui diffèrent des préoccupations qui définissent une identité culturelle locale et la volonté d’être libre.

Splitscreen-review Image de Typhoon de Pan Lei

Crédit photographique : Copyright 2018 Taiwan Film and Audiovisuel Institute. Tous droits réservés.

SUPPLÉMENTS (EN HD*)

. PASSAGE DU TYPHON (26 min)
. TYPHON : TEMPÊTE SUR TAÏWAN (6 min)
. LA RESTAURATION
. BANDE-ANNONCE DE LA RESTAURATION

* en HD sur la version Blu-ray Disc™

Partager