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Hall 1 Fagor

Publié par - 6 novembre 2019

Catégorie(s): Expositions / Festivals

En 2019, des artistes sont invités par sept curateurs du Palais de Tokyo à Paris, ils sont cinquante cinq. Cinquante cinq qui viennent et investissent un lieu seulement vide en apparence. Il leur a suffit d’arpenter les lieux, quatre immenses halles et de regarder avec attention autour d’eux, et les traces étaient bien là. Des hommes et des femmes ont travaillé. Des traces sont encore visibles. Au sol des marquages de peinture, des restes de cabines, parfois des fosses. En l’air un palan, du mobilier de bureau, de rangement entreposé sur des coursives. Des mots aussi sont restés, comme “presse” avec un numéro et aussi des graffitis sur les murs à l’intérieur et à l’extérieur, surtout depuis la désaffectation de l’usine Fagor en 2015.

Les artistes sont entrés et ont laissé temporairement leur vision du monde. Certains ont dû penser au travail des opérateurs sur les chaînes d’assemblage. Leur vision du monde à eux, les exécutants, on ne la connaît presque pas ou si peu. Ils en avaient une ou plusieurs, mais ils n’étaient pas là pour ça, et puis on ne leur a pas demandé. Une logique économique les a poussés à produire et c’était suffisant. Eux les artistes sont conviés, ils viennent du monde entier, sont plutôt méconnus, plutôt jeunes. Ils sont cinquante cinq et il y a près de 29 000 mètres carrés à occuper, à remplir. Une sacrée gageure.

Le visiteur, lui, découvre, déambule au gré de ses envies et surtout de sa disponibilité du moment. Il viendra une seule fois ou plusieurs, reviendra sur ses pas pour vérifier, se laisser surprendre, s’émouvoir ou s’irriter. Répétons près de 29 000 mètres carrés à occuper. Vraiment un défi. C’est que dès l’entrée, le volume interpelle, un sacré vide entre la librairie et le Café des Usines. Puis dans le hall 1, là où la hauteur avoisine les 13 mètres, le regard se perd d’un seul coup, c’est qu’il a du mal à envelopper. Le visiteur ne sait où se placer. Alors après un temps de surprise, il avance. Pourtant il va choisir un point de vue, un endroit où s’arrêter.

Ces endroits, ceux du confort visuel ne sont pas absents, il suffit pour cela de repérer les banquettes et de s’asseoir. Ce point de vue fortement indiqué est confortable. Et puis c’est plus agréable de regarder, surtout quand il s’agit d’une vidéo avec trois grands écrans qui diffusent des images comme dans l’œuvre de Eva L’Hoest intitulée Shitsukan of Objects. Les écrans créent une légère courbe rentrante et nous juste en face, à la bonne distance. Ouf ! Soulagés, on est.

Alors pour les autres, me direz-vous ? Les moins confortables ? Et bien, ils sont légion et tant mieux ! C’est au visiteur de choisir. Et puis il n’est pas seul, il a des aides : les cartels, l’audio-guide ou les visites guidées par les médiateurs. N’empêche qu’à un moment, il lui faudra sélectionner et dire ce qu’il a aimé ou pas. Donc se placer : bien ou mieux de manière à aborder l’exposition comme un paysage puisque répétons-le, il s’agit du thème principal de cette Biennale. Aborder les paysages à la manière de l’auteur et réalisateur Jean-Loïc Portron qui a réalisé entre 1992 et 2000 pour la chaîne Arte, 16 des 19 émissions au titre éponyme. Il y était question de lecture de paysages à partir d’une photo en faisant une description par plans, puis à l’aide de travaux en sciences sociales (d’historiens, de sociologues, de géographes, de statisticiens, de témoignages d’habitants…) de montrer les transformations d’une société à travers un lieu. Le documentaire analytique n’interdisait pas la prospection, les projections dans le futur. En ne retenant que la partie descriptive de cette méthode, quelques points de vue singuliers dans les usines Fagor attirent davantage notre attention.

En bon élève de Jean-Loïc Portron, une photo de paysage est souvent constituée de trois plans : un premier, un deuxième et un arrière-plan. L’arrière-plan est essentiel, il bloque la vue par sa relative neutralité, non pas qu’il n’ait rien à signifier, mais parce que plastiquement il est lisible, facilement descriptible en quelques mots. Le deuxième plan doit attirer l’œil, il doit se faire remarquer, à la rigueur fanfaronner, mais sans jamais« voler la vedette » au premier. C’est qu’il s’agit d’obtenir un étagement. Trois degrés que le regard descend, du fond vers le devant. Le coin du hall 1 répond à ce schéma ternaire et apporte un confort visuel sans avoir recours à une nouvelle banquette… Cependant, et c’est ce qui fait sa singularité, il sera demandé au regardeur de se déplacer de long en large du premier plan, enfin plutôt de le longer, quelques incursions à travers sont toujours possibles, mais le clou de l’installation consiste à en suivre les courbes. À répéter si besoin est la manœuvre jusqu’à s’en fatiguer, à arpenter ces quelques dizaines de mètres linéaires qui s’offrent à notre regard. Puis à aller voir ailleurs dans l’exposition d’autres artistes, puis à revenir, avec le sentiment de ne pas avoir tout bien perçu, tout bien identifié et tout bien compris. Au final, d’avoir manqué quelque chose, une chose qui résistait encore à notre lecture-compréhension de l’œuvre, mais est-ce si grave ?

Dans certaines vidéos, l’artiste sud-africain Simphiwe Ndzube arpente les marchés de sa ville natale Masiphumelele près du Cap, c’est un township. Il n’a pas connu l’apartheid, presque trentenaire, mais il a lu, fréquenté la bibliothèque locale. Sur les marchés, il achète des vêtements colorés d’occasion et dit qu’ils iront bien, surtout avec des parapluies et des gants. C’est plein de couleurs.

Dans le coin du hall 1, c’est un long ruban qui serpente. C’est encore gai, on retrouve les gants en caoutchouc de couleurs vives emmanchés et tenus par des morceaux de tissu sur de longues branches grises, d’un gris cendreux, celui qui a vécu, vieilli par le temps, suffisamment coriace et récalcitrant pour ne pas carboniser. Un gris qui se patine surtout parce que les choses semblent toujours recommencer et se terminer pareil. C’est presque cadavérique ce serpentin, le bois n’est qu’une branche, fragile donc, mais fixée à d’autres, ça tient le coup et ça peut avancer, même clopin-clopant. Il y a de l’entraide, jusqu’à cinq et même six morceaux sont assemblés. N’oublions pas des bottes pour avancer, noires, et les parapluies eux sont ouverts et colorés. Comme une fête parce que qu’il y a toujours un fort élan dans ces mouvements humains. La révolte ici est générique. Ce ruban sinueux se fait porte-parole des autres révoltes, les anciennes et locales, comme nous l’apprend le cartel, celles des canuts de 1831 et 1834 à Lyon, et plus proches de notre époque, celles du pays dont est issu l’artiste. Ce sont les fossoyeurs, ceux qui mettent fin aux révoltes. Les exploités sont à gauche, un groupe de dix personnes, aux pieds difformes et avec quatre orteils, au dos courbé, le ventre proéminent, mais aux mains indemnes, lisses, porteuses de pelles, d’un balai ou d’un seau. C’est le groupe des dominés, celui que l’artiste appelle les personnes spirituelles. Localisé par une étendue de sable, ce groupe répond au monticule terminal de la sarabande. Les mannequins ont tous une tête recouverte par une chevelure noire, sans visage. Aucune expression donc, mais des gestes qui parlent pour eux. Perchée sur le sable, une barque colorée repose avec deux personnes, corps amputés de leurs pieds et d’une main, celle qui tient un parapluie ouvert et ouvragé par des morceaux de tissus. Un ajout qu’on retrouve sur les habits des dix personnages, une pièce rapportée comme une greffe trop visible ou rejetée.

Quand on contourne l’installation, on se demande la signification d’un mannequin la tête en bas, intercalé entre les fossoyeurs et le groupe de dix, et puis au début celle d’un tableau-habits, intitulé In the Land of the Blind, The one Eyed Man is King ? C’est pourquoi on y retourne. Le tableau est placé sur une longue surface d’une hauteur de quatre ballots de cartons empilés et ficelés. L’œuvre, Goods, Acceleration, Package, express, Convenience, Regeneration, PAPREC Group est constituée de cartons recyclés par l’usine Paprec qui a travaillé avec l’artiste Chou Yu-Cheng. Elle lui a livré cet empilement tel quel qui va du sol au plafond. À angle droit, une grande baie vitrée est travaillée par l’artiste Dale Harding. Son œuvre intitulée Site Surveys/International Standard, consiste à recouvrir de pigments ocres le haut de la verrière, jaunâtres pour la troisième rangée. La deuxième demeure translucide, comme une vitre mal nettoyée, alors que la plus basse est propre et laisse percevoir une bande de gazon à l’extérieur.

En fonction du point de vue choisi, le deuxième plan peut masquer le coin du hall 1. C’est une grande structure blanche, gonflable de Léonard Martin, La Mêlée. Le cartel cite comme références les peintures de la Renaissance de Paolo Uccello et les marionnettes des carnavals. On peut passer sous les jambes des chevaux, multiplier les points de vue, tourner autour. Coincé entre l’arrière plan aux tonalités toutes unies, sa blancheur détonne sur le paysage, elle attire irrémédiablement le regard, alors qu’au premier plan l’œuvre de Simphiwe Ndzube, Journey to Asazi impose elle un déplacement tout en courbes et dans la longueur. Notre regard en accepte le déroulé, contraint qu’il est par la force plastique et la dimension idéologique de l’œuvre. Et il ne s’en lasse pas.

Plein tarif : 16€

Pack Entrée + visite ou audioguide : à partir de 17€
Billet-Brunch* : Entrée + Brunch du dimanche aux Usines Fagor : 30€ | 26€ (Pour les moins de 26 ans)

*Tarif spécial accessible uniquement en prévente en ligne ou au 04 27 46 65 65 (du mar. au dim. de 10h à 15h).
Tarif Réduit : 9€
Pack Entrée + visite ou audioguide : à partir de 13€
Sur présentation d’un justificatif : Moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, carte famille nombreuse, enseignants et professeurs des écoles, professeurs en école des beaux-arts et d’architecture, accompagnateurs de PSH, professionnels du secteur culturel, les soirs de nocturne à partir de 18h.

Gratuité
Sur présentation d’un justificatif : Moins de 15 ans, détenteurs du PASS’REGION, étudiants en formation diplômante de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, étudiants des écoles d’arts, d’arts appliqués, d’architecture suivant des cursus diplômant, bénéficiaires du RSA, carte MAPRA et maison des artistes, carte ICOM et IBA, LYON CITY CARD, personnes en situation de handicap.

Pass permanent illimité
Pass permanent nominatif qui permet un accès illimité aux Usines Fagor, au macLYON et à l’IAC, Villeurbanne du 18 sept. 2019 au 05 janv. 2020.
Pass simple : 25€
Pass duo : 40€ (Valable pour 2 personnes)
Pass jeune : 16€ (moins de 26 ans)

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