Splitscreen-review Image de Les Harkis de Philippe Faucon

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Les Harkis

Publié par - 14 avril 2023

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Plusieurs mots viennent à l’esprit après la découverte du nouveau film de Philippe Faucon, Les Harkis. Il y a déjà l’évidence d’une sincérité et d’une honnêteté. Car le film échappe à toute forme de manichéisme. Le sujet du film est connu, le titre est explicite. Les Harkis, le film, s’attarde sur la fin de la guerre d’Algérie et plus particulièrement sur le moment où, l’issue du conflit ne faisant plus guère de doute, le sort des Algériens qui ont rejoint l’armée française devient de plus en plus indécis.

Fidèle à ses principes, Philippe Faucon ne cède jamais devant la puissance potentielle de l’artificialité de la reconstitution. Le principe filmique premier est simple. Philippe Faucon part du principe que nous connaissons globalement la fin de l’histoire : les Harkis qui parviendront à rejoindre la France (officiellement ou de manière clandestine) vivront un exil qui sera le vecteur d’une tragédie au long cours car les maux se transmettront aux générations suivantes. Le choix de ces soldats est improbable : partir (Mais pour quoi ? Pour où ? Comment ? Avec qui ?) ou rester en connaissant le sort qui leur sera réservé.

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Les Harkis insiste sur certains points historiques qu’il convient de considérer pour comprendre toute la complexité des conjectures sociales et historiques qui ont décidé de la destinée des supplétifs de l’armée française et de leurs familles. Des origines rurales, le plus souvent, l’incompréhension de la langue française, la pauvreté, entre autres, caractérisent le déterminisme qui agit en sourdine. L’adjonction des éléments historiques qui conditionnent le statut de ces hommes commande à l’histoire de chacun pour insister sur la tragédie collective à venir.

Mais l’histoire était écrite depuis le début, depuis 1954. Des hommes armés (soldats français) affrontent d’autres hommes armés (les indépendantistes algériens réunis principalement sous le nom de FLN). Au milieu, d’autres hommes (d’autres Algériens) sommés, d’une manière ou d’une autre, de rejoindre un camp. Certains, pour différentes raisons, des intérêts contraires, des vengeances, des croyances, des nécessités courantes, des contraintes, autant d’éléments qui œuvrent à annoncer une issue qui s’annonçait funeste, rejoindront l’armée française. Ce sont eux les Harkis. La guerre n’oppose plus deux camps bien distincts mais elle devient utérine.

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Le cynisme de la situation n’est pas éludé par le film de Faucon. Les Harkis savent qui ils sont, jusqu’à un certain point. Sont-ils dupes de ce que la France leur réserve ? Sans doute pas ou alors très peu d’entre eux le sont. Ils savent qu’ils comptent moins que les soldats français. Depuis toujours. Les interprètes du film sont d’ailleurs avares en paroles. L’absence de dialogue, de conversations sur l’avenir, sur leur statut ou autre constitue en soi la preuve que les Harkis savaient quelle serait l’issue à leur histoire. Ils savaient qu’il était trop tard.

À la sobriété du verbe répond la sobriété de la mise en scène. Philippe Faucon privilégie le plan fixe. Des valeurs de plan différentes bien sûr mais la caméra se nourrit de ce qui irrigue l’image : le mouvement des hommes dans l’espace, les collisions visuelles, les échos narratifs que l’agencement des séquences souligne. Ce qui palpite alors, ce sont les images intérieures, celles qui portent des idées que le spectateur assemblera et s’appropriera de manière plus ou moins consciente pendant le visionnage.

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L’image fixe devient alors le réceptacle de logiques contraires ou analogues. Un flux incessant d’éléments contradictoires. Ainsi le film fuit toute forme de jugement puisqu’il favorise l’extériorisation de truismes divergents. La sincérité et l’honnêteté évoquées se nichent sans doute ici, dans une intentionnalité filmique qui est avant tout guidée par le choix de la représentation et non celui de la reconstitution. L’observation ou l’étude, constituées de plans fixes, du traitement réservé aux Harkis contribuent à la justesse patente du propos filmique. Si Philippe Faucon a souvent filmé le quotidien de personnes issues d’une immigration aux raisons parfois diffuses (même si nous savons que l’exil n’est que rarement la manifestation d’une volonté migratoire), un traumatisme latent, sans être spécifiquement nommé, se manifestait en épousant différentes formes. Avec Les Harkis, il considère ici une des hypothèses probables sur l’origine de blessures impossibles à cicatriser qui renseignent sur la profondeur du traumatisme collectif enduré par les populations d’origine algérienne.

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Crédit photographique : Jacques Reboud copyright © Istiqlal Films

Suppléments :
Essais casting, effets et costumes (17')
Carnet de repérages (14')
Photos de plateau (4')

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