Adapté du roman d‘André Aciman et réalisé par Luca Guadagnino, Call me by your name nous conte la romance bucolique d’un jeune surdoué, Elio, lors de vacances estivales passées dans la villa de ses parents, en Lombardie rurale. La zone de confort de ce garçon, située entre livres et partitions musicales, se voit chamboulée par l’arrivée d’Oliver, bel universitaire américain qui vient vivre dans la villa des parents pour quelques semaines.
Commence alors une sorte de jeu entre les deux personnages. Un trouble jeu qui oscille entre des mondanités d’intellectuels, chacun cherche à prouver l’étendue de son savoir (et de son arrogance), et de longs moments de silence par lesquels regards et contacts subtils laissent envisager la nature de la relation que vivront les deux jeunes hommes. D'abord ce sera "l'amour vache", orientation explicitée dans les joutes verbales qui maintiennent leur aventure au niveau du cérébral ou du platonique tandis que tout, dans l’environnement, invite à penser au charnel. Un charnel sublimé par ces paysages lombards où les corps presque dénudés flânent et errent dans les soirées entre amis, les baignades en rivières et les balades champêtres. Call me by your name se déroule au début des années 80 dans un environnement gagné par les relents nostalgiques de l’adolescence non-connectée, insouciante et tentée par les amours passagères. L’amour estival, comme de bien entendu, a des vertus émancipatrices mais il véhicule aussi son lot de souffrances induites par sa durée éphémère.
Dans Call me by your name, Guadagnino dévoile avec un certain réalisme la lente évolution des rapports entre Elio et Oliver. Après "l'amour vache", la séduction opère et cette dernière rapproche les deux hommes. Dans un premier temps, une complicité/rivalité presque fraternelle s'installe, puis viennent des gestes incertains et sensuels qui témoignent de la complexité du désir qui s'empare d'Elio et d'Oliver. Cela dans une époque où l’homosexualité commençait à se normaliser dans les mœurs. Cette attraction s’inscrit dans de longs plans fixes qui nous invitent à suivre l’intimité et les doutes du personnage d’Elio. Une fois que le charnel s'empare de la relation, l’amour semble condamné à s’éteindre. Ils ne peuvent que se soumettre à la réalité du monde, aux obligations, au « devoir d’état ». Le croisement de leurs chemins respectifs aboutit à une relation fusionnelle mais leur condition respective ou leur milieu augurent de la fin de la romance.
Au travers d’Elio, ce sont aussi beaucoup de thèmes chers à l’adolescence qui sont développés dans Call me by your name. Cette "transition" par laquelle nous quittons l’enfance et arpentons le chemin de la révélation de soi. Dans le meilleur comme dans le pire, nous devenons adultes. Ce passage plus ou moins chaotique se retrouve souvent matérialisé par l’éveil à la sexualité et la désillusion qui peut s’en suivre. Alors qu’il poursuit cet idéal « sapiosexuel » qui rappelle les statues d’éphèbes que son père étudie, Elio se retrouve plusieurs fois confronté à sa propre misère sexuelle. Derrière le décor de l’Italie idyllique se trouve la remise sale et poussiéreuse du réel. Derrière la douce musique qui romance les séquences de jeu se trouve le silence des moments intimes. Dans cette dichotomie, Elio ne semble vouloir vivre que dans un idéal. Il ne veut vivre et exister que dans cette relation avec l’incarnation de cette perfection diabolique qu’est Oliver ; et il rejette Marzia (la petite amie "légitime") qui, elle, se rapproche d’un réel imparfait. Il conserve, malgré les expériences estivales, le caractère infantile de celui qui ne veut pas ce qui lui est donné, mais se plaint de ce qui ne lui est pas accessible. Ce qui a changé ? Ce que le dernier plan nous indique : il est lucide quant à ce qui sépare le désir de la réalité.
Call me by your name, est un film qui évoque ainsi cette adolescence idéaliste tiraillée entre ces deux mondes, attirée par l’expérience de l’interdit mais impuissante face à la frustration qui peut en découler.
Crédit photographique : Copyright Sony Pictures