Splitscreen-review Image de JFK de Oliver Stone

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JFK

Publié par - 8 juin 2023

Catégorie(s): Cinéma, Séries TV / V.O.D., Sorties DVD/BR/Livres

Cela fera 60 ans le 22 novembre 2023 que le 35ème président des États-Unis, John Fitzgerald Kennedy, aura été assassiné à Dallas, Texas. Lorsque le cortège présidentiel est passé par la désormais célèbre Dealey Plaza, des coups de feu éclatent et Kennedy est mortellement blessé. La scène est filmée par un amateur, Abraham Zapruder, avec une caméra Super 8 chargée d’une pellicule couleur. 30 minutes après les faits, un homme, Lee Harvey Oswald, est arrêté dans un cinéma de la ville. Il est soupçonné d’avoir tué un policier. Très vite, Oswald est aussi considéré comme le suspect principal de l’assassinat du président. Deux jours plus tard, lors du transfert d’Oswald à la prison de Dallas, ce dernier est assassiné à son tour par Jack Ruby, un patron de night-club. Cette fois, la scène se déroule devant les caméras de télévision qui diffuse en direct la mise à mort de Lee Harvey Oswald.

Lyndon Johnson, devenu le nouveau président des États-Unis après avoir prêté serment dans Air Force One, l’avion qui ramenait le corps de JFK à Washington, ordonne la mise en place d’une commission chargée de clarifier la nature des événements. C’est la prise de fonction de la célèbre Commission Warren. Composée de 7 membres, parfois nommés en dépit du bon sens, on pense par exemple à Allen Dulles qui fut limogé de son poste de directeur de la CIA par Kennedy en novembre 1961, la commission rendra un rapport conséquent, par sa longueur, que la majorité des observateurs estime inepte.

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La Commission Warren

On sait combien cet événement, l’assassinat de JFK, pour différentes raisons, a eu de répercussions sur les enjeux politiques propres aux États-Unis ou à échelle mondiale sans parler des effets exercés sur la conscience américaine. Mais nous oublions trop souvent combien cet événement a modifié le plus durablement possible notre rapport à l’image. Ce qui change tout, c’est la diffusion des images extraites du film Super 8 réalisé par Abraham Zapruder. Oliver Stone, s’il revient en 2021 avec un documentaire (JFK – L’enquête) et une série documentaire en 4 épisodes (JFK – un destin trahi) pour prolonger les réflexions menées dans son film de fiction réalisé en 1991, c’est que les conclusions de l’enquête ne convainquent toujours pas et que cet état de fait agit encore sur l’Amérique.

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Stone n’abdique pas. Il revisite les documents au fil de leur révélation afin de vérifier, contrôler ce qui infirme ou ce qui confirme la version officielle. Stone insiste donc. Il réexamine, par la même occasion, son travail de cinéaste à partir de nouveaux éléments d’enquête révélés depuis 1991. Le cinéaste insiste aussi, sans doute, parce que l’accès à certaines pièces du dossier d’investigation a été retardé par l’administration Trump. Décision trouble. Il n’en fallait pas plus pour raviver les thèses les plus farfelues concernant le possible complot qui aurait abouti à l’assassinat de JFK. C’est d’ailleurs l’un des regrets formulés par Stone dans les suppléments de cette remarquable édition de JFK pensée par L’Atelier d’Images. Le cinéaste avoue que, justement, le flou entretenu autour des incohérences de l’enquête initiale (l’invraisemblance du rapport rédigé par la Commission Warren voire ses omissions et les délais de divulgation sans cesse repoussés attisent les braises de thèses complotistes diverses et variées), contribue à diluer dans le flux des théories saugrenues des pistes de réflexion sérieuses. Phénomène qui tend également à minimiser le véritable travail d’enquêteurs, de juristes, de journalistes ou même de Stone lui-même puisque ceux-ci sont classés au côté des complotistes. Or Stone explique, là encore dans les compléments, qu’il a imaginé sa fiction de 1991 et ses productions récentes comme un travail d’historien. C’est-à-dire que tous les films que le cinéaste a consacrés à l’assassinat de JFK ont pour mission de synthétiser ce qui a été délaissé par la version officielle. Les films de Stone partent et reposent sur des faits, des témoignages abandonnés, des falsifications de pièces écrites ou visuelles et des incohérences du rapport Warren que de nombreux observateurs ont pu relever. D’où l’aspect mosaïque de la fiction de 1991 et des documentaires de 2021.

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C’est d’ailleurs la première complexité rencontrée par le public de JFK, le film de 1991. Le spectateur est confronté à un flux d’images prélevées dans différentes sources : archives, photos, le film Super 8 de Zapruder, les reconstitutions imagées de Stone imaginée à partir de témoignages audios ou écrits. Cette diversité esthétique rejoint la complexité du dossier. C’est dit dans le film : pour trouver qui, il faut définir le pourquoi. Or la multiplicité des témoignages ou des preuves a tendance à révéler de nombreuses ramifications qui vont bien au-delà de la sphère simpliste de l’assassinat perpétré par un "extrémiste politique" nommé Lee Harvey Oswald.

Le documentaire et la série de Stone reprennent à leur compte une structure narrative presque identique à la fiction et ressemblent à des puzzles. Le public de la fiction de 1991 et celui des documentaires de 2021 se rejoignent au moins dans l’effort de synthèse que le cinéaste leur demande. Chaque spectateur, pour peu qu’il joue le jeu, est invité à devenir un enquêteur et chacun privilégiera une hypothèse plutôt qu’une autre en fonction de sa sensibilité ou de sa compréhension des faits. Pour ce qui est de JFK, la complexité du film se situe essentiellement dans le télescopage temporel que convoquent les principes moraux qui guident le travail de Jim Garrison (Kevin Costner) et son équipe, respectés par les attitudes et surtout le jeu des comédiens, volontairement classiques, et une mise en forme traversée de préoccupations esthétiques plus contemporaines à la réalisation du film. JFK témoigne de la rupture qu’a inévitablement provoqué l’assassinat de Kennedy sur l’échiquier politique national ou international mais aussi de bouleversements stylistiques qui vont s’implanter dans le cinéma à la fin des années 1980 et au début des années 1990.

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Mais les deux films et la série de Stone consacrés à l’assassinat de Kennedy évoquent aussi, par effet concentrique, les modifications qui vont œuvrer dans la représentation plastique de la violence à l’écran. En deux jours, du 22 novembre au 24 novembre 1963, et en deux meurtres, nous sommes passés du Super 8 à l’image télévisuelle. Du film privé, le Super 8, à l’image universelle, la retransmission TV. Le public américain d’abord (avant que les télévisions du monde entier ne diffusent en différé les images) va faire l’expérience d’une mort réelle à l’écran. Le phénomène de représentation de la violence (celui défini par le cinéma) vient d’être aboli au profit d’une image sans filtre, sans recul et sans réflexion. L’ultime manifestation de ce processus connaîtra son paroxysme en septembre 2001 lors des actes terroristes commis contre le World Trade Center, le Pentagone et par l’attentat déjoué grâce aux passagers du vol 93 de United Airlines qui s’est écrasé en Pennsylvanie. Pour en revenir à JFK, le cinéma, sorte de catalyseur pour Stone, ne sera plus le même. Et Stone le sait si bien qu’il applique à ses films des processus de modification de texture qui transforment la nature même de l’image filmique. Le cinéaste reprend à son compte la chronologie historique de diffusion des images de l’assassinat de JFK. Les images, d’abord fixes, des photogrammes extraits du film d’Abraham Zapruder seront diffusés, par le magazine Life à peine un an après l’assassinat de JFK à Dallas. Bien sûr, les photogrammes en question seront les plus spectaculaires, les plus morbides, les plus violents, les plus insoutenables du film de Zapruder, ce seront ceux qui exposent aux yeux de l’Amérique entière le crâne d’un président tué par balles dans l’exercice de ses fonctions par un ou plusieurs tueurs.

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À partir de là, le cinéma changera, Stone le sait et ses films s’en font l’écho. L’hémoglobine envahira les écrans et nombre de films de fiction traiteront d’assassinats politiques ou de complots qui visent à déstabiliser l’état américain donc à attaquer la démocratie américaine. En 26 secondes, la durée du film de Zapruder, l’Amérique, le monde et le cinéma auront été changés irrémédiablement et définitivement. Peu d’événements, en dehors des guerres, auront eu une incidence aussi certaine sur la conscience universelle. Nul doute, lorsqu’on observe l’évolution du cinéma américain à partir de 1963, que l’assassinat de JFK a influencé et même conditionné l’imaginaire des civilisations occidentales. D’un point de vue cinématographique, les conséquences seront gigantesques. Le coffret JFK de L’Atelier d’Images nous aide à le mesurer. Après lecture de cette remarquable édition, il est évident que le travail filmique d’Oliver Stone, la fiction JFK (1991), le documentaire JFK – l’enquête (2021) et la série JFK, un destin trahi (2021), constituent une somme de documents qui questionne autant un événement historique qu’elle traduit la révolution du regard qui a résulté de l’exposition de cet événement. Ce qui est beaucoup.

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Crédit photographique : © 1991 Warner Bros. et Copyright L'atelier d'Images

SUPPLÉMENTS EXCLUSIFS ET INÉDITS :

Scènes additionnelles (54 minutes)
Interview exclusive d’Oliver Stone (2022) (16 min)
Masterclass d’Oliver Stone au Festival du film américain de Deauville (2021) (38 min)
À propos du film par Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma (24 min)
Bande-annonce d’époque

CONTENU EXCLUSIF À L’ÉDITION CULTE :

JFK, un destin trahi (la série)
Livret photos de 28 pages. Inclus un texte inédit de Samuel Blumenfeld, journaliste au Monde et historien du cinéma.

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