Splitscreen-review Image du Procès de Jeanne d'Arc de Robert Bresson

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Procès de Jeanne d'Arc - Potemkine Films

Publié par - 16 avril 2019

Catégorie(s): Cinéma, Sorties DVD/BR/Livres

Procès de Jeanne d’Arc est une œuvre qui peut, en fonction du comportement du spectateur, déconcerter. C’est que Robert Bresson, avec ce film, met en place une dialectique qui est finalement le matériau principal du film. Dans Procès de Jeanne d’Arc, il est essentiel de comprendre que le film repose sur un texte (splendide) constitué des véritables minutes du procès de Jeanne d’Arc. Le film respecte la chronologie historique : sa dramaturgie débute avec les premières audiences du procès pour se clore après le supplice final. En suivant au plus près les minutes authentiques de la procédure, Procès de Jeanne d’Arc se plaît à mettre en valeur un verbe inévitablement extirpé de son contexte historique (le procès s’est déroulé du 9 janvier 1431 au 30 mai 1431 date de l'exécution de Jeanne d'Arc) pour l’introduire dans une époque dite de la modernité cinématographique (1962).

Splitscreen-review Image du Procès de Jeanne d'Arc de Robert Bresson

 

Le terme de dialectique s’accommode parfaitement du traitement réservé au débat qui s’instaure dans le Procès entre le mot et l’image. Nous le savons, Bresson s’est évertué tout au long de sa carrière à filmer ce qui, a priori, ne pouvait l’être. Bresson est l’un des grands cinéastes de l’invisible, de l’indicible ou de l’infilmable au sens spectaculaire du terme. Avec Procès de Jeanne d’Arc, Bresson filme la complexité d’un rapport abstrait entre le texte (parce qu’immatériel) et le prolongement concret de celui-ci que permet l’image. Pour Bresson, l’image n’est pas une idée, elle est un support qui rend tangible l'idée.

Procès de Jeanne d’Arc se propose donc, à sa manière, de matérialiser ce qui relève d’une forme d’abstraction. Si dans quelques films déjà évoqués sur ce site il était question de donner corps à l’âme humaine par l’intermédiaire de la vision, de l’image ou d’une épaisseur temporelle, avec Procès de Jeanne d’Arc, il s'agit d’observer comment un texte qui reflète une pensée, un esprit ou une vision du monde peut se prolonger et s’incarner dans une réalité que l’image filmique rend palpable.

Bresson réussit à faire de son film autant une hypothèse théorique (rapport texte/image) qu’une mise en évidence de la spiritualité qui émanait de Jeanne d’Arc (les réponses aux questions produites lors du procès).

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L’image n’est surtout pas ici à opposer au texte, elle s'associe aux propos tenus par Jeanne d’Arc. Le film est alors, au sens étymologique du terme, métaphysique puisqu’il est l’outil utilisé pour étudier la beauté des paroles prononcées par la jeune femme lors du procès. La sublime simplicité des mots que Jeanne formule traduit ce qui ne peut se partager, ce qui ne peut se comprendre. Bresson minimalise le jeu d’acteur et l’image au point finalement de nous permettre d’éprouver l’étendue des certitudes de Jeanne d’Arc. L’image du film mesure la grandeur et la profondeur de la conviction qui transparaît derrière chaque syllabe prononcée par Jeanne d’Arc.

La théâtralité que le procès filmé induit automatiquement est ici gommé par le non-jeu des comédiens. Ce qui se déploie avec gravité dans le film de Bresson, c’est la pureté d’une pensée activée, développée et exposée par l’image. Décider de se concentrer sur ce qui reflète le plus la pensée de Jeanne d’Arc exonère par ailleurs Bresson d’une fastidieuse reconstitution qui aurait dilué la parole dans un spectacle que le cinéaste exècre. Avouons que, devant la beauté des propos tenus par la jeune femme, cela aurait été superflu. Pire, cela aurait nuit à la prosodie méditative que Bresson a su distinguer dans chaque phrase prononcée par Jeanne d'Arc.

Splitscreen-review Image du Procès de Jeanne d'Arc de Robert Bresson

 

La qualité éditoriale du Procès de Jeanne d’Arc est à noter. Potemkine Films s’est conformé à l’esprit bressonien du film. L’image du Blu-ray est remarquable et les compléments proposés sont au diapason d’un film magistral.

D’abord, il faut regarder impérativement l'extrait d’un entretien accordé par Robert Bresson. Cela permet de cerner la pensée du cinéaste qui s'exprime de manière synthétique afin de circonscrire ses intentions filmiques.

Trois intervenants se partagent le reste des suppléments. Les trois modules sont d’une indiscutable richesse. Florence Delay (30'), l'actrice principale du film, revient en détail sur sa rencontre avec Robert Bresson et le travail qui lui fut demandé lors du tournage.

Hervé Dumont, historien du cinéma et ancien directeur de la Cinémathèque suisse, s'exprime lui aussi de manière conséquente dans un module de 34'. Hervé Dumont résume tout d'abord, selon un axe chronologique, les événements qui ont jalonné la vie de Jeanne d'Arc jusqu'à son exécution en mai 1431. Puis, l'historien se penche sur les nombreuses et différentes versions biographiques du personnage qui peuplent l'histoire du cinéma pour en dégager quelques unes plus ou moins marquantes qualitativement ou en fonction de leur contexte d'émergence. Pour clore cet excellent complément, Hervé Dumont expose brièvement les caractéristiques filmiques et les thématiques bressoniennes présentes dans Procès de Jeanne d'Arc.

Enfin, Olivier Assayas, pendant 17', pointe quelques traits singuliers du film qui coïncident avec les minutes du procès original. Le cinéaste souligne la beauté du texte qui peut se rapprocher, c'est le cas avec le traitement que lui réserve Bresson, d'une sorte de scansion afin de construire une poétique inédite autour du personnage de Jeanne d'Arc. 

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Crédit photographique : ©MK2

Suppléments :
- Interview de Robert Bresson par Mario Beunat (extrait de "Page Cinéma" - 1962) (5')
- Interview de Florence Delay (2019) (30')
- Interview d'Hervé Dumont, historien du cinéma et ancien directeur de la Cinémathèque suisse (34')
- Interview d'Olivier Assayas (17')
- Module avant/après la restauration du film (2')

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