Ça y est. C'est reparti. Cette année encore, ma ville se transforme pour une semaine en musée du cinéma pour certains, en école de l'image pour d'autres, voire les deux pour la plupart des Lyonnais. Le Festival Lumière est l'occasion pour moi de rattraper un certain retard dans ma culture cinématographique. La fatigue du quotidien ne laissant que peu de place à des moments plus culturels, on profite de ces parenthèses offertes comme on peut. L'occasion donc de vous proposer ce Journal de la Petite Lumière.

Cette année, mon parcours commence le lendemain de l'ouverture. Par manque de temps, et les études n'aidant pas, je n'ai pas pensé à acheter certains billets assez tôt. Toutes les séances du samedi se sont révélées complètes. C'est dommage mais c'est rassurant aussi. En ces temps où tourner les yeux vers un écran fait trop régulièrement tomber sur un sport quelconque ou une énième émission de variété, voir (horreur absolue) une télé-réalité, savoir que du monde s'est déplacé en masse pour voir une sélection d'incontournables du septième art laisse un arrière-goût doux-amer.

J'ai tout de même "sauvé les meubles" comme on dit. Ma première séance fût un moment familial. C'était essentiel pour moi de trouver une œuvre autour de laquelle rassembler mes parents et mon intérêt grandissant chaque jour pour le cinéma. Ce n'était pas chose facile. Le travail éreintant et lourd n'encourage pas trop à s'intéresser à certaines œuvres dites exigeantes. Mais, par miracle, un des films préférés de mon paternel fait partie de la sélection : Le Comte de Monte Cristo, adapté pour la deuxième fois par Robert Vernay en 1954.

J'ai été agréablement surpris quand ma mère, dont les origines ne sont pas françaises, s'est décidée à nous accompagner. Il y a toujours eu en moi ce léger partage entre deux cultures. Mais quel bonheur de pouvoir enfin partager un centre d'intérêt avec ses proches. Une sorte d'ironie à noter quand l'œuvre fédératrice est une aventure tragi-comique comme celle d'Edmond Dantès. À la fois film historique et drame humain, Vernay nous fait assister, avec le personnage d'Edmond Dantès, à la confusion tragique et comique en même temps qui secoua la France durant la première moitié du XIXème siècle.

On oublie parfois que nous ne sommes pas passés de l'ancien régime à la République en quelques années de révolution, pour sanglante qu'elle fût. Il y a eu Napoléon, Louis XVIII, re-Napoléon et même Louis-Philippe. Et au milieu de cette valse des régimes : ce fut le règne des intrigues politiques et conflits d'intérêts. De terribles machinations dans lesquelles certains disparaissaient par manque de fortune, de titres ou par tromperies. Dantès incarne ainsi toutes les victimes de ce chaos transitoire et poursuit une vengeance, qu'il se plait à qualifier de « divine », contre les responsables et les lâches.Bien avant Game of Thrones et autres séries faisant la Une actuelle, les conspirations, intrigues politiques et plans machiavéliques captivaient déjà. On a beau vanter l'originalité de ces œuvres contemporaines, on se rend compte qu'on ne fait qu'acclamer la réinvention d'une roue, ou plutôt son « re-design ». Mais c'est une vraie joie de découvrir un élément important comme celui-ci, surtout lorsqu’il permet télescopage d’un intérêt nouveau avec celui plus ancien d'un membre de sa famille. La transmission a lieu pourrait-on dire.Le soir même, à l'opposé du premier film, j'enchaîne avec le Chungking Express de la star de ce festival, Mr. Wong Kar-wai. Il fallait bien en voir un pour ne pas avoir l'air idiot. Une séance en solitaire cette fois, mais malgré tout intéressante. On comprend l'intérêt de l'Institut Lumière et de la critique en général pour cet homme. Bien que sortit en 1995, on peut difficilement faire plus actuel et parlant selon moi. Le montage et la frénésie du film montre bien un monde confus, perturbant et frénétique. Il n'est pas sans rappeler notre quotidien. Mais le calme semble s'installer quand une relation commence à s'établir. Le rythme du monde ralentit quand les jeux de la séduction se mettent en place.Et finalement, en sortant de cette séance, je me surprends à me dire que peut-être les deux récits auxquels j'ai assistés aujourd'hui ne sont pas si opposés. Un thème semble les unir : aller de l'avant, accepter le changement. Entre le comte assoiffé de vengeance pour les crimes du passé et les deux policiers du Chungking Express qui n'arrivent pas à oublier leurs ex-petites amies, il n'y a qu'un petit pas de deux siècles. Une chance de bonheur subsiste pour chacun s'il est prêt à lâcher prise.

J'ai déjà hâte d'être à demain pour voir ce que le festival m'a réservé.

To be continued.

Crédit photographique : Copyright Productions Jacques Roitfeld / ARP sélection