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Venice Immersive 2025

Publié par - 23 septembre 2025

Catégorie(s): Cinéma, Expositions / Festivals

Plongée dans « Venice Immersive » 

L’édition 2025 de Venice Immersive a présenté 30 projets en compétition et offert un programme riche aux professionnels du cinéma sur l’île du Lazzaretto Vecchio, un lieu superbement équipé pour accueillir le programme VI de cette sélection créée en 2017 (à l’exception de deux éditions en ligne en 2020 et 2021). En complément, une section Hors Compétition était proposée regroupant les sélections Best of Experiences et Best of Worlds ainsi que cinq projets développés dans le cadre de la Biennale College Cinema – Immersive. La Mostra de Venise a été le premier festival de catégorie A à proposer une véritable compétition consacrée aux projets immersifs et elle décerne aujourd’hui trois Lions : le Grand Prix, le Prix Spécial du Jury et le Prix de la Réalisation.

Excursions artistiques
L’exquise sélection réalisée par les curateurs Liz Rosenthal et Michel Reilhac comprenait plusieurs projets abordant le monde des arts. Parmi eux, un projet consacré aux peintures de l’artiste lituanien Mikalojus Čiurlionis, Creation of the Worlds de Kristina Buožytė et Vitalijus Žukas qui prolonge leur projet présenté en 2018, Trail of Angels. Un autre projet concernait le peintre Henri Matisse et le thème de la danse, si présent dans son œuvre, projet qui comprenait également une fresque murale pour inclure dans la réflexion l’espace architectural et ses contraintes dans une pièce finement recherchée et signée par Agnès Molia et Gordon : Danse Danse Danse – Matisse (France).

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Danse Danse Danse – Matisse de Agnès Molia et Gordon

L’art de la danse est également au cœur d’un projet immersif combiné avec la performance : L’Ombre de Blanca Li et Edith Canat de Chizy (France, Taipei), qui nous plonge dans l’univers de danseurs à la fois présents en chair et projetés, brouillant ainsi notre perception du réel et de l’imaginaire. L’univers de l’opéra nous est ouvert avec La magie d’opéra (France, Taipei) de Jonathan Astruc, une traversée imaginaire de l’Opéra Garnier guidée par la chanteuse Celeste, qui nous accompagne à travers ses performances. Il s’agit d’un projet idéal pour initier de nouveaux publics à l’opéra. Enfin, une véritable découverte autour des rêves architecturaux d’un maître des effets spéciaux : un projet consacré à Carlo Rambaldi (1925-2012), créateur SFX visionnaire surtout connu pour le personnage de E.T. et lauréat de trois Oscars des effets visuels pour King Kong (1976), Alien (1979) et E.T. (1982). Dans ses peintures rarement montrées, il repoussait les limites des mondes cinématographiques à travers des conceptions spatiales uniques. Le projet, intitulé Alien Perspective (États-Unis, Italie), a été réalisé par Jung ah Suh et la petite-fille du maître, l’actrice Cristina Rambaldi.

Dans la même veine thématique – la danse – s’inscrit On the Other Earth de Wayne McGregor (Royaume-Uni), présenté non seulement hors compétition mais aussi hors de la petite île du Lazzaretto, dans la Sala d’Armi de l’Arsenale. Le projet nécessite un écran LED stéréoscopique à 360 degrés pour projeter des images panoramiques en 3D, tandis que le spectateur se trouve au centre d’un espace cylindrique de huit mètres de diamètre. L’installation s’inspire de Deepstaria, une œuvre scénique de McGregor créée à Montpellier en 2024, avec les mêmes deux duos de danseurs présents dans la projection. L’expérience décompose le panorama qui entoure le spectateur en parties souvent asymétriques et déséquilibrées, jouant avec notre position dans un monde mouvant qui passe d’un vide noir à des paysages urbains, déformant et développant notre environnement. McGregor combine performance dansée, chorégraphie, imagerie numérique, intelligence artificielle et interactivité pour nous faire réfléchir au mouvement, à la corporalité et à la performance.

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La fille qui s’explose de Caroline Poggi et Jonathan Vinel

Voyages mentaux
Souvent, les projets en réalité virtuelle permettent aux participants d’explorer des états mentaux ou médicaux que nous ne vivrions pas nécessairement dans le monde réel — par exemple, des expériences de coma, d’assistance à mourir ou de dépression. Ce thème a constitué un axe important de la sélection de cette année aussi, avec plusieurs projets centrés sur la santé mentale, notamment chez les jeunes adultes et les enfants. On y retrouvait If you See a Cat (Japon) d’Atsushi Wada ; Mirage (Arabie saoudite) de Naima Karim et Aleena Hanif  et La fille qui s’explose de Caroline Poggi et Jonathan Vinel (France, Grèce).

If you See a Cat est une histoire animée et dessinée à la main racontant l’histoire d’un garçon incapable de faire face à la perte de son chat. Il est admis à l’hôpital psychiatrique en raison des hallucinations récurrentes de son animal bien-aimé qui inquiètent sa mère. Les visions du garçon sont médicalement supprimées mais cela ne constitue pas une solution durable. Ce n’est que lorsqu’il rentre chez lui qu’il trouve un soulagement grâce à ses amis. Ni narrativement convaincant, ni visuellement stimulant, ce projet s’est révélé être une expérience moins innovante.

Ce n’est pas le cas de La fille qui s’explose qui met en scène Candice, une jeune fille qui explose chaque jour. Son environnement ainsi que Candice elle-même sont dessinés de manière expressive, formant un spectacle haut en couleurs qui dépeint la colère incontrôlable de la jeune fille face au monde qui l’entoure.

Mirage, en revanche, nous a moins emporté : il s’agit de l’histoire d’une mère incapable de comprendre la dépression de sa fille. Une œuvre trop intime et trop centrée sur la perte vécue par la mère et l’incompréhension ressentie par la fille. Et ce, malgré l’utilisation du suivi des mains (hand-tracking), qui permet aux participants d’apporter un soutien virtuel à la jeune fille.

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A Long Goodbye de Kate Voet et Victor Maes

Faire face à la mort
Un autre type de voyage mental concerne les adultes confrontés à une perte, quelle qu’elle soit. Le projet magnifiquement dessiné à la main A Long Goodbye (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) de Kate Voet et Victor Maes évoque la démence. Ida, une ancienne pianiste de 72 ans, en est atteinte. Son mari Daniel s’occupe d’elle et il enregistre des cassettes et prend des notes dans l’espoir de raviver certains souvenirs communs ; mais lui-même est en train de mourir. Il crée ainsi une mémoire pour elle et de lui-même. Son monde reprend vie peu à peu à mesure qu’il se peint sous nos yeux ; il se reconstitue si complètement qu’Ida ne se rend même pas compte du décès de son mari.

Dans 8 pm and the Cat (Corée du Sud), Minhyuk Che aborde la perte d’un être aimé et l’attente, chaque soir, de son retour à la même heure. Nous sommes entraînés dans le monde intérieur de cet homme qui parle d’elle et lui parle directement. Cette stratégie de gestion du deuil se retrouve aussi dans le projet lauréat du prix principal, The Clouds are Two Thousand Metres Up (Taipei, Allemagne) de Singing Chen. Après la mort tragique de sa femme, une romancière, Guan est totalement perdu. Il retrouve un roman inachevé, inspiré du mythe du léopard nébuleux et des origines sacrées de sa famille. Il entreprend alors un voyage dans les montagnes et le spectateur peut l’accompagner dans cet espace mystérieux guidé par les écrits de sa femme. Le récit s’inspire d’une nouvelle de l’auteur taïwanais Wu Ming-yi, construite comme un conte. Le projet utilise la technique de « Gaussian splatting » pour créer un univers extrêmement détaillé — montagnes, forêts, intérieurs — que Guan nous fait explorer afin de découvrir la partie de la vie de sa femme qui avait inspiré son livre. Le spectateur y évolue librement.

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The Clouds are Two Thousand Metres Up de Singing Chen

Un autre récit de deuil est proposé par Négar Motevalymeidanshah dans Less Than 5 gr of Saffran (France), un projet court et profondément émouvant. Une jeune immigrée iranienne tente de s’adapter à sa nouvelle vie en Europe. Elle achète un sachet de safran dont l’odeur lui rappelle son pays. Mais ce parfum ravive aussi le souvenir de son départ traumatisant, lorsqu’elle a vu sa famille se noyer en tentant de traverser la mer à bord d’un bateau de migrants.

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Less Than 5 gr of Saffran de Négar Motevalymeidanshah

Expériences singulières
Le programme comprenait plusieurs projets uniques et impressionnants, proposant des approches innovantes de leurs sujets. Heartbeat (France) de Bonnie Lisbon est un projet très simple mais extrêmement efficace. Il s’agit d’une performance immersive pour deux participants, qui, grâce à un capteur attaché au poignet, explorent les connexions humaines à travers les battements du cœur, visualisés sous forme de pulsations colorées sur un rideau. Créatif, ludique et facile à installer dans n’importe quel espace artistique ou créatif.

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Heartbeat de Bonnie Lisbon

La triste histoire de la petite souris qui voulait absolument devenir quelqu’un (France, Allemagne, Belgique) de Nicolas Bourniquel est une installation en réalité virtuelle qui nous plonge dans l’univers d’une petite souris rêvant de devenir importante. La souris crée des gadgets mais se sent négligée. Elle finit par travailler pour nul autre que le Père Noël, devenant sa meilleure ouvrière, tout en essayant sans cesse d’introduire des éléments de créativité dans l’exécution mécanique des tâches — au grand dam du Père Noël, qui souhaite un travailleur petit, simple et obéissant, sans initiative créative. Une histoire qui fonctionnerait tout aussi bien en film d’animation et qui, bien sûr, ne parle pas seulement de souris.

D’un tout autre registre est Blur (Canada, Taipei, Grèce) de Craig Quintero et Phoebe Greenberg. C’est une installation accompagnée d’une performance en direct, strictement encadrée par des assistants qui nous introduisent et nous guident à travers un monde virtuel centré sur la science. Ce parcours à travers différentes salles — du laboratoire à la chambre d’observation — explore un état liminal entre la vie et la mort, permettant aux participants de faire face aux dangers et aux promesses du progrès scientifique. Toutefois, la narration fragmentée affaiblit le projet par rapport à The Clouds..., bien que visuellement et en termes d’expérience mobile, il soit plus complexe.

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Blur de Craig Quintero et Phoebe Greenberg

Les Prix de VENICE IMMERSIVE

Le jury de VENICE IMMERSIVE était présidé par Eliza McNitt et comprenait Gwenael François et Boris Labbé.

GRAND PRIX : The Clouds are Two Thousand Meters up de Singing Chen (Taipei, Allemagne)

Prix Spécial du Jury : Less Than 5 gr of Saffran de Négar Motevalymeidanshah (France)

Prix de la Réalisation : A Long Goodbye de Kate Voet et Victor Maes (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas)

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