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Fagor et autres lieux
Publié par Gilbert Babolat - 15 novembre 2019
Catégorie(s): Expositions / Festivals
Le titre de la Biennale 2019, Là où les eaux se mêlent nous a amenés à nous interroger sur la notion de paysage. Un paysage envisagé comme la résultante d’apports aussi divers que les nouvelles technologies, le monde végétal ou l’histoire des hommes. Trois éléments en avaient découlé. Le premier concerne la définition même du mot, une définition basique a été proposée : le paysage comme point depuis lequel un visiteur perçoit et reçoit une œuvre. Le deuxième élément concernait la possibilité d’un dialogue entre les œuvres. Le dernier questionnait l’utilisation des surfaces d’exposition par les curateurs et a fortiori des volumes, surtout quand ceux-ci sont très conséquents, comme dans les usines Fagor. Un certain nombre d’œuvres avaient été alors sélectionnées parce que susceptibles de faire varier les points de vue du visiteur.
Dans les usines Fagor, le fond du hall 1, une lecture à plan ternaire a été proposée pour les œuvres de quatre artistes : Dale Harding, Chou Yu-Cheng, Léonard Martin et Simphiwe Ndzube. Dans le hall 2, à titre d’exemple, un paysage unitaire pour Pamela Rosenkranz, binaire pour le hall suivant avec les œuvres de Sam Keogh et Holly Hendry. Enfin un point de vue en plongée depuis l’installation de Yona Lee sur trois œuvres de Pannaphan Yodmanee, Menghzi Zheng et Petrit Halilaj. Ce hall 4 est intéressant à trois titres, il est un lieu de convergence entre point de vue particulier, utilisation pertinente de grands volumes et dialogue entre certaines œuvres.
Ce sont quatre points de vue extérieurs sur des paysages. Le visiteur se tient à distance des œuvres. Si faible soit cette mise à distance, elle demeure le mode de lecture proposé. Même s’il a été nécessaire de pénétrer dans les deux séries de tuyaux en ciment de Pannaphan Yodmanee afin d’en connaître le contenu, c’est le point de vue final qui importait depuis l’installation toute en hauteur de Yona Lee, Quarterly, ce point-là et pas ailleurs. Cette mise à distance importante et volontaire dans le cas de cette installation est très réduite ailleurs. Le visiteur est tenu à distance par le “défense de toucher ou de franchir” matérialisé par un marquage au sol chez Pamela Rosenkranz ou par un dispositif artistique, les surfaces de sable chez Simphiwe Dzube. Il s’agit évidemment de protéger l’œuvre des dégradations involontaires ou pas, surtout pour les plus fragiles. Plus rares sont les œuvres qui amènent le visiteur à être en contact direct avec le travail, dans le sens que ce contact est voulu par l’artiste comme dans l’appartement épuré de tout objet superflu de Yona Lee dans le hall 4. On peut s’asseoir sur un banc, une chaise, voire utiliser l’un des deux lits. Si bien que Là où les eaux se mêlent amène aussi à envisager le paysage comme une immersion depuis un point de vue intérieur, à entrer dans un paysage. Si on tient compte de la question du traitement des volumes qui s’est posée dès l’entrée dans le hall 1 des usines Fagor, on recherchera une installation qui correspond elle-même au volume dans lequel elle est exposée. Installation et lieu d’exposition se confondent alors. Cette idée de paysage immersif, d’un paysage intérieur qui intègre le visiteur est manifeste dans les deux autres lieux d’exposition de la Biennale.
La tentation est grande de mettre en parallèle deux œuvres. L’une provient du M.A.C. de Lyon, et l’autre de l’I.A.C. de Villeurbanne.
On entre dans ces œuvres, elle se font immersives. Au M.A.C. de Lyon, Renée Levi, architecte de formation, cloisonne une bonne partie du premier plateau par une série de quatre salles communicantes en enfilade. Les entrées sont désaxées pour ménager un effet de perspective entre ces quatre séries. Quatre volumes de taille inégale qui vont en se rétrécissant jusqu’à l’escalier, en bout de salle. Seuls les murs sont peints dans Mia. Le plafond blanc et le parquet clair par leur couleur participent du volume créé par l’artiste. Le traitement des volumes se fait par un jeu de couleurs sur les murs. Une couleur beige, sablée est répandue en bandes verticales ou obliques au rouleau puis hachurée à la bombe, un spray bleu. Un liseré rose encadre ces deux couleurs. L’idée du “all-over vaporeux” de certains "graffitistes" des années 1980 comme le souligne le cartel vient à l’esprit, mais plus loin forcément, les expressionnistes américains pour la gestuelle. Le travail est physique, dynamique, pas de repentir chez Renée Levi comme chez les tenants de l’Action Painting dont Jackson Pollock qui insistait sur la vitalité dans l’acte de peindre. Elle passe le rouleau, spraye, serpille les murs ou le sol, sans reprise possible. Même les essais de couleurs sont laissés comme l’indique un pan de mur dans Mia, avec une couleur violette testée.
Une grande toile sur laquelle étendre de la couleur, à racler, à laisser absorber la peinture. C’est physique aussi chez Charlotte Denamur qui expose Rosées bleues à l’I.A.C. de Villeurbanne.
Le “all-over” est plus manifeste. Quand on rentre dans la pièce, l’éclairage zénital occasionne un halo bleuté qui fait écho aux tableaux de l’expressionniste américain Mark Rothko. Le visiteur doit se laisser submerger par la couleur qui envahit tout le volume. Chez l’artiste américain, le visiteur doit avoir une position fixe, si possible assise, “le temps de regard” jouant un rôle crucial. Comme aux premiers temps de la photographie, le temps de pause importe, il conditionne le résultat : le temps de perception du tableau conditionne le degré de réception de l’œuvre. À l’I.A.C. de Villeurbanne, le visiteur, s’arrête, lève les yeux, et marche. L’installation de Charlotte Denamur est une grande toile en coton suspendue au plafond d’une salle entière qui forme une succession de vagues de profondeurs différentes. Il y en a sept. Sept creux. Aucun effet de monotonie, les vagues qui se succèdent sont de taille aléatoire, ni croissantes ou décroissantes. On est même amené à frôler, à toucher la grande toile à deux endroits. Le déplacement ici peut être envisagé comme le passage d’un tableau à l’autre, comme la succession d’une série de tableaux. D’un point de vue à l’autre.
Au M.A.C. de Lyon, l’effet est différent quand le visiteur se déplace. Il est obligé de faire demi-tour, et il ne voit pas la même chose. Les murs frontaux sont devenus blancs, les latéraux sont de couleur sablée. Comme un gant qu’on aurait retourné. Une sensation étrange, un endroit et un envers et bis repetita. Cette répétition des allers-retours prend le même sens que la variation des points de vue autour d'une architecture quand on en fait le tour, le tour de son extérieur. Ici, il s’agit d’un intérieur que l’artiste nous intime d’arpenter, dans toute sa longueur. L’installation se poursuit par une autre salle, adjacente à Mia. Elle joue sur un autre sens, le haut et le bas, c’est Moira. En entrant, un mur rose travaillé à la serpillère surprend, presque désagréable. Autour, des murs de lacis beiges. Neutres. Surtout le regard tombe et fixe deux grands parterres, deux toiles de coton travaillées au rouleau et à la bombe. Des formes géométriques rouges entourées d’un lacis bleu. On a beau se déplacer dans la salle, rien n’y fait, l’impression première demeure. Le regard accroché au sol, ce haut vers le bas.
Chez Charlotte Denamur, en fonction du déplacement, des formes humaines apparaissent. Complètes ou pas, un buste, une paire de pieds, de mains, un couple. Elles sont bleutées ou rosées, esquissent des mouvements, se confondent avec la couleur bleue, se diluent. Comme une idée de duplication avec des variations dans ces formes humaines qui naîtraient des couleurs. Un engendrement continu qu’on retrouve jusqu’au sol dans les plis de la toile.
Dans la dernière salle chez Renée Levi, Mi. C’est sobre, des écritures roses sur un mur blanc. Des prénoms féminins, Mi, Mia, Moira, la signature de l’artiste, “ée”, les dernières lettres de son prénom et le nombre 19. Oui, vraiment une signature.
Au sortir de Rosées bleues, l’obscurité de la salle suivante, et quand on se retourne, elle encadre le halo bleu. Ciel ou mer on ne sait. L’effet est saisissant.
Oui, vraiment deux paysages intérieurs.
Plein tarif : 16€
Pack Entrée + visite ou audioguide : à partir de 17€
Billet-Brunch* : Entrée + Brunch du dimanche aux Usines Fagor : 30€ | 26€ (Pour les moins de 26 ans)
*Tarif spécial accessible uniquement en prévente en ligne ou au 04 27 46 65 65 (du mar. au dim. de 10h à 15h).
Tarif Réduit : 9€
Pack Entrée + visite ou audioguide : à partir de 13€
Sur présentation d’un justificatif : Moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, carte famille nombreuse, enseignants et professeurs des écoles, professeurs en école des beaux-arts et d’architecture, accompagnateurs de PSH, professionnels du secteur culturel, les soirs de nocturne à partir de 18h.
Gratuité
Sur présentation d’un justificatif : Moins de 15 ans, détenteurs du PASS’REGION, étudiants en formation diplômante de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, étudiants des écoles d’arts, d’arts appliqués, d’architecture suivant des cursus diplômant, bénéficiaires du RSA, carte MAPRA et maison des artistes, carte ICOM et IBA, LYON CITY CARD, personnes en situation de handicap.
Pass permanent illimité
Pass permanent nominatif qui permet un accès illimité aux Usines Fagor, au macLYON et à l’IAC, Villeurbanne du 18 sept. 2019 au 05 janv. 2020.
Pass simple : 25€
Pass duo : 40€ (Valable pour 2 personnes)
Pass jeune : 16€ (moins de 26 ans)