Splitscreen-review Image de Lady Bird de Greta Gerwig

Accueil > Cinéma > Lady Bird

Lady Bird

Publié par - 2 mars 2018

Catégorie(s): Cinéma, Critiques

Lady Bird est le nom que s’attribue une jeune adolescente qui veut rompre avec une réalité qu’elle considère inconciliable avec ses aspirations. De son vrai nom, Christine Mc Pherson (Saoirse Ronan) tente de s’arracher à ce qu’elle incarne aux yeux de son entourage. Comme tout individu qui entre dans cet âge que l’on dit ingrat (confirmation au regard du film de Greta Gerwig), l’émancipation est complexe et constituée inévitablement de parfois drôles et douloureuses étapes.

On le comprend très vite, dès la scène d'ouverture, Lady Bird est un film sur la fin de l’enfance perturbée par l’ingratitude ponctuelle de l’adolescence qui, dans ses excès, conduit l’individu vers un âge prétendu adulte. Cette transition qu’est l’adolescence est irrémédiablement balisée par toutes sortes de conflits. Pour nous en exposer quelques-uns, Greta Gerwig mixe habilement les tonalités de la comédie et du drame familial, le tout incorporé à une variation subtile sur les relations mère/fille.

Splitscreen-review Image de Lady Bird de Greta Gerwig

Lady Bird affiche ainsi des qualités dans le traitement simple et juste de cet instant inéluctable de l’existence où l’adolescence nous apparaît enfin pour ce qu’elle est, un temps de l’éphémère, un trait d’union entre l’enfance et l’âge adulte où l’individu est gagné par le sentiment d’urgence. Vite changer, vite faire le deuil d’une situation familiale devenue irrespirable, vite devenir quelqu’un d’autre. Mais l'empressement en question véhicule sa pénibilité. Chaque scène du film est à la fois habitée du sentiment de finitude, du souffle mélancolique de la séparation et ses répercussions affectives et, en même temps, affirme l’omniprésence d’une douleur intérieure alimentée par les craintes de l’inconnu. La scène de l'acte sexuel entre Lady Bird et Kyle (Thimotée Chalamet) est à ce titre exemplaire. Elle est un mélange d'amertume, de joie et d'humour. La forme filmique participe d'ailleurs de la retranscription de ces intentions multiples. Les plans s’interrompent parfois de manière surprenante. La soudaineté qui les régit le plus souvent contribue à indexer le contenu des scènes (et le film lui-même) aux changements d’humeurs liés aux sentiments versatiles de cet âge mais aussi à les relativiser donc à les attendrir et les charger, parfois, d'humour.

Splitscreen-review Image de Lady Bird de Greta Gerwig

Lady Bird est également un film sur la découverte de l’être qui sommeille en chacun de nous. Celui qui est tapi au plus profond de notre être et qui, sans avoir jamais pu soupçonner sa présence, émerge un beau jour brutalement. Cet autre soi qui se révèle naturellement de manière inopinée lorsque les premières questions sur l’identité (sexuelle ou non) apparaissent. Cette "métamorphose" génère chez Christine (Lady Bird) une souffrance intérieure qui, de manière concentrique, contamine tous les personnages du film : ses amies, sa famille, les petits amis aux fortunes diverses. Ainsi, le film, par ses ruptures de ton, se fera l’écho de cette douleur interne par la manière dont se succèdent les séquences.

Les scènes s’enchaînent sans avoir parfois de lien visible. Des situations s’exposent mais sans cause tangible donc sans conséquence affirmée. Il y a bien évidemment dans ce parti pris l'idée de retranscrire le quotidien affectif de Lady Bird mais pas seulement. C’est aussi une manière de convier le spectateur à ressentir, par projections mémorielles, la palette d’émotions mise en avant par la structure dramaturgique de Lady Bird.

Splitscreen-review Image de Lady Bird de Greta Gerwig

De la même manière, la musique est utilisée et pensée comme un matériau de restitution ou de traduction des affects dans toute leur complexité. En certaines occasions, la bande son prendra en charge nombre d’éléments importants pour la compréhension du film et des personnages que l’image ne pourrait assumer sans alourdir le propos. Cela explique en partie quelques évidents anachronismes musicaux créés par l’insertion de morceaux réarrangés dernièrement alors que l’action de Lady Bird se déroule en 2002. Nul besoin de connaître les titres concernés, ils sont repérables puisque les sonorités musicales des années 2000 ne ressemblent en rien à celles que nous pouvons entendre aujourd’hui. Pourtant cela ne nuit en rien à la lecture de Lady Bird. Car ce qui importe ici, c’est ce que la musique traduit des personnages ou la manière dont elle représente leurs états d’âme.

Splitscreen-review Image de Lady Bird de Greta Gerwig

Lady Bird n’est sans doute pas le plus grand film de l’année mais il a pour grande qualité de témoigner d’une aptitude à faire coïncider intention et réalisation sans pour autant négliger la direction d’acteurs irréprochables. Intention que nous pourrions résumer par la volonté de poser un regard féminin sur les révélations identitaires d’une jeune fille qui se transforme en jeune femme à l’intériorité tourmentée. Ce qui n’est pas rien. Au plaisir donc de découvrir le prochain film de Melle Gerwig !

Crédit photographique : Copyright Universal Pictures / Merie Wallace, courtesy of A24

Partager