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Le Crime de L’Orient Express

Publié par - 20 décembre 2017

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Quand on considère la filmographie de l’acteur-réalisateur Kenneth Branagh, aucun a priori n’est vraiment possible. On peut le voir à la fois comme le réalisateur de Thor et Mary Shelley’s Frankenstein qui ont tous deux divisé la critique, mais on peut aussi le voir comme cet inconditionnel de Shakespeare qu'il a adapté plusieurs fois avec notamment sa version de quatre heures de Hamlet. A présent, le réalisateur se penche sur l’œuvre d'une autre grande figure de la littérature britannique : Agatha Christie et son fameux Crime de L’Orient Express.

Avant même d’accéder au train mythique en gare d’Istanbul, on assiste à une séquence d’ouverture en plein Jérusalem. Dans celle-ci, nous faisons d’abord connaissance avec le grand détective de Christie incarné par le réalisateur lui-même : Hercule Poirot. Après avoir suivi l’épopée d’un jeune garçon qui lui apporte des œufs, refusés car malheureusement inégaux en taille, nous suivons un Poirot attendu par une foule suspendue à son verdict final dans le cadre d'une affaire impliquant un rabbin, un prêtre et un imam. C’est alors dans une certaine théâtralité que Poirot annonce, dans un anglais à l’accent caricatural,  les faits et dicte sa conclusion à l’instar d’un Salomon, devant le mur des lamentations. Avec cette scène, on cerne mieux la personnalité du détective, un esprit vif et un maniaque de l’équilibre entre Bien et Mal, objet de sa vision de la justice. L’affaire est close, et Poirot s’en va à Istanbul pour se reposer.

Alors qu’il devait passer quelques temps à Istanbul, Poirot doit rejoindre Londres, via L’Orient Express au plus vite pour y mener une enquête. C’est dans ce même train qu’il y rencontrera la choralité des personnages de Christie, et devra mener une enquête impromptue. Le meurtre d’un passager dans un train bloqué par la neige en plein milieu des montagnes Yougoslaves. Tous les voyageurs sont donc suspects.

Dès l’entrée de Poirot dans L’Orient Express, le traitement de l’image participe du travail spatial fait par Branagh et nous plonge dans le complexe exercice qu’est le huis-clos. Les longs travellings qui accompagnent le détective fixent les limites de cet espace confiné dans lequel il est difficile de se croiser. L’Orient Express est pensé comme un véritable microcosme dans lequel tous ces personnages très caractéristiques fourmillent ;  les plans de coupe sur le personnel du train s'attardent avec minutie sur une époque, l’après-guerre, où la superficialité cache un magma étrange et inquiétant. Tous ces plans (photographie éblouissante de Haris Zambarloukos), l’intérieur du train comme l’extérieur alpin, nous rendraient presque nostalgiques d’un temps que les moins de quatre-vingt-dix ans ne peuvent pas connaître. Un temps figuré par une esthétique cinématographique faite de clairs/obscurs présente dans les flashbacks en noir et blanc où ombres et lumières virevoltent dans une sorte de danse macabre.Branagh use de la caméra comme Christie usait de la plume. Il s'agit de jouer avec son spectateur, de le berner malgré ces angles démiurgiques évocateurs au-dessus de la scène de crime (comme les croquis dans les romans) et ces plans intimistes des personnages. On goûte la tension, le suspens de l’enquête, mais nous restons ignorant de tout, nous ne pouvons avancer plus vite que l’enquêteur aux belles et célèbres moustaches.

Sera à noter en dernière instance la scène de dénouement, "gimmick" de Christie, dans laquelle le voile tombe. Branagh prend ici quelques libertés avec l'ouvrage littéraire. D’abord dans la présentation de la disposition des suspects dans L’Orient Express. Nous sommes ici plus proche de la Cène que d’une scène. Poirot leur fait face en parlant avec une véhémence proche des plus beaux passages de Shakespeare. Une scène d’autant plus intéressante dans sa symbolique puisque, comparée à l'évocation du mur des lamentations, s'apparente à un chœur venant ouvrir et fermer l’intrigue. Branagh nous propose ainsi de revisiter l’une des plus belles enquêtes de la littérature par l'intermédiaire d'une mise en scène orientée vers le vraisemblable et ne manquant pas de cachet. Une intrigue sur laquelle il ajoute une douce parabole concernant la balance de la justice, entre la culpabilité et la rédemption.

Crédit photographique : Copyright Twentieth Century Fox France

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